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Petit «Shining» de janvier

Par
Catherine Ethier
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Mes amis le savent, ma famille a lâché prise: je suis une belle ermite. Je dis belle, parce que je crois être un genre de CAS. De ceuzécelles que plus t’appelles, plus ils s’enfoncent dans leur coquille Saint-Jacques. Mais cette semaine, je crois avoir atteint des sommets de débilité de recluse et je pense qu’il faut que je mette un macaron et que j’en parle.

Je suis un peu à l’ouest. Pourtant habituée d’être à moins’ quart, d’être un brin différente des gens normaux et sains qui ressentent le besoin de consommer du Kim Crawford avec autrui sur le régulier pour échanger autour de mini-quiches, rire, lâcher la steam et s’instagrammer la bine, je commence à me faire un peu peur.

J’ai de bons, d’excellents amis, même. Mais en tant que rédactrice pigiste qui se fait aller le pinceau de chez elle avec de rares visites chez mes clients, j’ai toujours été solitaire et très à l’aise dans ma piscine à une place. Je me fais aller les pattes. L’eau revole et ça ne m’attriste que rarement de ne pas pouvoir partager les splendeurs de mon maillot à volants avec quelqu’un. C’est de même.

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Quand l’envie me prend, je mets ma robe à cerceaux et me joins au commun des mortels. Je monte sur les tables à café en pieds de bas et je chante la Marseillaise. En verlan, si ça te divertit. Je suis une entertainer. Je l’ai toujours été. Mais doux que je suis ravie à la puissance 10 de rentrer chez moi, après le récital, dans cet antre où personne ne vient jamais et où les figurines (BEAUCOUP de figurines) font le guet. Je suis ce genre de fille qui aime bien retourner dans sa boîte et c’est pas plus intéressant que ça.

Seigneur. Je me relis et je suis après dresser le portrait d’une COUCOU. Mais j’imagine que vous saisissez le topo. Je suis une bonne gensse. J’ai juste besoin de beaucoup, beaucoup de moments avec moi-même, no trespassing, local des Hells.

Mais voilà. Je sais ben pas si c’est les blues de janvier qui me prennent – chaque fois que j’écris blues, je revois, en éclair, ce souvenir de Mario Saint-Amant qui chante « Mes blues passent pu dans’ porte » à Chabada. C’est arrivé, et ça m’a marquée – ou l’absence de lumino-trithérapie dans ma vie, mais cette semaine, je crois être passée « su’ l’autre bord ». Le bord de ceux qu’on attend avec un filet à papillons, je pense.

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Depuis le retour des fêtes, je me surprends à être assoifée d’un besoin UN PEU EXIGEANT de silence. Quand je travaille dans un café, si tu fais sans cesse du bruit en déplaçant ta chaise, je te fusille du regard. Si tu décides de déchirer chaque sapristi de page de ton calvaire de petit carnet de créateur assis en face de moi dans ton fauteuil du Starbucks, je vais te fixer jusqu’à ce que t’aies envie d’appeler ta mère.

Tolérance down the drain. Et mon impatience, je crois, est exacerbée par les rénos du dimanche (mais qui ont lieu toute la semaine dès 7h) qui se déroulent dans mon bloc depuis un mois.

JEAN-GUY.
Il participe aux grands travaux, petit tupperware de polyfilla toujours prêt à patcher une craquelure.

Je l’appelle Jean-Guy, mais il peut très bien s’appeler Maurice, Sylvain ou Dr. Roche. Mais étant donné son timbre de Chipmunks et son incapacité à ne pas communiquer EN HURLANT l’intégralité de son quotidien, ce qu’il y a dans sa salade de choux, que la petite câlibine de graine de poivre qu’il a entre les dents, il va finir par l’avoir, qu’un jour il va s’équiper d’une bonne chaloupe ou que ça le revire ben à l’envers de devoir mettre des culottes propres aux noces à sa nièce, je l’appelle Jean-Guy, c’est final, et je juge pas important de lui demander son petit nom. Le genre de monsieur qui doit faire jouer la télé ben fort, chez eux.

