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Petit déconfinement : Entre espoir et résilience
Les gens se réjouissent de la réouverture des commerces non essentiels, mais refusent de se bercer d’illusions, craignant un autre retour à la case départ.
C’est le constat qui se dégage d’un coup de sonde effectué sur le terrain lundi, aux premières heures du déconfinement partiel touchant la province.
Si le Café L’Échouerie de Natashquan et le gym Cyclotonus de Val-D’Or ont le droit d’accueillir les clients dans les zones orange situées à des années-lumière d’ici, des restrictions demeurent en vigueur dans les zones rouges, où vivent 99,9999% de nos compatriotes.
la réouverture des commerces dits non essentiels, des musées et des salons de coiffure constitue un premier pas vers un semblant de normalité.
Mais bon, soyons bons joueurs: la réouverture des commerces dits non essentiels, des musées et des salons de coiffure constitue un premier pas vers un semblant de normalité.
Un premier pas accueilli comme une puff d’air frais par les commerçants et clients croisés durant mon pèlerinage matinal, qui s’est amorcé près de chez moi sur la chic Promenade Masson.
Le propriétaire du salon de barbier Chez Pasquale n’ouvre pas le lundi, mais il était sur place pour les derniers pr éparatifs… et pour enlever ses lumières de Noël. « C’est pas mal rock and roll côté réservation, c’est déjà complet pour presque deux semaines », admet Pasquale Di Tullio, qui possède un autre salon rue Beaubien.
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Le sympathique propriétaire s’attend à ce que le couvre-feu lui mette des bâtons dans les roues, puisque plusieurs clients viennent d’ordinaire se faire faire un tour d’oreille après le travail.
S’il a jusqu’ici réussi à éviter le pire, Pasquale estime toutefois des pertes oscillant autour de 30-40% de son chiffre d’affaires, en raison de la pandémie. « Notre travail a un lien avec la vie sociale. Avant, les gens avaient des raisons de venir comme des mariages, des fêtes, le travail, les soirées au restaurant, etc. Là, les gens se coupent les cheveux simplement parce qu’ils sont longs », analyse-t-il.
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«Il faudrait que les gens prennent ça plus au sérieux si on veut éviter de devoir à nouveau les fermer»
À la porte voisine, quelques clients arpentent déjà les allées du centre d’entrepôt du magasin Hart, quelques minutes après son ouverture. « C’est mon magasin préféré et j’avais besoin d’un tapis pour le bain », résume Shirley, qui ne sort pas trop de chez elle, sauf pour une tournée des magasins sur Masson de temps en temps. « Il faudrait que les gens prennent ça plus au sérieux si on veut éviter de devoir à nouveau les fermer », ajoute Shirley, en se cognant le dessus de la tête, faute de trouver du bois pour conjurer le mauvais sort dans l’allée des gros coussins.
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La gérante de la boutique, Mariya, n’est pas prête non plus à crier victoire. « Je pense que ça va recommencer avec la souche britannique. Je ne crois pas que la vaccination va tout régler », soupire-t-elle.
Je lève les yeux et aperçois une longue file qui s’étire devant la friperie Renaissance.
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«On espère que ce sera la bonne cette fois»
Quelques mètres plus loin, une employée donne un coup de fraîcheur à l’aide de son poush-poush à la vitrine du magasin Sports Uptown. « On espère que ce sera la bonne cette fois, mais on aura du mal à écouler les bottes et manteaux d’hiver », explique Serhan, le gérant de la boutique, devant des employés en train de remettre de l’ordre dans l’établissement.
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Les enfants du quartier vont certainement jubiler à l’idée de recommencer à faire du chantage émotif pour aller au magasin de jouets Tik Tak Toc. « Je suis content, mais je n’ai pas d’attentes. Je ne suis ni optimiste ni pessimiste. Ça fait un an, on commence à être habitué », souligne le propriétaire Philip, qui déplore le manque de constance du gouvernement dans sa gestion de la crise.
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De l’autre côté de l’artère commerciale, le magasin de vêtements Indiana Jeans aussi a ouvert ses portes. Je n’y suis pas allé, mais je cherchais juste un prétexte pour mentionner l’excellent nom de cette boutique.
La librairie Au Vieux Bouc a aussi repris du service, au grand bonheur des habitués (allo). Le Placottoir café qui partage le local avec la librairie était quant à lui demeuré ouvert. « On a gardé notre clientèle régulière. Les gens venaient au café, nous disaient que ça n’avait pas d’allure que les livres soient jugés non essentiels alors qu’il n’y avait rien d’autre à faire », souligne le libraire Jonathan, qui se dit néanmoins confiant que les choses finiront par rentrer dans l’ordre.
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Expulsé de la Place Versailles
Le stationnement est déjà passablement rempli à la Place Versailles, tout juste après la réouverture. « Les centres commerciaux ne devront tolérer aucun flânage ni rassemblement », avait affirmé l’autre jour le premier ministre Legault.
C’est bien ce qu’on va voir.
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Premier constat: les allées regorgent déjà de clients masqués, plusieurs familles sont du lot.
Il y a une file devant le Ardène et la succursale Dollarama est prise d’assaut par les clients, dont Sophie, venu y faire quelques emplettes avec Zoé, son bébé de sept mois. « Je ne viens pas juste pour passer le temps, je ne sors pas pour rien », assure la jeune maman.
