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Petit guide d’introduction au punk

Parce que la musique n'aura jamais autant brassé qu'en 77.

Par
Mathieu Aubre
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Puisque dans la vie comme dans la musique, il n’y a pas que deux genres, on a décidé de faire sortir de l’ombre certaines niches musicales plus obscures ou plus douteuses, pour le meilleur ou pour le pire. Aujourd’hui, on s’intéresse à un genre qui s’est presque tué lui-même à force de s’autoanalyser et s’autobatailler : le punk. Avertissement : on résume le core 70’s du mouvement, étant donné la longévité plus que quarantenaire de cette musique!

Vers la fin des années 60, le rock est en transformation. En pleine vague psychédélique, certains commencent à se questionner sur l’origine du style et de son nouveau statut. Décrié par tous, moins de dix ans auparavant, le rock représentait encore au début de la décennie l’incarnation même de la subversion des bonnes mœurs et seuls les bad boys de ce bas monde osaient en écouter.

En 1969, c’est l’année du Flower Power et de Woodstock. Les Beatles trônent sur le monde entier et les radios font leurs choux gras de la production américaine et anglaise. Mais tout ça va bientôt changer drastiquement!

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La genèse du punk

1969, c’est aussi l’année des Stooges. L’obscur groupe, en provenance d’Ann Arbor dans le Michigan, crée une véritable commotion dans le monde de la musique sous la bénédiction de John Cale, compositeur minimaliste et ex-membre de Velvet Underground. Avec une énergie brute, des enregistrements de qualité douteuse et des paroles parlant de l’insurrection de la jeunesse américaine, le quatuor mené par un certain Iggy Pop contribue à l’invention d’un nouveau genre : le punk (proto-punk à ce moment-là).

La scène musicale new-yorkaise, toujours à l’avant-garde des tendances, se jette aussitôt sur l’idée. Des groupes comme Suicide, Television, The Dictators et les New York Dolls s’inspirent de la troupe d’Iggy et commencent à paver la voie à une musique qui brasse, se lançant un peu partout sur scène et agressant leur public à coup d’accords de synthé ou de guitare.

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Ces différents groupes se tiennent alors au bientôt légendaire CGBG en compagnie de Debbie Harry (Blondie) et Patty Smith ou au Max Kansas City et développent une esthétique musicale et vestimentaire qui leur est propre. Le tout culmine en 1976 avec l’arrivée des Ramones, qui proposent des chansons rapides, comprenant peu d’accords et qui traitent de thèmes subversifs. Leur mode de présentation s’éloigne du spectacle pur pour se concentrer pleinement sur une énergie brute. Les premiers mosh pits voient le jour.

L’Angleterre suit la vague

En Angleterre, le mouvement se développe en parallèle. En 1975, également inspirés par la musique d’Iggy Pop, mais aussi par les productions glam de David Bowie, certains commencent à s’intéresser au son américain. Des groupes comme The Flowers of Romance (avec Sid Vicious, Marco Pirroni et Viv Albertine) se forment. Mais c’est principalement à Malcolm McLaren que le genre doit des remerciements. Ex-manager des Dolls et co-propriétaire d’un magasin de vêtements nommé le Sex, il tente de jumeler l’étiquette anti-fashion de ses produits à ses nouveaux poulains, les Strand. Avec l’arrivée du chanteur Johnny Rotten, le groupe se transforme pour éventuellement devenir les Sex Pistols, archétype de tout ce que le Sex et sa jeune clientèle prônent : des politiques anti-establishment radicales, une idéalisation de la culture pop ainsi qu’un intérêt marqué pour le fétichisme et une sexualité ouverte.

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Avec leur album Never Mind the Bollocks, Here’s the Sex Pistols, numéro 1 aux palmarès dès sa sortie, et le single God Save the Queen, le groupe prend l’Angleterre d’assaut en 1977 aux côtés des Clash et des Buzzcocks. C’est à ce moment que l’idéologie punk commence à se cristalliser. Plusieurs de ces groupes chantent alors la misère des classes ouvrières et rejettent ouvertement les autorités politiques tout en prônant régulièrement des idées féministes. C’est notamment là que Siouxsie Sioux et ses Banshees ou les Slits se font remarquer.

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Le punk politisé

Le punk se caractérise assez simplement en termes de son. La plupart des groupes, formés de membres autodidactes, joueront des chansons courtes et punchées sur des séries de trois ou quatre accords dans un ensemble de quatuor rock classique. Considérant la pauvreté de laquelle plusieurs de ces musiciens émergent, les pédales d’effets ne font pas vraiment sensation, sauf pour ce qui est de la distorsion. On privilégie plutôt un son fort et des effets réalisés manuellement.

