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Petites histoires urbaniennes

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Un jour, une gang de chums a décidé de partir un magazine. Juste comme ça, pour le trip. Sans plan d’affaires ni trompettes, juste animé par le désir de raconter leurs propres histoires. Après six ans, des dizaines de menaces de poursuite, quelques partys déjantés et un Gérald Tremblay crucifié, Urbania est toujours là. Retour sur quelques-uns de nos coups les plus glorieux… et plusieurs autres qui le sont beaucoup moins.

1. Tout ça pour Jack

Tous les jours, par la fenêtre de nos bureaux jadis situés coin Guy et Maisonneuve, on croisait Jack parké sur son fameux tricycle en allant se chercher un café au Tim Horton’s, à côté de l’université Concordia (on n’avait pas de machine à café… les temps étaient durs). Tels de véritables prodiges du casting sauvage urbain, on savait qu’il avait toute une bouille et qu’on aimerait bien faire quelque chose avec lui. Quoi? À l’époque, on n’en avait aucune idée. C’est lorsqu’on a décidé de créer Urbania qu’on a eu le flash de le mettre en couverture. Le premier thème du magazine, la « locomotion », fut expressément choisi pour pouvoir le jouer en une. Mais dans les mois qui ont suivi, Jack était comme une fille d’Outremont qui sort au Diable Vert : il jouait les hard to get. « I don’t need that », nous répondait-il, avec son petit air détaché.

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Résultat? Une semaine avant l’envoi du magazine à l’imprimeur, on n’avait toujours pas réussi à le convaincre de poser pour nous. Au bureau, c’était la panique. On avait commencé à penser à un plan B et à faire des maquettes de couvertures avec Jean Leloup en rollerblades… jusqu’à ce qu’on réussisse finalement à convaincre Jack (en fait, on l’a tellement harcelé qu’il a simplement cédé) au Carré Saint-Louis, et qu’on lui croque le portrait avec notre petit appareil 3 mégapixels. Il nous a donné cinq minutes, pas une de plus. Mais, ça a valu le coup. Quand on y repense, on peut dire qu’Urbania a été inventé pour faire de Jack une star.

2. Les taxis pas si roses que ça.


Avant la sortie du premier numéro, on avait distribué des flyers d’Urbania partout dans la ville avec pour simple information l’adresse urbania.ca. Sur le site, on demandait aux Montréalais de choisir la couleur que devraient prendre les taxis montréalais. C’était bien avant que Gérald ne lance un concours à cet effet. Plus de 5 000 personnes ont répondu à l’appel et dans nos pages, toutes imprimées en noir et magenta pour accentuer le statement, on a publié le résultat du sondage sous forme de Plaidoyer pour l’uniformisation des taxis montréalais : « Tous roses nananes! », scandait-on. « Adopter le rose comme couleur unique serait une belle façon de créer un paysage visuel harmonieux dans la ville, de donner de la gueule à ce moyen de ransport, et d’offrir un élément distinctif et original à Montréal ». Pourtant, c’était de la boulechite. En vérité, la couleur orange l’avait emporté par une mince marge sur le rose, mais on trouvait que ça faisait vraiment trop « wannabe new-yorkais ». Ça fait qu’on a légèrement trafiqué les votes pour le rose moumoune. La vérité au grand jour. On se sent plus légers maintenant.

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3. Les aisselles au smoked meat


Pour notre deuxième numéro sur l’odeur, on voulait absolument réaliser un scratch and sniff à base de smoked meat, l’emblème olfactif de Montréal, tel que choisi par sondage sur Internet (mais en toute légitimité cette fois). C’est André Prévost, notre sérigraphe/inventeur fou qui avait proposé de concocter lui-même une huile essentielle du fameux mets montréalais. Pour lui faciliter la tâche, on lui avait alors fourni trois kilos de viande de chez Schwartz (merci encore Frank), afin qu’il puisse en distiller l’essence. Ce qu’il a fait. Chez lui. Dans sa cuisine. Où il a bien failli y rester. En effet, en fabriquant la substance, les vapeurs lui ont monté à la tête et il est subitement tombé malade (tout comme sa femme, qui, depuis, lui a interdit toute expérience de chimie olfactive à base de viande). Dans les jours qui ont suivi, lorsqu’il nous a remis le concentré dans une petite fiole, il était blême et haletant, et nous implorait de changer d’idée. Quand on a humé sa concoction, on a compris qu’il avait bien raison. Nos narines en sont encore traumatisées. En revanche, on y est allé avec l’indémodable Azzaro pour hommes, le parfum du maire Gérald Tremblay, d’après ce que nous avait alors confié une vendeuse de chez La Baie.

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4. Ça prenait des couilles


C’est chez Doval, autour d’un poulet grillé, que la photographe Leda nous a pitché son concept de couverture pour le numéro gars : un gars bien poilu, cadré aux hanches, en culottes roses, avec un gros pénis bien bandé, et au verso, son cul. Il n’en fallait pas plus pour tomber sous le charme et commencer à chercher quelqu’un qui répondait à ses exigences. Après une séance d’auditions, nous avons choisi Styve, notre vendeur de pub, dont l’identité avait été préservée jusqu’à ce jour. (Fait intéressant : c’est Styve lui-même qui a convaincu la proprio du bar de danseurs 281 d’apposer son logo sur la photo de la couverture arrière… ornée de ses propres fesses bien velues. Il a donc vendu son postérieur pour la cause). Afin de faire connaître le magazine, on avait élaboré une campagne de relations de presse tout aussi provocatrice. À l’époque, notre pusher en viandes nous avait déniché des couilles d’agneau, que nous avions emballées sous vide en paires et envoyées dans une boîte sur laquelle était écrit : « qui a dit que les québécois n’avaient pas de couilles? ». Quand elles ont reçu le charmant emballage, les petites recherchistes de Radio-Canada étaient scandalisées qu’on ait « utilisé des animaux pour faire du marketing ». Elles l’auraient probablement été encore plus si elles avaient su que les bouchées qu’elles ont dégusté au lancement de ce numéro étaient, elles aussi, confectionnées à base de couilles.

