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Pirater la ville: aujourd’hui Amsterdam, demain Montréal?

Le quartier Buiksloterham est réputé pour «pirater la ville», mais ça veut dire quoi?

Par
Camille Dauphinais-Pelletier
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Que faire quand on rêve d’habiter un quartier créatif et écoresponsable, mais que tout ce que les promoteurs proposent est une variation sur le thème du condo-beige-avec-un-balcon-vert-lime-comme-touche-de-fantaisie ?

Réponse : on crée son quartier rêvé.

Ça semble du moins être ce que se sont dit les habitants du quartier Buiksloterham à Amsterdam, réputé pour « pirater la ville ».

Mais attention, n’allez pas imaginer une gang de pirates qui détournent le courant des poteaux d’électricité et volent le wifi public ; plutôt un village qui semble tiré d’une réalité alternative, enclavé dans la ville.

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(Crédit photo : Adam Nowek)

Le cœur du quartier, c’est De Ceuvel, une zone qui accueille des startups, des espaces de coworking, des salles de conférences et un café. Située au bord du célèbre port d’Amsterdam, cette zone comptait autrefois des entrepôts abandonnés, des terrains vagues et des docks déserts. La gang de De Ceuvel en a tiré profit en achetant pour une bouchée de pain les vieilles péniches amarrées dans le port, en les retapant et en les installant sur la terre ferme. Voilà qui fait de bien beaux bureaux !

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(Crédit photo : Adam Nowek)

Vous payez en euros ou en jouliettes ?

Non seulement, comme on le disait plus haut, les pirates de De Ceuvel ne siphonnent pas les ressources de la ville à son insu, c’est même le contraire. L’objectif est de dépendre le moins possible du système central d’énergie. Et pour ça, on a installé des panneaux solaires sur les toits de tous les bâtiments de la zone.

Mais ça ne s’arrête pas là. Le quartier a maintenant sa propre cryptomonnaie, les jouliettes (nom dérivé de l’unité de mesure joule).

Le quartier a maintenant sa propre cryptomonnaie, les jouliettes (nom dérivé de l’unité de mesure joule).

En gros, ça fonctionne ainsi : grâce à l’énergie générée par les panneaux solaires installés sur sa péniche, chaque membre (que ce soit le propriétaire d’une startup, ou celui du café) accumule des jouliettes. Comme les panneaux sont en réseau, un membre qui utilise beaucoup d’énergie peut consommer celle produite par un voisin qui en consomme moins, et le transfert de jouliettes d’un compte à l’autre se fait automatiquement. Évidemment, les jouliettes peuvent aussi être utilisées pour se payer une bière au Café De Ceuvel !

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Les membres peuvent aussi voir en temps réel quels bâtiments du quartier consomment plus d’énergie. (Source de l’image)

On retrouve aussi à De Ceuvel un marché bio hebdomadaire, ainsi qu’un restaurant dont les fourneaux sont alimentés au biogaz — grâce aux déchets produits par les toilettes —, et avec une serre aquaponique (qui marie l’élevage de poisson et la culture de plantes) sur le toit du resto. Bref, on fait de l’économie circulaire pas à peu près !

Au-delà de De Ceuvel

De Ceuvel est ouvert au public, mais compte seulement une cinquantaine de membres. Ça ne veut pas dire que le quartier Buiksloterham se résume à ça !

Les terrains aux alentours étaient prévus il y a quelques années pour des développements immobiliers, mais la crise de 2008 a freiné les ardeurs. Plus récemment, des citoyens d’Amsterdam, tout particulièrement des architectes et des ingénieurs, ont décidé qu’ils voulaient développer l’endroit. Après un peu de pression, la ville a embarqué (il fallait bien, puisque la mairie était propriétaire des terrains). Depuis 2015, des habitations y sont construites, respectant les principes de recyclage, d’autoproduction d’énergie, d’objectif zéro déchet et d’utilisation du numérique pour fédérer la communauté, comme convenu dans le manifeste « Buiksloterham circulaire », à l’origine du projet de développement.

Pirater Montréal ?

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On n’a évidemment pas de quartier semblable à Montréal, et une cryptomonnaie comme la jouliette est plutôt novatrice.

Mais drôle de hasard : La Presse a justement annoncé hier qu’un quartier pourrait pousser au bord du fleuve près du Silo numéro 5, ancien emplacement industriel près du port qui fait un peu penser à Buiksloterham.

Le projet est vraiment loin d’être le même (on parle d’un promoteur privé qui veut ouvrir un hôtel avec passerelles aériennes, et des tours d’habitation et de bureaux classiques), mais il fait réaliser qu’il existe de grands pans de terrains qui ne sont pas développés à Montréal, et qu’une gang de passionnés pourrait peut-être un jour signer un manifeste circulaire pour développer un village style Buiksloterham.

Et vous, ça vous dirait qu’un tel endroit, qui se construit par le bas, existe à Montréal ? Dans quel secteur ?

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