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Petit guide d’introduction au No Wave

Parce que le punk, c’était trop facile à écouter.

Par
Mathieu Aubre
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Parce que dans la vie comme dans la musique, y a pas juste deux genres, on a décidé de faire sortir de l’ombre certains genres musicaux plus obscurs ou douteux, pour le meilleur ou pour le pire. Aujourd’hui, on revisite le dadaïsme mis en musique : le no wave!

Qu’est-ce que ça donne un band formé d’artistes ne sachant souvent pas jouer de la musique, ayant de fortes opinions politiques, un penchant nihiliste et tenant en horreur la violence du punk et la facilité de la disco? Probablement pas la musique la plus radio-friendly, me direz-vous, et vous aurez raison. Mais reste que le no wave aura beau avoir duré à peu près 2 ans , avoir été produit dans une quinzaine d’appartements de SoHo et du Lower East Side à New York, il restera tout de même l’un des mouvements musicaux les plus importants du 20e siècle!

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La Genèse

En 1970, New York se questionne. Alors que le CBGB chamboule l’Amérique en donnant naissance au punk sous l’influence de Patti Smith et Blondie et que le reste de la population ne décroche pas du disco, certains se questionnent sur ce qu’il reste encore d’artistique en musique. La jonction de ces deux genres, soit la new wave, sera la goutte de trop pour certains!

L’avant-garde, héritière de Velvet Underground et de son génial mentor Andy Warhol, décide donc de se lancer dans un mouvement contestataire, s’opposant à l’esthétique traditionnelle, tirant dans tous les sens, mais surtout vers le noise en trafiquant les codes traditionnels du rock.

Même s’ils sont pour la plupart des comédiens, poètes, auteurs, artistes visuels et de performance, plutôt que des musiciens de formation, les acteurs de cette vague ne sont pourtant pas des ignares de la musique.

Autour d’eux gravitent effectivement de grands génies comme Brian Eno, déjà connu pour son travail avec Roxy Music et Genesis, et les compositeurs contemporains Terry Riley, Philip Glass et LaMonte Young. Ils traînent aussi avec Jean-Michel Basquiat, Alan Vega et le réalisateur Amos Poe. Avec tout ce beau monde d’impliqué, les idées fusent.

https://www.youtube.com/watch?v=iLQzaLr1enE

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Net, frette, sec

Le mouvement aura ressemblé à sa musique et ses productions. Une musique nerveuse, éclatée, violente et rapide. À partir de 1977, s’inspirant de formations tendant déjà vers la parodie des codes commerciaux comme les B-52s ou de pionniers comme Suicide et Yoko Ono, les premiers groupes trafiquent une new wave facilement reconnaissable en la dépersonnalisant au maximum. Ils découvrent qu’en y ajoutant des éléments de noise et de musique atonale, ils peuvent créer une musique loin de tout ce qui a été joué auparavant. Le son est si inesthétique qu’il permet de soulever, par sa simple existence, des questionnements sur cette même esthétique. Oui, oui, on est loin dans la philosophie de l’art rendu là!

Des premiers groupes et artistes expérimentaux comme Teenage Jesus & The Jerks, Mars, James Chance & The Contorsions ou Rhys Chatman viennent constituer les têtes d’affiche du mouvement, s’il est possible de les qualifier ainsi. Ils jouent de façon régulière dans des lofts du quartier, s’échangeant souvent des membres ou même des instruments en plein milieu de spectacles et évitant dans la mesure du possible d’être enregistrés, encore une fois afin d’éviter de tomber dans le piège d’une commercialisation de leurs créations.

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Rare vestige de cette époque, la compilation No New York réalisée par Eno en 1978 nous en laisse heureusement des traces. Quelques autres compils du label ZE Records sont aussi à surveiller. Et finalement, vers 1980, moins de trois ans après les premiers balbutiements de la scène, le tout s’essouffle et s’éteint aussi rapidement que ça avait commencé. Seul le Noise Fest de 1981 viendra par la suite raviver la flamme un minimum.

Les retombées

Mais le no wave ne tombera pas dans l’oubli. La scène musicale donnera naissance à une scène cinématographique Do it Yourself, mère de l’industrie du film indépendant aux États-Unis. Ces films faisaient également de nombreuses références au cinéma de la Nouvelle vague française. Ce serait d’ailleurs à Claude Chabrol que l’on devrait l’appellation du mouvement. En arts visuels, Jean-Michel Basquiat perpétuera l’esprit du no wave jusqu’à sa mort tragique en 1988.

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En ce qui a trait à la musique, disons que certains groupes, et non les moindres, auront su garder en mémoire les réalisations et les visées artistiques de leurs prédécesseurs.

Chef de file du rock avant-gardiste, Sonic Youth émergera des derniers échos de la scène en 1981, mené par Thurston Moore et Lee Renaldo qui avaient tous deux joué au côté du génial Glen Branca et de son orchestre de guitares no wave. La formation Swans, pionniers du post-rock et de la musique industrielle viendront également cristalliser ces enseignements. On peut finalement citer Arto Lindsay (dans ses travaux solos), Nick Cave, les Anglais de The Fall et ainsi que les Beastie Boys qui se diront tous inspirés par cette étrange jonction entre free jazz, hardcore et noise.

En terminant, il est important de souligner que le no wave aura joué un peu le rôle de la post-punk anglaise aux États-Unis, alors que les deux apparaissent sensiblement au même moment, mais sans adopter sa critique prolétaire originelle.

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Aujourd’hui

Pour continuer la découverte, je vous recommande fortement le documentaire Kill Your Idols de Scott Crary paru en 2004, dans lequel on retrouve des témoignages de plusieurs acteurs de la scène. Sinon, le livre No Wave : Post-Punk. Underground. New York. 1976-1980. de Thurston Moore et Byron Coley est une véritable mine d’or pour parler en profondeur d’un mouvement somme toute court, mais primordial pour notre conception actuelle de la musicalité.

Sinon, au Québec, certains poursuivent encore aujourd’hui l’esprit de la musique no wave, même s’ils ne la citent pas tous directement comme une influence; les fans pourront découvrir avec plaisir les productions de Victime, Crabe, Fet.Nat, les Martyrs de Marde et Bleu Nuit notamment!

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Le no wave en 5 albums

Finalement, voici 5 projets que tout amateur (ou curieux) devrait avoir dans sa collection!

Suicide, Suicide, 1977

L’album qui aura permis à tout le reste d’exister!

No New York, Compilation, 1978

La compilation essentielle pour cerner in situ les acteurs de la scène.

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Teenage Jesus & The Jerks, Teenage Jesus & The Jerks, 1979

Une très courte compilation de quelques chansons de groupe.

Lesson No. 1, Glen Branca, 1980

La pièce titre mélange des influences de Joy Division et Steve Reich, pour vous donner une idée.

https://www.youtube.com/watch?v=ALsS-3-_PjM

Confusion is Sex, Sonic Youth, 1983

Le premier album de la formation phare qui lancera Daydream Nation cinq ans plus tard.

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