Logo

Peut-on encore se loger sans gagner à la loterie?

Réponse courte : ça dépend.

Par
Catherine Foisy
Publicité

Centraide du Grand Montréal et URBANIA s’unissent pour parler d’accessibilité à l’habitation et des répercussions que la crise du logement peut avoir sur les gens.

Le droit au logement est un droit fondamental. Pourtant, toute personne qui s’est déjà aventurée dans l’univers infini des annonces d’appartements sur des plateformes comme Marketplace ou Kijiji le sait : les annonces pour des logements à prix raisonnable, qui se font de plus en plus rares, ont déjà reçu des centaines de messages quand on tombe dessus. Résultat : un grand nombre de locataires sont forcé.e.s de payer la totale pour se trouver un endroit où vivre. De là la nécessité de gagner à la loterie… du logement.

« À Verdun, des centaines de personnes dépensent jusqu’à 80 % de leur revenu pour se loger. Quand on y pense bien, c’est quasi impossible de manger à sa faim quand un aussi gros montant est réservé à son habitation », explique Steve Baird, organisateur communautaire au Comité d’action des citoyennes et citoyens de Verdun (CACV), soutenu par Centraide.

« À Verdun, des centaines de personnes dépensent jusqu’à 80 % de leur revenu pour se loger. »

Publicité

Les données du recensement de 2016, les plus récentes au moment où nous écrivons ces lignes, révèlent d’ailleurs que 5 % de la population verdunoise consacre jusqu’à 80 % de son salaire à son logement, et que 10 % de la population y consacre 50 % ou plus. C’est énorme, et c’est d’ailleurs l’une des raisons qui expliquent que les banques alimentaires ont de plus en plus de difficulté à répondre à la demande de la population, qui a de moins en moins d’argent pour se nourrir.

Chercher un.e coloc à 63 ans

Josée* a habité pendant plus de 30 ans dans Rosemont avec son conjoint avant de se séparer de celui-ci. Depuis, elle a tenté de se trouver un logement abordable (et salubre) sans devoir quitter le quartier qu’elle a fait sien, sans succès. Elle s’est donc retrouvée face à trois possibilités : se trouver un.e colocataire, changer de quartier et perdre son réseau ou s’inscrire sur une liste d’attente pour un logement social.

Compte tenu de sa situation, elle a opté pour le troisième choix, mais doit quand même vivre avec un.e colocataire en attendant d’obtenir son logement. Et elle serait loin d’être la seule dans cette situation. « Je ne me fais pas de faux espoirs, confie-t-elle. L’attente pour un logement social, dans certains quartiers, peut aller jusqu’à 10 ans. J’espère ne pas avoir à me rendre là. »

Dans les faits, l’Office municipal d’habitation de Montréal indique que 24 000 ménages sont présentement en attente d’un logement à loyer modique, ce qui peut porter le temps d’attente à plusieurs années. Différents critères, comme l’âge, l’arrondissement, la taille du logement requis ou encore l’état de santé mentale d’une personne, peuvent influencer son classement dans différentes listes d’admissibilité. Dans le cas de Josée, le fait qu’elle soit une personne seule et de plus de 50 ans pourrait jouer en sa faveur, espère-t-elle.

Publicité

Un enjeu qui touche de plus en plus de monde

Steve Baird explique que si la crise du logement touche d’abord les communautés déjà vulnérables, comme les personnes à faible revenu ou celles qui habitent seules, elle touche également des personnes pleinement actives, issues de la classe moyenne. « Ce qu’on voit beaucoup, c’est que deux personnes qui vivent ensemble peuvent s’en sortir, mais qu’il est de plus en plus difficile pour une personne seule de joindre les deux bouts, surtout lorsqu’elle est payée au salaire minimum », dit-il.

L’organisateur communautaire raconte qu’il n’est pas rare que des personnes qui ont un revenu stable mais qui ont de la difficulté à trouver un logement qu’elles peuvent se payer se retrouvent en situation d’itinérance cachée, c’est-à-dire qu’elles habitent temporairement chez une personne de leur entourage en attendant de mettre la main sur un logement abordable et salubre.

« Ce qu’on voit beaucoup, c’est que deux personnes qui vivent ensemble peuvent s’en sortir, mais qu’il est de plus en plus difficile pour une personne seule de joindre les deux bouts. »

Publicité

Or ces logements se font de plus en plus rares, peu importe ce que le prix moyen des logements indique. « Quand on regarde les prix moyens des logements calculés par la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), par exemple, et qu’on les compare aux prix affichés sur les plateformes comme Kijiji ou Marketplace, on remarque toujours un immense écart entre les deux », note Steve.

Il faut comprendre que le prix moyen prend en compte tous les logements, même ceux occupés et dont le coût n’a pas augmenté depuis des années. C’est ce qui explique que les prix affichés sont donc généralement pas mal plus hauts que le prix moyen.

« Il y a des centaines de personnes qui habitent leur logement abordable depuis des dizaines d’années, et ce, même s’il n’est plus adapté à leurs besoins », explique Steve, en faisant surtout référence aux personnes âgées ou malades qui ne peuvent plus forcément monter et descendre des marches et qui sont, en quelque sorte, « coincées » dans leur logement.

Publicité

La classe moyenne prise entre deux craques

Nombreux sont les organismes qui viennent en aide de différentes façons aux personnes en situation précaire. Trouver de l’aide financière et juridique, quand on est une personne ayant un revenu stable mais ne pouvant se payer un logement en raison de la hausse des prix, est une autre paire de manches. En d’autres mots : pour avoir droit à de l’aide, il faut être au bord du gouffre… ou de la rue.

« Personne n’a envie de se retrouver assis sur le trottoir avec ses meubles pour augmenter ses chances de se faire aider, ça n’a aucun sens », explique Steve, qui espère que le gouvernement agira rapidement pour freiner cette crise qui ne cesse de prendre de l’ampleur.

« Personne n’a envie de se retrouver assis sur le trottoir avec ses meubles pour augmenter ses chances de se faire aider. »

Publicité

Le CACV est un des organismes montréalais financés par Centraide du Grand Montréal. Il milite pour un meilleur accès au logement en offrant une pluralité de services à la communauté verdunoise, qui a vu son quartier s’embourgeoiser au cours des dernières années. Fondé en 1975, l’organisme à but non lucratif pilote aujourd’hui de nombreux projets, du développement de logements sociaux à la mobilisation citoyenne en passant par la défense des droits des locataires. Il accompagne également les citoyen.ne.s de différentes façons.

Au cours de la dernière année, Centraide a versé 117 790 $ au CACV. « Pour un organisme de notre taille, ce montant représente une grande partie du budget. C’est beaucoup grâce à Centraide qu’on arrive à faire avancer des dossiers et à défendre les droits des locataires dans des situations d’abus systémiques », conclut Steve, qui explique que c’est en mode écoute que Centraide tente toujours de trouver la meilleure façon de venir en aide au CACV.

Le CACV n’est pas le seul organisme d’aide au logement qui bénéficie de l’aide financière de Centraide du Grand Montréal. Chaque année, 50 000 locataires peuvent être accompagné.e.s grâce à son important soutien financier.

Publicité

***
Lire cet article vous a donné le goût de donner pour, vous aussi, contribuer à lutter contre la crise du logement? Tant mieux. Faites un don à Centraide pour contribuer au resserrement du tissu social.

* Prénom fictif