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Philippe Dubuc

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Porte-étendard du milieu de la mode d’ici, Philippe Dubuc est un créateur singulier au style urbain et moderne.

D’abord reconnu pour ses collections masculines aux lignes épurées, il dessine désormais tant pour les femmes que pour les hommes. Dubuc, sa griffe éponyme, est distribuée à travers le monde aux côtés de Paul Smith et Helmut Lang. Entretien avec un homme pour qui l’esthétique n’a rien de superficiel.

Quelle est ta définition du style?
Avoir du style, c’est ne pas succomber aux modes et être cohérent avec soi-même au fil du temps.

Quel est le premier morceau de vêtement que tu aies créé?
C’était pour une figurine GI Joe! C’est ma marraine qui m’en offrait, mais comme je préférais jouer aux Big Jim (qui étaient un peu plus trapus), je devais modifier leurs vêtements pour qu’ils fassent à mes Big Jim. On peut donc dire que j’ai donc commencé ma carrière de designer en faisant des altérations!
Adolescent, étais-tu déjà une carte de mode ?
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Je ne connaissais pas grand-chose aux créateurs de mode à cet âge-là. J’étais plutôt influencé par la musique, surtout par les mouvements alternatifs et new wave. J’en avais contre le mainstream et ça se voyait dans ma manière de me vêtir. Je ne portais jamais d’espadrilles et je magasinais dans les friperies.
Qu’est-ce qui t’inspire à l’extérieur du monde de la mode?
L’architecture. Je suis quelqu’un de foncièrement urbain, et en ville, les immeubles sont comme des personnages. La texture des matériaux, la manière dont ils réfléchissent la lumière, tout ça contribue à donner la personnalité à un quartier, à une ville.
Qui décide des grandes tendances? Par exemple, qui a décidé que les ponchos revenaient à la mode cette année?
Ce sont véritablement les stylistes qui choisissent ce qu’ils veulent mettre de l’avant dans les magazines et les publicités. Les créateurs ne font que leur fournir la matière brut et eux pigent à droite et à gauche certains morceaux qu’ils jugent être dans l’air du temps.
As-tu peur de devenir un jour prisonnier de ton style?
Non, mais j’ai peur de mal vieillir, de ne plus sentir le pouls de la jeunesse. Montréal est une ville très confortable où il est facile de s’engourdir. Si on veut constamment évoluer, il faut être toujours «on the edge». Il ne faut jamais cesser de prendre risques, tant financiers qu’artistiques. J’aurais pu me contenter de la reconnaissance que j’ai obtenue localement, mais je ne me suis pas assis sur mes lauriers et j’ai décidé de me mesurer à l’international. Ça fait maintenant quatre ans que je vais à Paris présenter mes collections alors que j’aurais très bien pu investir l’argent pour m’acheter une maison de campagne!
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Si un jour une compagnie comme Gucci t’appellait et te proposait un poste comme celui que Tom Ford occupait, soit celui de directeur de création de la marque, y penserais-tu?
Certainement. Mais il faudrait que je puisse uniquement me concentrer sur la création.
Serais-tu alors prêt à abandonner la marque Dubuc?
Jamais. Ça fait dix ans que je travaille d’arrache-pied à développer le style Dubuc, à le peaufiner et je ne pourrais pas accepter que ça disparaisse du jour au lendemain.
Quel vêtement trouves-tu le plus agréable à dessiner?
Le pantalon. C’est le vêtement qui représente le plus grand défi en terme de souplesse, de confort et d’ergonomie. C’est d’ailleurs ce que j’enfile en premier le matin et ça influence tout ce que je mets ensuite.
Trouves-tu parfois lourd d’avoir à porter le poids d’une griffe de vêtements qui porte ton nom? Il doit t’arriver d’avoir envie d’aller au dépanneur habillé comme la chienne à Jacques…
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Pour moi, me vêtir est une manière de m’exprimer. Pour beaucoup de gens, c’est un geste inconscient, mais on s’habille toujours en fonction de ce qu’on veut communiquer au monde extérieur. La plupart du temps je m’habille selon mon humeur du matin… ou selon ce que j’ai de propre!
Quel aspect de la mode t’irrite?
La jalousie des gens du milieu de la mode québécois. Beaucoup de personnes attendent juste que je me plante.
Trouves-tu que les gens au Québec ont du style?
Par rapport au reste du Canada, oui, mais si on se compare à l’Italie ou à l’Angleterre, non. Les gens d’ici manquent souvent d’exubérance et n’osent pas s’habiller pour faire tourner les têtes.
La question piège : le sens du style est-il inné chez les gais?
Je suis assez mitigé à ce sujet. La grande majorité de ma clientèle est hétéro et a généralement beaucoup de goût, tandis que plusieurs gais que je connais sont tellement occupés à être gais, presque comme si c’était une profession. Parce qu’ils sont gais, ils pensent détenir la science infuse en matière de style. Ça, ça m’énerve. Cela dit, les gais ont contribué à rendre l’homme plus coquet et c’est généralement pour le mieux.
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Tes collections sont assez monochromes, dans des teintes de gris et de noirs. Arrive t-il à Philippe Dubuc de porter un t-shirt rose?
Jamais! J’aurais trop peur d’avoir l’air fif! [rires] J’aime beaucoup jouer avec les subtilités de couleurs. Il existe des noirs plus chauds, d’autres plus bleutés, etc. Mon style est très précis et j’aime travailler avec une palette réduite, ça me force à me concentrer sur les matières et la perfection des détails.
Y a t-il des gens qui copient tes vêtements et qui les revendent moins chers?
Simons est un de mes meilleurs clients et me copie fréquemment. Je n’ai rien contre; c’est même flatteur car les plus grands designers se font plagier. En autant qu’ils le font avec une saison de retard!