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Partis pour la gloire : le parti qui ne voulait pas que le Canada existe
Ce qui peut être frustrant avec la politique, c’est que quand on commence à s’y intéresser, on ne part jamais vraiment du début. Et puisque le Canada a été fondé en 1867, quelqu’un qui décide de s’informer en 2019 a déjà 152 ans de retard sur la game. Alors pourquoi ne pas partir du début, pour une fois?
Cette semaine, on parle donc du plus vieux parti de l’histoire du pays : le Parti canadien. Ce parti est peut-être né il y a plus de deux siècles, mais son influence sur la politique canadienne est encore présente aujourd’hui. Le Parti canadien a même contribué à la création d’un parti qui est bien connu de nos jours. Ce parti risque d’ailleurs de gagner les élections du 21 octobre prochain…
Commençons par le commencement
Le Parti canadien, créé par des francophones et des Irlandais opposés au régime britannique, revendiquait plus de droits pour les Canadiens français et, ultimement, l’indépendance du Bas-Canada.
C’est en 1792 que les toutes premières élections du pays furent déclenchées, 75 ans avant la fondation du Canada. À l’époque, le Québec s’appelait Bas-Canada et les femmes avaient le droit de voter. Parce que oui, fun fact pas si l’fun, avant de se faire retirer ce droit en 1834, les canadiennes-françaises pouvaient voter. Mais on s’égare. De façon générale, les électeurs avaient peu d’importance à l’époque, parce que le gouverneur général avait un droit de veto sur tout projet de loi voté au Parlement. Il pouvait donc défaire tout ce que les députés dûment élus proposaient.
Par contre, dès la première élection, deux partis politiques vont quand même se former : le Parti bureaucrate et le Parti canadien. Le Parti bureaucrate, comme son nom le laisse entendre, était essentiellement formé par les élites économiques de l’époque, qui étaient majoritairement anglophones. Aussi appelé la Clique du Château, ce parti représentait les intérêts de la monarchie britannique. Ce n’était donc pas tant un parti qu’un lobby pour les riches et puissants. Tsé, les candidats du parti étaient nommés par le gouverneur général lui-même…
À l’inverse, le Parti canadien, créé par des francophones et des Irlandais opposés au régime britannique, revendiquait plus de droits pour les Canadiens français et, ultimement, l’indépendance du Bas-Canada. Étant donné que la majorité du Bas-Canada était francophone, c’est le Parti canadien qui remporte les premières élections de l’histoire en 1792. Et les quatorze suivantes.
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En 1826, en raison de l’arrogance grandissante des autorités britanniques face aux demandes des Canadiens français, le chef du parti Louis-Joseph Papineau, se radicalise et renomme son parti le Parti patriote. Ce sont eux qui mèneront les fameuses rébellions patriotes de 1837 et 1838, et qui vont combattre l’armée britannique dans le but de créer la République indépendante du Bas-Canada. Par contre, quoi qu’en disent les gars d’ Alaclair Ensemble, les patriotes vont perdre le combat et plusieurs d’entre eux seront pendus ou exilés par les autorités. Le parti va finir par s’éteindre et Louis-Joseph Papineau va s’éloigner de la vie politique pendant quelques années, pour des raisons évidentes…
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Un parti qui voit rouge
En constatant les tensions grandissantes dans le Bas-Canada, la Couronne britannique décide de fusionner le Bas-Canada avec le Haut-Canada, l’ancêtre de l’Ontario actuel. En 1841, le Canada-Uni, l’embryon du Canada actuel, était donc né. Un des buts avoués de cette fusion était même d’assimiler les Canadiens français. Sans surprise, les militants patriotes de l’époque s’opposent fortement à cette fusion et décident alors de créer un nouveau parti pour faire entendre leur voix au nouveau Canada-Uni : le Parti rouge.
Un peu moins radical que son prédécesseur, le nouveau parti des patriotes ne visait pas forcément l’indépendance, mais proposait à tout le moins de séparer les deux Canadas à nouveau, voire même d’annexer l’ancien Bas-Canada aux États-Unis. Pour les questions de nature sociale, le parti avait des positions plutôt libérales et souhaitait la séparation de l’Église et de l’État. En gros, c’était donc un parti nationaliste et prolaïcité. Let that sink in…
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Quelques années plus tard, les Pères de la Confédération, George-Étienne Cartier et John A. McDonald, proposent de faire du Canada un pays autonome du Royaume-Uni, en annexant le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse au Canada-Uni. Le Parti rouge s’y oppose encore une fois, puisqu’il craint une autre dilution des pouvoirs des Canadiens français. Toutefois, en 1867, le Canada sera bel et bien créé, en plus de ses quatre provinces originelles, le Québec, l’Ontario, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse.
Dans ce nouveau système politique, les vieux partis deviennent caducs et de nouveaux partis doivent être créés dans le nouveau pays. À gauche, les héritiers des patriotes et du Parti rouge fondent donc un nouveau parti progressiste, anticlérical et aux valeurs libérales… Vous avez deviné, le Parti libéral était né!
Louis-Joseph Papineau et Justin Trudeau ont donc peu de choses en commun. Mais comme le hasard fait bien les choses, Justin Trudeau est aujourd’hui député de la circonscription de… Papineau.
Les Clear Grits, l’équivalent ontarien du Parti rouge, intègrent également le parti et modèrent le message plutôt radical des militants rouges. Malgré leur progressisme, les Clear Grits sont même plutôt hostiles envers les Canadiens français. Le Parti libéral du Canada naît donc à partir d’une alliance stratégique entre progressistes francophones et anglophones.
Le Parti libéral du Canada délaissera donc rapidement les idées républicaines de son prédécesseur et deviendra même le principal parti à promouvoir l’unité canadienne et la centralisation des pouvoirs au gouvernement fédéral.
Malgré les liens politiques qui les unissent, Louis-Joseph Papineau et Justin Trudeau ont donc peu de choses en commun. Mais comme le hasard fait bien les choses, Justin Trudeau est aujourd’hui député de la circonscription de… Papineau.