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Pirate de laine pour poésie urbain

Tricot Pirate: la joie en petits bouts de laine.

Par
Judith Lussier
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Tu trouves ton coin de ville gris? Tricot Pirate, une artiste de tricot-graffiti, t’offre d’embellir ton arrêt-stop ou ton nid-de-poule préféré en contrepartie d’une contribution à sa campagne de socio-financement. Son projet : créer une résidence d’artistes tricoteurs aux Jardins Gamelin tout l’été.

Comment es-tu devenue tricot-graffiteuse?

Je n’ai pas eu de grand-mère pour me montrer à tricoter, mais en 2002, je faisais partie d’une organisation qui s’appelle The Church of Craft, où j’ai appris. Je savais déjà que je ne voulais pas faire des chandails, je voulais faire de l’art. Puis, en 2005, j’ai découvert le yarn bombing : littéralement, ça veut dire bombardement de laine, mais en français on dit tricot graffiti. Ça m’a ouvert des portes sur ce qu’on peut faire avec le textile pour envahir l’espace.

Qu’est-ce qui t’intéresse dans ce médium?

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Ce que j’aime le plus, c’est tailler une brèche dans la normalité des choses. Les gens sont un peu désarçonnés de voir de la laine dans un espace public. Ça surprend. Ça met un sourire dans le visage. Et en même temps, il y a quelque chose de réconfortant dans le tricot, qui est un savoir-faire utilitaire qui nous rappelle nos grands-mères.

Dirais-tu qu’il y a quelque chose de féministe là-dedans?

Oui, parce que c’est une réappropriation de savoir-faire traditionnellement féminins pour en faire quelque chose de totalement libre qui prend sa place dans l’espace public. Ça permet aussi, d’une certaine façon, de ramener les personnes âgées dans l’espace public.

Est-ce que c’est légal?

Non! Ce n’est pas du tout légal. C’est pour ça que mon nom, c’est Tricot pirate. Ce n’est pas criminel, mais c’est illégal. Quand on ne demande pas la permission, généralement c’est toléré, voire célébré, mais quand on la demande, elle nous est TOUJOURS refusée, alors on est mieux de ne pas le demander! En 2013, je faisais partie du collectif les Ville-Laines, et la SDC St-Denis nous avait mandatées pour couvrir 50 lampadaires de laine. Les cols bleus les ont enlevés au bout d’une semaine! Ça montre bien que même quand le tricot-graffiti prend place dans un cadre normalisé, c’est pas normal!

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Au-delà de l’aspect subversif, y a-t-il une volonté esthétique?

Oui, il y a de la beauté là-dedans. C’est de la poésie : quand on voit de la laine dans l’espace public, ça réchauffe le cœur. Ça nous permet d’embellir la ville. En tant que citoyens, on n’a pas tellement de pouvoir. Si on veut du pouvoir, il faut aller aux conseils de ville, et peu de gens le font. Mais on a un pouvoir avec le tricot graffiti de mettre de la couleur dans la ville si on la trouve grise. C’est une façon de se réapproprier l’espace. Mais l’aspect subversif est aussi très important pour moi. J’aime beaucoup l’idée de surprendre et de subvertir les savoir-faire.

Est-ce que tu sens que c’est perçu comme un art à part entière?

L’aspect utilitaire du tricot le ramène parfois à sa vocation première. Par exemple, les gens me demandent pourquoi j’ai pas fait des chandails pour les itinérants à la place – ils sont parfois révoltés! – mais pourtant, l’art en général ça sert à rien. Pourquoi vu que c’est de la laine il faudrait que ce soit utilitaire?

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Dans ton projet cet été, tu veux impliquer les gens. Comment tu vas t’y prendre?

J’aime travailler en connivence avec les Montréalais, alors j’aimerais m’installer aux Jardins Gamelin et donner des ateliers de tricot pour qu’on fasse des interventions ensemble. Je ne sais pas ce que ça va donner comme résultat, mais c’est ça qui est le fun. Je veux qu’on porte attention au mobilier urbain et qu’on soit conscients de notre environnement parce que d’habitude on marche et on ne remarque rien. Je veux donner de l’amour à la ville de la même manière que quand tu reçois une paire de bas de ta grand-mère, tu te sens aimé!