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Partis pour la gloire : quand ton parti ne veut pas vraiment se faire élire
Un parti politique, normalement, ça existe pour prendre le pouvoir et implanter ses idées au gouvernement. Mais le hic, c’est qu’en 152 ans, y’a seulement deux partis qui ont réussi à gouverner au Canada : le Parti libéral et le Parti conservateur (sous différents noms). Donc quand on n’est ni conservateur ni libéral, on a de bonnes chances de perdre nos élections. Pis ça, niveau démocratie, c’est moyen.
Par contre, gouverner n’est pas la seule façon d’influencer la joute politique. L’exemple le plus évident est le Bloc québécois, qui ne présente des candidats qu’au Québec, pour défendre les intérêts du Québec, sans espoir d’être à la tête du pays. Certains partis militent même dans le but explicite de ne pas gouverner. L’exemple le plus flagrant? Le Parti Rhinocéros. Oui, ce sont eux qui présentent un autre Maxime Bernier en Beauce, juste pour le fun de nuire à Maxime Bernier. Et avec une circonscription aussi serrée que la Beauce , ça pourrait vraiment marcher!
En général, on les connaît surtout pour leurs propositions un peu funny, comme l’abolition de la gravité, la vente du Sénat aux enchères et l’interdiction de l’hiver.
Les Rhinocéros (ou les Rhinocéristes?) font tout pour ne pas être élus depuis… 1963! En général, on les connaît surtout pour leurs propositions un peu funny, comme l’abolition de la gravité, la vente du Sénat aux enchères et l’interdiction de l’hiver. Mais au-delà de son côté fou fou, le Parti Rhinocéros a été fondé pour des raisons somme toute très politiques.
Dans les années 1960, le mouvement de la contre-culture prenait de l’ampleur et, au Québec, les socialistes et les indépendantistes ne se sentaient vraiment pas représentés par les partis en place. Et bon, c’est sûr que les grands partis n’allaient pas remettre en question le capitalisme, la monarchie et le gouvernement fédéral lui-même. La politique fédérale représentait donc un cul-de-sac.
En 1963, un militant socialiste, Jacques Ferron, décide de créer un parti satirique pour illustrer l’absurdité du système économique et politique canadien. Il choisit le symbole du rhinocéros non pas parce que c’est un animal à la fois badass et adorable, mais bien en référence à la pièce de théâtre de Ionesco, Rhinocéros. La pièce, où des habitants d’un village se transforment tous en rhinocéros, critique la montée du fascisme, la pensée unique et l’autoritarisme des gouvernements. Le parti va d’abord être investi par des artistes indépendantistes, comme Robert Charlebois, Victor-Lévy Beaulieu et Gaston Miron, un peu comme une boutade face à la politique fédérale.
C’est en 1980 que le Parti va connaître son plus grand succès, avec plus de 1% de votes. Ça peut paraître peu, mais en même temps, c’est plus de 100 000 personnes qui ont voté pour faire un gros fuck you au système.
C’est en 1980 que le Parti va connaître son plus grand succès, avec plus de 1% de votes. Ça peut paraître peu, mais en même temps, c’est plus de 100 000 personnes qui ont voté pour faire un gros fuck you au système.
Dans la circonscription de Laurier, une rhinocéros, la clown Sonia Chatouille, atteint même la deuxième place, avec 12% des votes. C’est peu, mais ça reste vraiment gênant pour le NPD et les conservateurs, qui se sont fait littéralement battre par une clown qui voulait ridiculiser le système électoral. Et la circonscription de Laurier, guess what, c’était dans le Plateau. Bin oui.
Le parti perdra par la suite de l’influence jusqu’à sa disparition en 1993. Et c’est pas un hasard que ce soit juste après la création du Bloc québécois en 1991. En effet, pour la première fois, une véritable option indépendantiste existait finalement en politique fédérale (sans l’aspect révolutionnaire et edgy).
C’est en 2006 que le parti s’est reconstitué, parce que, faut l’avouer, la scène politique contemporaine est toujours aussi absurde qu’en 1963. Aujourd’hui, le parti est encore actif, mais si la tendance se maintient, aucun rhinocéros ne sera élu cette année pour la quatorzième élection consécutive. Mais le 21 octobre prochain, si Maxime Bernier perd par quelques votes, le Parti Rhinocéros aura influencé directement l’élection pour la première fois de son histoire. Et pour le mieux.
Le prochain texte de cette série portera sur un parti tout aussi loufoque que le Parti Rhinocéros (mais de façon involontaire cette fois-ci) : le Parti créditiste!