Petit guide de manif 2021

Il y a de ces choses qu’on retrouve toujours dans un printemps montréalais : de timides petits bourgeons, des gens en shorts alors qu’il y a encore de la slush dans les rues et le retour des manifestations. Si au printemps 2020, le choc de la pandémie et les mesures sanitaires plus strictes ont considérablement refroidi les ardeurs des manifestant.e.s, de nombreuses marches ont été organisées depuis le début de l’année 2021. Cela ne veut pas dire que la pandémie est terminée et qu’il n’y a plus de risques, loin de là. Voici donc un petit guide pour manifester tout en respectant votre sécurité et celle des autres.

Avant de commencer, prenons un petit moment pour parler de la diversité des tactiques. La diversité des tactiques, ça implique de respecter les moyens utilisés par les autres militant.e.s dans la poursuite d’un but commun, même si, personnellement, ce n’est pas quelque chose qu’on ferait soi-même. Bien que c’est une expression qui a souvent été utilisée pour répondre aux injonctions à la non-violence, ça marche d’un côté comme de l’autre. Personne ne force personne à donner son itinéraire de manif, mais personne ne devrait vous mettre un pavé dans la main non plus!

Alors, dans cet ordre d’idée, ce guide s’adresse à un spectre de manifestant.e.s que j’espère assez large. Les organisations militantes comme la Convergence des luttes anticapitalistes (CLAC), sont une mine d’or d’information sur la sécurité en manif, mais leurs conseils peuvent être utilisés pour des militant.e.s de toutes causes et tous horizons. Libre à vous de vous en inspirer pour votre niveau d’aise et d’à quel point les manifestations auxquelles vous voulez participer sont rock n’roll, de la marche familiale à l’action directe.

Ceci dit, comme il existe beaucoup de manières très différentes de manifester, il est important de savoir à quel genre de manif on participe pour se préparer en conséquence et pour être certain.e qu’on sera à l’aise avec ce qui risque de s’y passer. Y aura-t-il une marche? Est-ce un rassemblement? Y aura-t-il des discours? Y aura-t-il une forte présence policière? Est-ce le genre de manifestation où on peut s’attendre à des affrontements avec la police? Les organisateur.ice.s de l’évènement ainsi que la présence d’un itinéraire officiel sont de bons indices sur le genre de manifestation auquel on a affaire.

Comme il s’agit habituellement d’une activité extérieure, c’est une bonne idée de regarder la météo pour se préparer en conséquence. On ne s’engage pas pour la même expérience de manifestation une belle journée chaude de mai que lors de la dernière tempête de neige tardive d’avril. Surtout au printemps, il n’y a qu’un pas entre la crème solaire et l’imperméable.

L’endroit où aura lieu la manifestation doit être aussi pris en compte. Y aura-t-il beaucoup de dénivellation? Est-ce un grand boulevard passant ou des petites rues de quartier? Certain.e.s organisateur.rice.s de manifestations, dans un effort pour rendre leurs événements plus inclusifs pour les personnes en situation d’handicap, les personnes âgées et les parents de jeunes enfants, indiquent le genre de parcours auquel on peut s’attendre dans la description de la manifestation. S’il y a un couvre-feu en vigueur où vous manifesterez, la distance entre les lieux de la manifestation et votre logement pourrait être une bonne chose à calculer, pour ne pas être pris.e au dépourvu quand les 8 coups de 20 h vont sonner.

Dernière étape de votre logistique prémanif, et non la moindre : trouvez-vous un.e ami.e. Non seulement ce sera beaucoup plus plaisant que de manifester seul.e, mais ce sera plus sûr également. Si vous y allez en plus grand groupe, il est tout de même recommandé de désigner une de ces personnes comme votre binôme ou votre buddy. Vous arriverez et repartiez avec cette personne. Avant la manif, il est toujours plus sage de se donner un point de ralliement avec elle, au cas où vous seriez séparé.e.s. Durant la manif, essayez toujours d’avoir cette personne dans votre champ de vision. Ainsi, quoi qu’il arrive, si vous vous foulez la cheville, si vous faites un malaise, si vous recevez du poivre de cayenne dans le visage, il y aura quelqu’un.e avec vous.

Le jour M (pour manif) arrivé, que faut-il amener dans son petit panier? Cela dépend évidemment du genre de manifestation, du moment de l’année. Cependant, il y a des incontournables.

Commençons par les masques. Si en 2012, on a voulu les interdire, ils sont aujourd’hui absolument OBLIGATOIRES dans les manifestations. C’est un peu ironique, mais ce n’est pas une raison pour en rire. Les consignes veulent que les manifestant.e.s se tiennent à 2 mètres de distance, mais il arrive que l’espace dans la rue ne le permette pas. Je vous recommande même d’amener un troisième et un quatrième masque, pour les changer si votre respiration a rendu les deux premiers trop humides pour être sécuritaires. Comme il arrive souvent que les gens crient et parlent fort durant une manifestation, il est impératif de vous couvrir le visage comme il faut, question d’empêcher la propagation de particules dans l’air respiré par vos camarades.