C’est dans ses visées politiques que le punk devient plus facile à caractériser. Au sein de son idéologie, on y retrouve le rejet des conventions. Pour éviter de passer par une industrie musicale traditionnelle, les punks développe une idée phare qui bercera par la suite toute la musique indépendante : le DIY, ou Do it Yourself (fais-le toi-même, en bon français)! Les punks modifient leurs vêtements avec des patches faites maison, enregistrent eux-mêmes leurs albums aux dépens de la qualité, impriment leurs pochettes, forment leurs propres réseaux de publicité pour les concerts et font parler d’eux avec des fanzines imprimés à la maison. Tout membre de la communauté est égal. On assiste à une anarchie organisée à l’intérieur du reste du système, rejeté violemment par tous.

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Du côté politique, les punks sont majoritairement nihilistes, anarchistes ou socialistes et très peu matérialistes. Ils se placent volontairement en marge du reste de la société pour mieux s’en émanciper, au risque de subir les foudres des autorités. Mais toute cette attention à la visée politique du mouvement finit parfois par aussi avoir ses torts : certains punks en traiteront bientôt d’autres de faux-punks ou se sentiront trahis devant les succès commerciaux de certains bands. Des rivalités commencent à émerger vers 1980 et l’arrivée des skinheads et du hardcore ne viendra pas aider les choses, loin de là!

Le hardcore change la donne

À partir de 1977, certains considèrent déjà que le punk est une cause perdue. Avec l’arrivée de la new wave, des excès pop de certains artistes et des différentes politiques internes, des formations punk revendiquent un nouveau punk et un retour aux racines agressives du genre.

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De là émerge le hardcore, formule plus rapide et faisant davantage appel au breakbeat de l’avant-garde, délaissant les codes du rock traditionnel. C’est aussi à ce moment que les mosh pits prennent leur envol : on slamme alors dans tous les shows, sans se soucier de son état de santé du lendemain. En tête d’affiche du mouvement, on retrouve Black Flag à Los Angeles, les Bad Brains à Washington et les Dead Kennedys de San Francisco.

Devant ce nouveau son plus agressif se glissent toutefois des intrus : les skinheads et les néo-nazis. En s’organisant peu à peu, des groupuscules pullulent et polluent la scène, devenant selon plusieurs envahissants. Cela inspirera notamment à Jello Biafra des Kennedys, la chanson Nazi Punks Fuck Off.

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Se questionnant donc peu à peu sur le mouvement dans son ensemble, plusieurs commencent à s’en détourner pour aller rejoindre le mouvement métal naissant ou pour fonder la première vague alternative. C’est le cas pour les Replacements, Hüsker Dü ou Meat Puppets, et éventuellement le grunge pour les Melvins. Finalement, en Angleterre, on s’intéresse plutôt à une forme synthétique du punk, la post-punk, tandis qu’à New York, l’éphémère no wave prend le relais.

Le punk aujourd’hui

Vers le milieu des années 90, le punk reprend du poil de la bête pour sa troisième grande vague. Non, le genre n’est pas mort aux mains du métal ou au sein des guerres intestines parfois fort violentes. Une nouvelle génération de jeunes reprend là où les vieux commençaient à perdre le cap et sortent certains des plus grands succès du genre. On pense ici à Green Day, NOFX, Bad Religion ou Rancid, Blink-182 et Sum-41 dans une version plus pop et moins fidèle à la vision originale du mouvement. Aujourd’hui encore, le punk s’en tire encore assez bien, malgré les dérives pop, emo et commerciales de la West Coast du début des années 2000… Son esprit d’insurrection aura su résister à plusieurs numéros 1 du Billboard américain, notamment avec Green Day ou The Offspring, et continue encore à faire des siennes partout à travers le monde.

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Chez nous, des festivals le célèbre année après année, comme le Pouzzafest à Montréal, le DesBouleaux Fest à Mirabel, le festival Envol et Macadam à Québec ou le Rockfest/Montebello Rock à plus grande échelle. On retrouve également plusieurs groupes émergents encore actifs qui oeuvrent dans le milieu, comme les excellents Crabe, les chums de Victime, les filles de Pale Lips et des Shirley et les désormais incontournables PUP et Single Mothers de Toronto, si on veut diverger un peu.

5 albums incontournables du genre

The Stooges, The Stooges, 1969

L’album qui est à l’origine de tout le reste!

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Never Mind the Bollocks, Here’s the Sex Pistols, The Sex Pistols, 1977

L’archétype du punk de la première vague.

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Fresh Fruit For Rotting Vegetables, Dead Kennedys, 1980

Difficile de choisir un album plutôt qu’un autre pour célébrer le hardcore, mais j’y vais avec le premier que j’ai découvert.

Punk in Drublic, NOFX, 1994

Le summum de la 3e vague, qui aura aussi donné son nom à un énorme festival allemand!

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Dookie, Green Day, 1994

L’un des plus gros succès commerciaux du punk.