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PGB artisan : entrevue avec un fabriquant de cymbales

« Chacune des pocks qu’on peut voir sur mes instruments, c’est un coup que j’ai donné. »

Par
Alexandre Demers
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Depuis quelque temps, un projet artisanal des plus noisy prend forme à coups de marteau dans un sous-sol de Rosemont. Dans une approche très DIY, un jeune musicien a décidé de construire des cymbales de ses propres mains avec les moyens du bord. C’est comme ça qu’est né PGB artisan cymbals, un projet qui commence à faire du bruit un peu partout.

Le jeune créateur derrière tout ça, c’est Philippe Gauthier Boudreau, drummer de Choses Sauvages. D’une obsession pour la création, le musicien et artisan est présentement en train d’ériger les bases d’une véritable petite business parmi les plus artsy et originales de la province.

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TOUT UN ÉVENTAIL DE CYMBALES

« Je fais de tout », lance Philippe, d’entrée de jeu. « Je fais des rides, des crash, des hi-hats. Je fais aussi des china, qui est une crash, mais je vais l’inverser dans le processus de fabrication. C’est vraiment de tradition asiatique. »

Pourtant, le batteur ne se décrit pas comme un gearhead qui connaît toutes les marques et produits existants dans leurs plus infimes détails. Et il ne trippe pas nécessairement sur les instruments vintages non plus. Au fond, ce qu’il fait, c’est essentiellement parce qu’il avait envie de créer et de se lancer dans une niche qui n’avait pas vraiment été exploitée.

« Mon approche, c’est de faire des cymbales uniques. C’est facile de trouver des cymbales, dans le sens qu’il y a déjà plein de compagnies qui en fabriquent, mais ça reste qu’elles sont toujours un peu prévisibles. De mon côté, il n’y en a aucune qui est pareille à l’autre. C’est un peu ça le public que je vise, c’est-à-dire des gens qui cherchent des cymbales qui vont avoir leur propre personnalité. »

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LES PREMIÈRES ÉTINCELLES

Tout a débuté il y a environ quatre ans, un moment où un Philippe début-vingtaine retournait à l’université en musique à Concordia. « À ce moment-là, je trouvais ça cool d’étudier et d’avoir un band, mais j’avais ce besoin de faire quelque chose d’autre de mes mains, » raconte celui qui a grandi dans un atelier où son père travaillait la facture d’instruments.

« Puis, j’ai pensé aux cymbales. J’ai checké comment ça se faisait pis il y a une switch qui s’est allumée dans ma tête. J’ai commencé à parler de mon idée avec mes amis et ma blonde de l’époque. Et plus j’en parlais, plus on dirait que c’était un projet qui se pouvait. »

« J’en ai finalement aussi parlé à mon père. Il m’a dit “Ah c’est pas compliqué, ça te prend juste tels trucs pis telle autre affaire.” Pis au final, c’est vrai. Il n’y a rien qui est compliqué si t’es prêt à mettre l’effort. »

« Je me suis mis à chercher ce que ça prenait, à entreprendre les démarches pour l’équipement et trouver le type de métal adéquat pour faire sa propre enclume. J’en ai acheté d’un grossiste et j’ai commencé une pièce de métal que j’ai fait shaper et polie. »

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« Honnêtement, à ce moment-là, je ne savais pas trop ce que je faisais, mais j’y allais quand même. J’ai posé pas mal de questions et j’ai gossé beaucoup de gens. J’ai fait des erreurs qui m’ont coûté vraiment beaucoup d’argent, pis après ça, j’ai écrit à plein de compagnies en Turquie, parce que c’est traditionnellement de là que vient la fabrication de cymbale, pour acheter les pièces de métal. »

UNE TECHNIQUE PUISÉE AU BRÉSIL

Son savoir-faire a également pris une coche après qu’un inconnu du domaine se soit glissé dans les DMs de son compte Instagram; un connoisseur qui avait perfectionné sa technique en Turquie au cours des 20 dernières années. Il offrait même des formations spécialisées dans sa toute nouvelle fonderie en Amérique du Sud.

« Je suis allé dans son atelier pendant une semaine au Brésil. On s’est vraiment penché sur la compréhension de l’acoustique, c’est-à-dire sur ce qui se passe quand tu tapes sur une cymbale, comment le son voyage, etc. Après, il m’a montré différentes techniques de martelage, dépendamment de la technique traditionnelle turque pis d’autres techniques qu’il a apprises chez certaines familles du pays. »

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INSUFFLER UN PEU D’ÂME

Désormais armé de tout son street knowledge du monde de la cymbale, c’est dans le confort de son atelier qu’il fait aller son marteau et son enclume.

Chacune des pocks qu’on peut voir sur mes instruments, c’est un coup que j’ai donné.

« Les cymbales qui sont moins chères dans les magasins sont fabriquées à la machine. Les compagnies vont programmer un pattern de martelage, donc le produit va tout le temps être pareil. Tandis que moi, je donne des milliers de coups de marteau pour une seule cymbale. Chacune des pocks qu’on peut voir sur mes instruments, c’est un coup que j’ai donné. J’ai différents marteaux pour aller plus (ou moins) creux. Ça fait que les harmoniques sont un peu plus complexes. Ça peut te permettre de mettre la main sur une cymbale qui a plus de personnalité. »

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« Même si je fais la même cymbale avec le même type de profil, la même bell et la même taille, elles vont peut-être être dans le même range de fréquences, mais elles ne seront pas pareilles. Et souvent, dans la fabrication, je vais faire mes rides avec le plus de versatilité possible. Tu vas pouvoir les crasher et donc t’en servir dans vraiment plein de contextes différents. Donc si tu veux m’acheter une 22 pouces, tu peux en essayer dix pis choisir celle que tu préfères, » explique-t-il.

La flexibilité artisanale de ses produits se fait principalement remarquer lorsqu’il fait des démonstrations dans de courts vidéos sur sa page Instagram. C’est d’ailleurs par cette voie-là que le contact avec l’artisan se fait si vous voulez vous procurer ses produits.

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« Mon but, c’est de faire ça à long terme. Je veux gagner ma vie avec la fabrication de cymbales, pis je sais que c’est possible. Je suis notamment en train de trouver une façon d’imprimer mon logo sur les cymbales. »

« Aussi, j’ai maintenant un partner et, en avril, on va déménager mon atelier dans un espace pas mal plus gros avec plus de potentiel pour avoir les outils nécessaires. »

« Dans le monde de la cymbale, même si t’arrives avec une approche artisanale, t’es quand même en compétition avec les grandes compagnies qui sont super bien organisées. Je sais qu’il y a un marché, et quand je vais me lancer pour vrai, il faut que tout soit bien préparé. On veut évidemment bien passer à l’étape suivante, » conclut-il.

Si les cymbales de Philippe vous intéressent, il est possible de parler des prix en le contactant directement au [email protected]

Pour le suivre sur Instagram, c’est ici.

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