Dans le même ordre d’idée, c’est une bonne idée de s’amener du Purell pour vous laver les mains périodiquement durant la manifestation. Évidemment, j’ai bon espoir que vous vous laviez bien les mains avant de partir et à votre retour à la maison.

En parlant de se changer, privilégiez les vêtements confortables et discrets. Si ce n’est pas la canicule, c’est une bonne idée de mettre des manches longues et des pantalons. Ils vous protégeront des égratignures si vous tombez et des produits chimiques irritants qui peuvent malheureusement être jetés sur les manifestant.e.s. Il va sans dire que des souliers confortables pour marcher longtemps sont de mise. J’irai retirer cette phrase quand je ne vous verrai plus manifester en gougounes.

Comme toute activité à l’extérieur, il faut s’amener une petite collation et une bouteille d’eau. Des snacks protéinés comme des noix ou des barres tendres sont un bon choix. La tentation de s’amener une petite bière existe, mais si vous voulez rester hydraté.e et alerte je vous le déconseille.

Si vous savez que ça risque de brasser, cette petite section non exhaustive est pour vous. Ne venez jamais manifester avec des verres de contact. Si des gaz lacrymogènes sont utilisés par la police, ils seront coincés derrière votre lentille et c’est très dangereux pour vos yeux. Si vous vous attendez à des accrochages du genre, il n’est pas déconseillé d’amener une solution à 50 % d’eau et 50 % d’antiacide (comme du Maalox) avec laquelle on peut se laver les yeux si jamais on est touché.e par un agent irritant. Au début de ce genre de manifestation, il n’est pas rare que le numéro d’un.e avocat.e circule. Ce n’est pas pour rien, prenez-le en note ailleurs que sur votre téléphone. Pour plus d’information sur ce qu’il faut faire en cas d’arrestation, on a interrogé une experte sur le sujet.

Ça finit par faire beaucoup de choses à apporter. Si l’envie est grande de mettre tout ça dans un sac à dos, résistez! Il serait très facile de fouiller dans un sac que vous ne sentez pas très bien dans votre dos. De plus, on peut facilement vous agripper par la poignée de votre sac.

Une fois dans la manifestation, le mot d’ordre sera « respect. C’est après tout une action collective que vous êtes en train d’entreprendre, il y a donc certaines règles de bienséance à suivre.

Quand c’est possible, gardez vos distances avec les manifestant.e.s qui ne font pas partie de votre bulle. Même si vous avez vos masques sur le visage, toutes les précautions pour ralentir la propagation du coronavirus doivent être prises. Cependant, il est possible qu’une rue très étroite ou une manœuvre de la police vous force à vous rapprocher des autres. Heureusement, vous êtes dehors, vous avez votre purell et vos masques.

Si vous devez fumer, il est plus respectueux de se déplacer vers les côtés de la manifestation. Déjà que vous devez enlever votre masque pour fumer, vous courrez le risque d’incommoder les gens autour de vous, ce qui est encore plus moyen lorsqu’on vit une pandémie qui s’attaque au système respiratoire.

Pour éviter de mettre les autres en danger et vous-même, il est important de rester calme, mais alerte. Observez le rythme de la manifestation, écoutez les instructions des organisateur.ice.s. Il se peut que vous deviez ralentir pour permettre à la queue de la manif de rattraper la tête, il se peut que vous deviez serrer les rangs. Par exemple, si la police antiémeute charge et que vous paniquez et courrez, il y a de fortes chances qu’il y ait des collisions et des blessures.

Reste l’épineuse question des téléphones cellulaires. Il est compréhensible que vous ayez envie de prendre des photos ou de filmer pour immortaliser le moment. Il serait mieux cependant que vous utilisiez votre caméra mentale, comme les images que vous enregistrez pourraient être utilisées contre vous et contre les gens qu’on peut voir sur l’image. Votre téléphone, en plus de tracer tous vos pas, peut vous déconcentrer de ce qui se passe. Si vous avez déjà trouvé vos ami.e.s, votre cellulaire peut très bien être en mode avion dans votre sac ou au chaud à la maison.

Autre chose : respectez vos limites et votre instinct . Si vous ne vous sentez plus bien, c’est un bon indicateur : partez! Même si vous avez l’impression que vous allez manquer quelque chose ou abandonner les autres, la manif aura sûrement encore lieu sans vous. Portez attention aux signes de douleur, de fatigue ou de malaise.

Finalement, il ne faut pas oublier de s’amuser. Vous êtes entouré.e de centaines de gens qui partagent vos convictions et qui veulent se battre pour un monde meilleur (enfin, dans la plupart des manifs), profitez-en!