C’est sinon toujours un brin confrontant de déambuler dans un endroit parmi des centaines d’humains.
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Côté flânage, les tables d’aires communes de restauration ont toutes été condamnées avec des rubans jaunes (même la fontaine pour faire des vœux tsé), empêchant les gens de s’asseoir pour papoter et siroter un café.
Rien pour empêcher Yvon Gagné de reprendre ses vieilles habitudes. « J’avais hâte que ça ouvre, je viens presque tous les jours prendre ma marche. Je commençais à ankyloser seul chez moi », avoue le client, qui s’est patenté une table avec une poubelle pour manger son McDo.
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«C’est complet pour la semaine», tranche la gérante du salon de beauté Ongles Spa MK, visiblement débordée.
Qui dit « commerce non essentiel » dit évidemment « se faire les ongles ».
Fascinant l’achalandage au salon de beauté Ongles Spa MK, où plusieurs spécialistes sont à pied d’œuvre. « C’est complet pour la semaine », tranche la gérante, visiblement débordée.
Une des clientes, Cassandra, souligne avoir réservé en fin de semaine pour avoir ses faux ongles noirs. « Pour moi c’est essentiel, c’est mon luxe de fille, sinon je me les ronge », résume la jeune femme.
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C’est là qu’un monsieur habillé dans un beau costume funky est sorti de nulle part pour me demander des comptes. « Avez-vous une autorisation du centre commercial ? Une carte? », insiste-t-il.
« Je suis journaliste! Je dois informer la population! », plaidé-je en vain, pendant que le monsieur ne me lâche pas d’une semelle, l’air déterminé à procéder à mon arrestation de manière citoyenne. Comme je ressemble vaguement à Georges St-Pierre, le monsieur reste sur ses gardes, mais continue à me coller au train pendant que je m’éloigne, voyant que mon vox pop dégénère.
« Il a un manteau noir, il demande aux gens des informations et leur numéro », lance faussement le justicier, visiblement au téléphone avec la sécurité.
J’avoue ne pas avoir demandé la permission à la Place Versailles. Je croyais que ce n’était pas obligatoire depuis la décapitation de Louis XVI. Je le saurai pour la prochaine fois, me dis-je en filant en douce par la première sortie, située évidemment à trois jours de marche de mon char stationné à l’autre extrémité du mail.
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Changer d’air avec les perroquets
Toutes ces émotions me donnent envie de garrocher mon calepin dans la neige en beuglant: À QUOI BON!?!
Heureusement, ce n’est pas mon premier rodéo.
Je me dirige donc vers le Biodôme, histoire de terminer ce reportage sur une note d’exotisme et de fluffy. Voir des animaux dans leur « habitat naturel » m’aidera certainement à me réconcilier avec la vie, mais surtout les habitants de cette belle planète ronde suspendue dans le cosmos nommée Gaïa.
L’employée au guichet m’explique que les visites se font par bulle de vingt-cinq.
En gros, c’est pratiquement une visite privée sinon très exclusive. « Après la première vague, il fallait réhabituer les animaux à la présence des humains, mais là c’est moins pire puisqu’ils ont vu du personnel tout le long. Même la loutre commence à sortir », raconte la jeune femme, pendant que j’exagère mon effusion de joie à l’idée de voir la loutre sortir de son trou.
Le Biodôme a été rénové pendant longtemps en plus, j’avoue avoir hâte de voir ça, même si mon amour des animaux est équivalent à celui que je porte au duo 2Frères.
Je me sens mal de venir ici sans mes enfants. C’est comme si j’allais tout seul au Funtropolis (ce qui serait plutôt louche en fait).
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Un des employés me suggère de commencer par la forêt tropicale. La chaleur me prend à la gorge en entrant. Je me sens dans le sud, mais sans les jumeaux Tadros. « Personnellement j’avais hâte que ça rouvre, j’adore les animaux! », lance Laura, en train de prendre les perroquets en photo avec son amie Debbie. « On en profite, je suis sûre qu’il va y avoir une troisième vague », indique Debbie, une prophétesse de malheur.
«Ça fait du bien de faire une activité culturelle, on avait hâte»
Devant l’enclos des alligators et l’arbre aux ouistitis un peu plus loin, je surprends Éric et Noah en flagrant délit d’activité père/fils. « On aime beaucoup les animaux et ça fait du bien de faire une activité culturelle, on avait hâte », souligne Éric venu de Mont-St-Hilaire avec son garçon en congé pédagogique.
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J’ai pas vu la loutre finalement, mais j’espère qu’elle n’a pas vu son ombre.
J’ai vu les pingouins par contre (ça oui!) et la nouvelle entrée super cool en glace de la section polaire. En sortant, je croise Marie-Christine avec ses trois enfants, Mathéo, Élizabeth et Victor. « Ça me manquait les sorties de famille », illustre la maman, incapable de prévoir si la pandémie achève où si c’est un autre creux de vague.
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Morale de l’histoire: la vie (et les affaires) reprend un peu ses droits, mais difficile de chasser cette impression de jouer à nouveau dans le même film.
Un film longuet qui se termine par de nouvelles fermetures, des bilans quotidiens désastreux et des prolongements de couvre-feu.