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Peut-on survivre financièrement au cancer? Des jeunes adultes témoignent
Salut!
Si vous avez visionné l’épisode Peut-on survivre financièrement au cancer? de la série Sans Filtre, c’est moi, la fille avec le turban, peu de sourcils et qui parle beaucoup.
Mon amie Rose-Aimée m’a beaucoup accompagnée depuis mon diagnostic de cancer du sein, en août 2018. C’est en jasant dans mon salon, entre deux traitements de chimiothérapie, que l’idée de (re)questionner les ressources financières offertes aux cancéreux.ses québécois.es a germé dans nos esprits.
J’ai accepté de participer à cette entrevue parce que ce sujet complexe, que je ne maîtrise pas tant moi-même, me tient évidemment à coeur (et aussi parce que j’étais beaucoup trop excitée à l’idée de me faire maquiller). Mais comme chaque cancer, patient.e, réalité et métier est différent, je me devais de partager cette tribune avec mes jeunes ami.e.s aussi atteints de cancer, et dont les histoires méritent d’être connues.
Voici donc leur témoignage de conciliation, rarement évidente, de cancer/travail/finances.
Judith, 26 ans
Diagnostic : Glioblastome multiforme grade 4 en 2016
Occupation : finissante au deuxième cycle en communication organisationnelle avant le diagnostic, et actuellement préposée au guichet dans une salle de spectacles.
J’ai terminé mon DESS en communication organisationnelle et mon stage de quatre mois en août 2016. J’ai alors démissionné de ma job étudiante à la billetterie d’une salle de spectacles, puisque je voulais me donner une pause avant de trouver ma “job de vie”. Une semaine plus tard, j’apprenais que j’avais une tumeur cérébrale.
J’ai entrepris des démarches pour l’assurance-emploi, à travers laquelle j’ai reçu un certain montant. J’ai finalement dû demander de l’aide financière à mes parents parce que le gouvernement ne me considérait pas éligible au bien-être social. Pourquoi? Parce que j’avais “trop” d’argent dans mon compte… Il s’agissait de la somme que j’avais accumulée pendant mes études pour avoir un coussin et ne pas me retrouver à la rue.
Je suis retournée au travail un an et demi plus tard, grâce à la superviseure de la billetterie où je travaillais jadis. Elle m’a prise en main et m’a dit qu’elle allait me donner une semaine de congé par mois pour me permettre de faire mon traitement de chimio. J’ai aussi parallèlement fait un stage bénévole dans un OBNL en communication, afin de me remettre dans le bain.
À ce jour, je dois travailler maximum 25 heures par semaine pour ne pas m’épuiser. Je réussis à payer mon loyer et mon épicerie, mais mes parents m’offrent encore de l’aide financière par certains mois plus difficiles. Je suis en appartement avec mon copain et on se sépare également les dépenses et le loyer. La seule différence, c’est que j’attends parfois ma paye pour acquitter ma part des factures, puis je lui transfère ensuite l’argent. Je cherche maintenant un emploi dans mon domaine, mais je priorise ma santé avant tout.
Je le dis depuis le début: il faut être riche pour avoir un cancer!
Marie-Claude, 31 ans
Diagnostic : cancer du sein triple négatif en 2016 et même cancer (mais métastatique aux poumons) en 2018
Occupation : auparavant boss girl dans une microbrasserie, maintenant femme à la maison et bénévole pour trois organismes
Je n’avais pas travaillé plus de quatre mois entre le premier cancer et le diagnostic de ma récidive. J’ai donc été sans revenu pendant quelques temps, pour finalement recevoir 162$ aux deux semaines, via l’assurance-emploi, et ce, pour 15 semaines…
Étant donné que ma femme travaille, je n’ai pas droit à l’aide sociale. J’ai donc dû faire ma demande d’invalidité. Je passé quatre mois sans revenu, soit le temps que mon dossier soit accepté à l’invalidité, et je reçois actuellement 684$ par mois…
L’année dernière, j’ai dû lancer un GoFundMe pour m’aider.
Catherine, 28 ans
Diagnostic : Lymphome de Hodgkin
Occupation : Étudiante/enseignante en adaptation scolaire
Puisque j’étais étudiante au moment de mon diagnostic, je n’avais aucune couverture en cas de maladie. J’étais aussi employée à Contrat à la commission scolaire de Montréal, alors encore là: aucune couverture.
