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Pas de bonjour, pas de wifi

Par
Gwenaëlle Scorta
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“S’cuse-moi, c’est quoi le code wifi ici?”

C’est à peine que son orteil venait de franchir la porte de l’établissement, que lui, ce client avide de notifications ou qui a dépassé ses 3 gigs de données mensuelles, c’est selon, s’empresse de me poser cette question.

Fuck l’échange de politesses et tout ce que t’as appris ta mère, trêve de salutations, y’a pas assez d’place pour nous 2 dans c’bled, donne-moi le code wifi que je sauve 5$ de data et surtout, que j’aille m’asseoir en paix avant que tu viennes prendre ma commande.

Dans ma courte carrière de serveuse, cette malheureuse situation m’est, hélas, arrivée trop souvent. Et que dire, que dire, à part que ça m’irritait gravement. À tous coups, je rêvais de lancer d’une voix des plus aiguës :

“OÙ SONT DONC PASSÉES TES BONNES MANIÈRES, JEUNE MÉCRÉANT? VEUILLEZ ME SALUER SUR-LE-CHAMP OU J’ORDONNERAI QU’ON VOUS PENDE PAR LES PIEDS.”

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Comprenez-moi bien, je ne réclamais pas qu’on me fasse un baisemain, qu’on me ventile le visage à l’aide d’un éventail japonais ou qu’on me nourrisse de grappes de raisins et de petits pains chauds. J’espérais seulement le minimum venant d’un être humain — en théorie — civilisé, c’est-à-dire un simple allô.

Pour évaluer si un comportement respecte les règles de bienséance, c’est simple : j’aime imaginer comment quelqu’un de la haute société aurait agi. Dans ce cas-ci, est-ce que Kate Middleton aurait demandé au majordome du salon de thé le code wifi au moment où elle aurait mis pied dans l’endroit, avant même de s’enfiler une saupoudreuse bouchée de scone? J’EN DOUTE.

Bref un soir, alors d’une soirée occupée, une jeune poulette peu élégante me fit, d’une voix désintéressée, la grande demande du code wifi, tout en gardant les yeux fixés sur son appareil intelligent. Les grandes idées naissent souvent d’un évènement anodin et c’est ainsi que j’inventai un jeu tout à fait ingénieux (dont j’étais la seule participante).

Le concept était fort simple. À l’avenir, si le client me demandait le code wifi poliment, je lui en ferai l’offrande, et ce, avec le plus grand des plaisirs.

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En revanche, si sa requête ne se faisait pas dans les règles de l’art, c’est-à-dire sans bonjour ou absente de toutes formes de politesse, je me contenterais d’un riquiqui mensonge rose et je dirais que je ne le savais pas. Que voulez-vous, être serveuse dans un bar, ça durcit la couenne.

I show no mercy.

Misère! Lorsque je feignais de ne pas connaître le code, le pauvre client me regardait interloqué, ne comprenant guère ce qui se passait. Je lisais l’incompréhension et le désespoir dans ses yeux : “Mais comment peut-elle ne pas savoir le code wifi? Ça ne se peut pas”.

Il retournait alors à sa banquette, bredouille et dupé, en sachant qu’il allait probablement booster sa facture de cellulaire parce qu’il ne pourrait s’empêcher d’aller sur Facebook en attendant son rendez-vous.

Très sincèrement, je me régalais de ce passe-temps. Et je suis prête à parier tout mon petit change que je ne suis pas la seule (ancienne) serveuse qui l’a fait. En passant, je précise qu’il ne s’agissait pas d’un powertrip digne d’une personne qui se retrouve en possession d’un walkie-talkie ou d’une passe VIP qui s’accroche dans le cou. Non, c’était simplement une petite vengeance personnelle envers des gens qui ont oublié que de dire bonjour quand on rentre dans un endroit public, c’est le minimum avant de bêtement réclamer le code wifi (ou toute autre chose).

P.S. En toute honnêteté, la seule fois où on n’a pas besoin de demander le wifi gentiment, c’est quand on “emprunte” celui du voisin. :-)

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