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Mes hommages.
C’est vendredi et en plus, c’est mai. C’EST MAI! Pouvez-vous croire.
Et comme chaque fois que la température se fait aller la clémence et le sourcil, il n’y a pas que les tulipes, qui sortent. Il y a les enthousiastes, aussi.
Ceux qui vendraient leur abuelita plutôt que de passer une seule seconde de plus PAS en bermudas. Ceux qui pique-niquent dans le pergélisol. Qui inaugurent le Dairy Queen avec une tuque. Il y a les circassiens en palazzos. Le gars qui apprend à apprendre le djembé dans le parc. Et celui qui se véhicule en unicycle sans ironie aucune.
Hélas, le printemps n’est pas que synonyme de citoyens ébaubis devant la perspective de porter des petits bas courts. Il y a aussi les frétillants. Les endeuillés de Yamaska QUI NE SAVENT QUE FAIRE de tout ce temps libre. Ceux dont les eaux se séparent dès qu’une jupette ou une nuque parfumée croise leur run de lait.
Moult articles furent écrits, en de fort jolies plumes, sur les siffleux de hauts de cuisses et catcalleux de tout acabit. Et bien que la saison des malaises de coins de trottoirs semble repartie ferme, ce n’est pas précisément l’objet de ce billet.
J’ai, et je touche le bois sous le prélart, la chance de ne me faire que très rarement interpeller par des poètes en ti-corps qui tiennent à m’éloger la croupe en émettant des sons aviaires ou en se tâtant le bulbe, mon strabisme et mes acouphènes aidant certes au déni.
Mais cette semaine, oh cette semaine, j’ai eu droit au Moulin Rouge de la performance pelvienne sur le bras. Et ce qui est fantastique, le moment venu de faire frissonner une passante pour vivre des moments phares rappelant les brunchs du personnage de Chantal Fontaine qui fixe les viennoiseries avec complicité, c’est que c’est bien mieux en gang.
LA GANG, C’EST LA GANG, entends-je murmurer Éric Lapointe dans les saules.
C’est, ma foi, fascinant à quel point le chorégraphe prend du galon quand ses chums de gars sont là pour lui appuyer le primesautier. La force du nombre. Le courage en vrac.
On dit que ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire viennent aisément.
Pour Jean-Jacques, ça se formulait ainsi: “Eille. EEEIILLE!! LES LUNETTES. MhagnarharfkkkskssshahahahHAHAHAAHAHAHAHAHA!!1!”
Rire, mais rire! Je vous dis pas.
Et Jean-Jacques était confiant en petit bateau, avec ses collègues déménageurs, parce qu’au moment où j’ai interrompu ma marche avant que l’information cruciale de type “fille, c’est pas ce vieil ami du kindergarten qui prend de tes nouvelles, NE T’ARRÊTE SURTOUT PAS” ne se rende à mes jambes (dans une autre vie, je fus certainement le premier dinosaure à se sacrer en bas de la falaise, entraînant à sa perte le Jurassique et ses accessoires), j’étais front row pour une petite danse dans la boîte de son truck, danse qui impliqua habile manipulation de son penne apparemment lousse dans ses joggings d’homme pratique. Ça, et des bruits de langue qui se fait aller dans le casseau. Un truc de fou. Quelque chose de personnel.
Rire, mais rire! La foule était en liesse. Moi, j’étais en Grèce. Souvenirs de yogourt grec et de falaises à dos d’âne, pantoufles à pompons et Mykonos; je n’étais certainement pas après vivre ce moment-là. Le petit oiseau avait quitté le cervelet ET IL CRIAIT OPA.
Mais ce qui arrive, quand on s’arrête devant Jean-Jacques qui fait des ombres chinoises avec sa dine, entouré de son cousin hilare pis de son voisin sur un programme spécial qui doit certainement ouvrir des canisses de sirop d’érable comme c’est pas permis avec sa dent unique, c’est qu’à un moment donné, faut repartir. Ce que je fis, en silence.
Je connais les répliques de Dirty Dancing par cœur. Je connais Verlaine et mon tableau périodique. Mais au moment où j’aurais pu balancer une réplique assassine impliquant des pastèques, les violons de l’automne et le bore, rien ne m’est venu. RIEN.
Jean-Jacques avait gagné le grand jeu de la vie.
Et moi, LES LUNETTES, je faisais des fingers dans mes poches de manteau, trop fière pour m’exhiber les phalangettes.
Mais.
La beauté de la chose, quand Jean-Jacques commence ses déménagements de bonne heure, c’est qu’à un moment donné, il a le goût d’un petit boire et d’un biscuit. Et comme, une petite heure plus tard, je rentrais de mes courses, je me suis arrêtée au café du coin.
Il y avait des scones. Des grilled cheese en display. ET IL Y AVAIT JEAN-JACQUES.
Un Jean-Jacques en grande forme, les mains dans le pot à tips, après se changer les trente sous pour des belles piasses en attendant son petit thé, parce que c’est là pour ça.
Et Jean-Jacques était seul. Nul cousin. Nul voisin du cousin pour applaudir en se ratant les paumes une fois sur deux. Que du J-J mur à mur, après rapetisser dans ses bottes à caps, un peu moins primavera que tout à l’heure. Il me replaçait. Je le replaçais. On se replaçait. Et c’était maintenant son tour de ne plus se souvenir des répliques de Patrick Swayze.
J’ignore, mais j’ignore ce qui m’a pris.
Mais le temps que j’avais mon Jean-Jacques pupille à pupille, je me devais d’agir. IL ME FALLAIT FAIRE QUELQUE CHOSE. Et la seule affaire qui m’est venue en tête, c’est de déposer bruyamment un deux piastres sur le comptoir en lui disant que le Salada était su’ mon bras.
En faisant le bruit de bouche d’Hannibal Lecter.
Vous savez, celui qu’il émet en rêvassant au foie qu’il a dégusté avec un verre de chianti.
J’ai fait ça.
J’ai fait ça avant de savoir que je faisais ça, toute maîtrise de mon appareil buccal sous l’emprise d’une force celte. Ni Jean-Jacques, ni la petite caissière, ni même moi ne comprenions ce qui était après se passer. Mais J-J vivait un moment de marde et c’est tout ce qui comptait. Petit thé en main, il quitta promptement (EN PRENANT LE DEUX) et je pus commander ma boisson, plaquée rouge dans le visage et en proie à un furieux vertige, mais étrangement satisfaite de mon Anthony Hopkins.
Messieurs qui trouverez peut-être, ce week-end, ce courage inouï de siffler une petite fille, en gang, à la brunante. De faire crisser vos pneus en émettant des sons de fauves en revenant d’un parté quand une cycliste fera revoler sa jupe à votre hauteur. Je n’y serai peut-être pas.
Mais sachez qu’on a toutes, TOUTES, un petit deux dans le fond de notre sacoche. Et que parfois, c’est correct, de laisser Bébé dans un coin.
La bise.