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5. Un Passe-Montagne pas content


Été 2005. Notre éditeur Philippe et le journaliste Steve Proulx cherchaient une photo pour illustrer un article sur Passe-Partout dans les bureaux de Télé-Québec sur la rue Fullum. En fouillant dans les archives photographiques de la célèbre émission, ils sont tombés sur cette image d’un libidineux baiser entre Passe-Montagne et Passe-Carreau. Ils n’en croyaient pas leurs yeux. Sans attendre, ils ont apposé un petit autocollant à côté de la photo et l’ont subtilement glissée parmi plein d’autres sélections, en se disant que Télé-Québec ne laisserait jamais sortir le cliché hors des murs de la station. Des rêves seraient brisés et toute une génération traumatisée par cette lubrique scène de leurs héros d’enfance s’adonnant à un bon vieux french. Pourtant, dans les jours qui ont suivi, un(e) employé(e) — qui a probablement perdu sa job depuis — a scanné la photo et nous a envoyé un DVD contenant le fichier du désormais célèbre cliché. Dès lors, nous savions que nous tenions quelque chose d’exclusif… que la photo ornerait la page couverture du numéro rétro. Toutefois, quelle ne fut pas notre surprise quand Passe-Montagne (que nous avions tenté de rejoindre avant l’envoi à l’impression, mais qui était alors en voyage) nous appela pour nous donner de la marde. En effet, quand le frisé icône a vu sa photo en page couverture, il était furieux et n’a pas tardé à nous le faire savoir. Au téléphone, on l’entendait tirer fort sur sa cigarette. Ça ne fait pas de doute : on restera à tout jamais marqués par cet étrange feeling de se faire menacer de poursuite par notre héros d’enfance. Presque aussi pire que celui de se faire chicaner par la mère de notre meilleur ami.

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6. Six mots de trop dans le Journal


« Open bar, prix d’entrée : 10$ ». Six mots, hein. À la veille du lancement de notre numéro sur le party, on avait tellement peur que ça ne lève pas qu’on a décidé de prendre les grands moyens : annoncer le party dans la rubrique qu’on publiait jadis dans le journal Métro. Après coup, on s’attendait à voir retontir deux… ou trois cents personnes, gros max. Ce n’est pas exactement ce qui s’est produit. À l’ouverture des portes, il y avait plus de monde devant l’Union Française que dans un show d’ACDC. Du monde qu’on ne connaissait ni d’Ève ni d’Adam et qui connaissait encore moins Urbania. Quarante-cinq minutes plus tard, il ne restait plus une goutte d’alcool. Et la foule — à qui on avait promis de l’alcool à profusion— commençait à s’impatienter. Pour éviter l’émeute, on avait appelé en renfort notre ami Harry, propriétaire du Taza Flores, afin qu’il nous dépanne et sauve notre honneur. Mais, ça ne suffisait pas à contenir nos invités car les caisses n’étaient pas encore rendues au bar qu’elles étaient vides. À partir de ce moment, tout a dérapé. On avait beau supplier les invités de « retourner chez eux, qu’il n’y avait ni place ni alcool », ils ne voulaient rien savoir. Il y a même un gars qui a enlevé son pantalon pour montrer son pénis à une de nos stagiaires qui en fut si impressionnée qu’elle le tâta afin de voir s’il était vrai. D’ailleurs, celui qu’on surnomme amicalement « notre nu-vite » est devenu un personnage récurrent de nos partys, puisqu’il a une grande propension à se dénuder sur la piste de danse vers 2h du matin.

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7. Une star est née!


Notre histoire d’amour avec Robert Wilkinson a commencé avec une petite annonce que nous avions fait paraître dans le Journal de Montréal pour trouver un candidat galvanisé à l’idée de se faire tatouer Stéphane Dion sur le crâne. En tout, une vingtaine de personnes avaient répondu à notre appel, mais en bout de ligne, on avait craqué pour Robert. Deux semaines plus tard, on lui donnait rendez-vous chez Tatoo Kiki sur Masson, où Christian, son tatoueur, réalisait son désormais célèbre tatou de Stéphane Dion. Dix mois plus tard, on avait à nouveau de ses nouvelles, alors qu’il débarquait, vêtu d’un bummer, aux auditions qu’on avait organisées pour trouver une wannabe-vedette pour faire la couverture de notre numéro Célébrité. Quand il est arrivé, on a constaté qu’il avait pas mal pris goût à se faire dessiner des trucs sur le coco avec des aiguilles : il avait la tête remplie de logos de compagnies. Au début, soyons honnêtes, on ne voulait rien savoir de sa candidature. On trouvait qu’on lui avait donné assez d’exposure… qu’on avait presque créé un monstre. Mais, à coup de sourires et de pics de guitare, Robert a réussi à nous désarmer par son charme et à nous convaincre de lui organiser un shoot d’envergure pour le cover. Depuis, il est devenu une vraie star. Il nous a accompagné à Christiane Charette et à tqs, et il a même de la difficulté à se trouver un emploi dans son domaine, l’électro-ménager, tellement il est devenu big. Heureusement, des fois, il passe encore au bureau pour nous dire un beau bonjour et nous montrer ses photos en compagnie de vedettes, comme notre bon ami, Justin Trudeau.

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Histoires issues du #25 spécial Best-of | Hiver 2009