Chaque mois, je devais payer 87$ pour mes médicaments. Grâce au Régime d’assurance médicaments du Québec, c’était un montant assez bas, mais je me considère tout de même chanceuse que mes parents soient en « moyens » et qu’ils aient pu payer ces frais, ainsi que mon loyer et toutes autres dépenses!
J’ai éventuellement tenté d’aller chercher une compensation monétaire au programme d’aide sociale, mais ma demande a été refusée car je recevais déjà le soutien de mes parents. Pour y avoir accès, j’aurais dû d’une part ne pas avoir d’économies, et d’autre part ne pas recevoir d’aide de mes parents. Puisqu’il était plus avantageux pour moi de compter sur ma famille, je n’ai pas continué mes démarches.
Disons tout de même que c’est assez décevant de constater que malgré la maladie, on te met des bâtons dans les roues. Il me semble que ça va de soi de recevoir une certaine assistance dans ce genre de situation…
Bref, thank God pour mes parents !
Anthony, 37 ans
Diagnostic : Cancer du testicule avec séminomes classique grade 3 à risque intermédiaire avec une petite métastase sur la colonne vertébrale, en 2016. Récidive en 2017.
Occupation : Photographe
Les deux fois où j’ai reçu des traitements, j’avais la chance d’avoir une assurance privée. J’ai bien entendu connu une baisse de revenus, mais rien de trop grave car les dépenses ont aussi grandement diminué.
À la suite d’un bris automobile imprévu, ma conjointe et moi avons dû demander de l’aide à nos parents. Quand on est malade comme ça, il ne faut pas avoir de honte ou de gêne à demander de l’aide…
Ma conjointe a trouvé un bon emploi à la toute fin de mes traitements, j’ai donc pu recommencer à travailler à mon rythme, sans stress, à titre de travailleur autonome. Puis, quelques mois avant ma récidive, j’ai trouvé un emploi à temps plein. Heureusement, quand la récidive a frappé, mon employeur s’est montré très compréhensif. Ce fut par contre un peu plus compliqué avec le retour progressif, quelques mois plus tard… Mon employeur trouvait mon plan de retour trop lent et m’a proposé son propre plan qui était pratiquement trois fois plus rapide! Pas besoin de dire que ça m’a causé beaucoup d’anxiété avant même de recommencer à travailler!
Après quelques mois, j’ai laissé mon emploi pour retrouver le travail autonome et ainsi mieux écouter mon corps. J’ai la chance d’avoir une copine qui fait relativement un bon salaire et qui me soutient dans cette décision, ce qui m’enlève beaucoup de pression.
Catherine, 41 ans
Diagnostic : Cancer du sein stade 2 grade 2 avec risque intermédiaire en 2015. Récidive en mars 2018, cancer du sein métastatique avec foie, ganglions hilaires vertèbres 5 atteints.
Occupation : Responsable logistique
Lorsque j’ai eu mon premier diagnostic, j’avais un an de traitement devant moi. Puisque j’avais la chance d’avoir une assurance invalidité avec mon emploi, j’ai été en arrêt de travail pendant 13 mois. Je recevais alors des prestations équivalant à 70% de mon salaire. J’étais en mesure de payer mes dépenses de base, mais il n’y avait pas beaucoup de jeu pour profiter un peu de la vie…
À la suite de mon opération, je me suis installée chez mes parents pendant deux mois, ce qui m’a permis de sous-louer mon appartement et de me gâter un peu avec ce surplus monétaire. Je suis ensuite revenue au travail, et assez rapidement à temps plein.
Quinze mois plus tard: nouvelle récidive. Arrêt de travail pendant 8 mois.
Encore une fois, j’ai dû vivre sur mon assurance salaire. Toutefois, un des médicament que je prenais m’exposait grandement à la possibilité de développer une nécrose de la mâchoire. Suite aux recommandations de mon dentiste et de mon médecin, j’en ai eu pour 3 600$ de frais à payer de ma poche. Un grand stress…
En cherchant sur le web, j’ai trouvé une fondation qui venait en aide aux femmes avec un cancer du sein. Je l’ai approchée et je devrais prochainement recevoir une aide financière pour m’aider à payer cette grosse somme. Un grand poids de moins sur mes épaules!
Je suis de retour au travail depuis décembre 2018, mais très progressivement, cette fois… Car je continue d’être en traitement et le serai pour toujours, à moins d’une avancée miracle de la science! :)
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Pour s’informer : Le programme à Félix
Pour rire un peu : La bande cancéreuse