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Et depuis décembre, Jean-Guy me mine l’existence.
Sa voix à l’hélium résonne dans tout le building comme le vent dans les saules, il communique beaucoup. BEAUCOUP TROP. Et à part le lui signaler passif-agressivement en formulant mes doléances dans la cage d’escalier comme si je récitais une prière en descendant les marches, Jean-Guy ignore tout de ma haine aiguë à son égard.

Je l’haguis. Je rêve de lui faire une jambette.

Mais allez savoir pourquoi, il est hors de question que j’entre en contact avec lui. Depuis qu’il m’a investi le building, la coco-recluse que je suis se sent prise au piège.

Il jase devant la bâtisse? Tu peux être sûr que je vais attendre le coucher du soleil pour sortir le chien.
Je l’entends ouvrir la porte d’entrée? J’ARRÊTE DE RESPIRER.

Mais hier, Jean-Guy est venu cogner à ma porte. À toutes les portes. Mais surtout à la mienne. Très poliment. Tout doucement. C’est juste qu’il a frappé à peu près 88 fois.

Jean-Guy a du flair. C’est un tenace. Il savait que j’étais là. Et il avait peut-être quelque chose de très important à me dire. Mais dès que son petit poing a résonné sur le plywood de ma porte, le sang m’a figé jusque dans la chute de reins. Le cœur s’est mis à me débattre. IL NE DEVAIT PAS ME VOIR.

C’était une question de vie ou de mort.

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Je savais que j’étais complètement après sauter le requin, mais c’était plus fort que moi. Je tenais entre mes mains le museau de mon caniche qui s’était starté la grognette, un caniche dont le regard traduisait le plus inquiet des « what’s wrong with you, MAMMA? », déterminée à ce que Jean-Guy ne nous entende pas vesse, finisse par lâcher prise, prenne un train avec Joselito et fasse le deuil de son graal de communiquer avec moi.

Il est resté longtemps sur mon petit tapis d’entrée à motifs. Jean-Guy n’accepte pas la défaite. C’est pourquoi, résolue à ne jamais le croiser de ma sainte vie, j’ai sorti *yeux injectés de sang* le poodle par la sortie de secours. Oui. Pleine de glace noire. Dangereuse. E’l chien wrappé comme un nouveau-né, toi. Mais le péril de ma vie en valait la peine. C’était décidé: IL N’Y AURAIT PAS DE JEAN-GUY DANS MA JOURNÉE.

C’est donc avec la confiance d’une Queen Latifah que j’entamai la périlleuse descente.
Ben viarge, ce petit futé de Jean-Guy m’attendait en bas des marches. Il fumait sa cigarette dans la ruelle. Exactement où je ne l’attendais pas.

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On ne s’était jamais rencontrés. Mais tu peux être sûr que lui, savait qui j’étais. NOUS SAVIONS.

Il m’a dévisagée, longuement, tout au long de ma descente de reine qui sait plus comment faire pour pas perdre son titre. L’escalier en colimaçon le plus long que t’auras jamais descendu, je te le promets. J’étais certaine qu’il allait me la poser, sa question. Me faire la requête pour laquelle il avait presque défoncé ma porte de son délicat poignet. Me demander c’était quoi mon estique de problème.

Mais rien. Pas un mot.
Je pense qu’il a eu peur. JE SUIS LA FOLLE AUX CHATS.

Il m’a laissée quitter, dans le silence de ses puffs d’Export’A et des vibrations fictives de sa pagette.

Je doute que tu soies en train de lire ce billet, Jean-Guy, parce que je t’entends présentement fredonner du Marjo. Mais pardonne-moi, veux-tu? Reviens frapper à ma porte. Je vais t’ouvrir. J’ai compris.

Parce que vient un matin où tu deviens la folle aux chats de quelqu’un et ce matin-là, t’as deux choix: soit tu t’empares d’une hache et que tu rends hommage à Johnny Carson en pétrifiant une mauvaise actrice et un petit gars à la coupe petit page, soit tu prends ton courage de grande fille à deux mains et tu confrontes ton Jean-Guy intérieur.

Ça fait qu’attèle-toi J-G, j’arrive.

La bise.

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