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Partir dans l’Ouest, est-ce que ça règle vraiment nos problèmes?

Pour nuancer un peu le discours de la van life™.

Par
Zacharie Routhier
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Quand ça ne va pas, on y pense tous : lâcher notre job de marde, tout crisser là et partir refaire sa vie ailleurs. Ou juste prendre un moment off, explorer un peu, puis revenir.

Pour plusieurs, c’est une maudite bonne idée. Ceux-là, on les entend souvent parler. C’est essentiellement un mème québécois que d’aller se retrouver (physiquement et spirituellement) parmi les cherries de l’ouesss’, ou de partir trois mois sua brosse en Asie du Sud-est.

Prendre la route et sortir de sa zone de confort, ça peut être un incubateur à nouvelles idées et perspectives. « Parfois, partir te rend plus apte à comprendre ce qu’on doit changer sur soi-même », estime Catherine, une backpackeuse. Et c’est ce que la grande majorité des voyageurs à qui j’ai parlé m’ont dit.

Mais qu’arrive-t-il lorsqu’on part pour fuir nos problèmes?

Ça, c’est un peu le cliché du vagabond. À la blague, Nicko me dit que lorsque les problèmes le rattrapent, c’est le moment pour lui d’aller voir ailleurs.

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Lucky, qui est en Colombie-Britannique, joue aussi avec l’humour : « Bienvenue dans ma vie de marde, mais criss que la nature est belle, icitte ».

Parce que le grand air, même si ça fait du bien, c’est pas un savon magique avec lequel on peut laver tous nos struggles. On fait quoi lorsque le road trip qui était supposé changer notre vie fait plutôt revenir notre anxiété au galop?

Certains ne voient pas ça d’un mauvais œil. « Si tu pars pis que tu te pètes la gueule parce que tes problèmes te rattrapent, ça peut faire grandir l’individu en toi malgré tout. Sur le coup, ce n’est peut-être pas beau, mais ça peut définitivement aider à régler ben des choses pis t’aider à en sortir grandi », croit Gabe.

«Si tu pars pis que tu te pètes la gueule parce que tes problèmes te rattrapent, ça peut faire grandir l’individu en toi malgré tout.»

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Mais les histoires de voyage sketch ne se soldent pas toutes par un « j’en ressors grandi ». Ou du moins, pas totalement. Quand nos démons intérieurs ne meurent pas sur la route, ou pire, qu’ils y naissent, on peut presque se sentir mal de le dire… Comme si c’était tabou.

J’ai reçu une cinquantaine de témoignages détaillant les mille et une nuances des effets du voyage sur nos problèmes personnels. En voici trois.

Marie*

Marie a lâché ses études à 16 ans après avoir enfilé les detox et les thérapies. « Je ne me suis jamais sentie vraiment libre et j’idéalisais toujours partir en voyage comme étant la chose qui allait me libérer de mes problèmes d’addiction, de dépression et de mauvaise estime personnelle qui m’étouffaient », raconte-t-elle.

Quand ça va mal, quand on commence à s’enfoncer de plus en plus, on développe la pensée magique, me dit la jeune backpackeuse. Comme une sorte d’exutoire, de solution miracle à tous nos problèmes. « J’ai commencé à croire que partir là où tout le monde se sentait libre allait peut-être m’amener le même sentiment », dit-elle.

Alors qu’on échange ces quelques mots, elle se trouve encore dans l’Ouest. C’est que malgré tout, les rencontres qu’elle y a faites l’aident. Ça change son mindset. « Je ne me suis pas illuminée grâce au voyage, juste un peu plus allumée », résume Marie.

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Ange

Ange aussi, elle en a fait des rencontres dans l’Ouest. Des gens dans une situation similaire à la sienne, tentant de se réparer l’intérieur. « Mais ils s’attendaient à trouver une solution venue du ciel, une révélation magique dans le milieu des bois intoxiqués sur les champignons », dit la backpackeuse.

Alors où se trouvent les réponses? Car avec des histoires de consommation d’alcool et de drogues qui devenaient problématique, et des phases mani-dépressives depuis quelques années, Ange cherchait une manière de s’en sortir.

« Je me suis dit qu’en allant en Colombie-Britannique, au milieu de nulle part, je serais capable de me sevrer et de reprendre contrôle de ma santé mentale », me confie-t-elle. Mais ça ne s’est pas produit. « J’ai réalisé assez vite que peu importe où j’allais, ça allait me suivre ».

«Je me suis dit qu’en allant en Colombie-Britannique, au milieu de nulle part, je serais capable de me sevrer et de reprendre contrôle de ma santé mentale», me confie-t-elle. Mais ça ne s’est pas produit.

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Même qu’en rétrospective, Ange estime qu’avec la crise du fentanyl, qui est particulièrement importante au B.C. (l’opioïde a été détecté dans 83% des morts par overdose en 2019 dans la province), ce n’était pas un endroit particulièrement sécuritaire pour elle. « Les solutions étaient en moi, et peu importe où j’étais, j’avais la possibilité de m’aider », conclut-elle.

Sophie*

Sophie* n’était pas à la recherche d’une solution à un problème spécifique. En allant vers l’Ouest, elle souhaitait plutôt sortir de sa zone de confort, comme plusieurs autres québécois à ce temps-ci de l’année.

« Cet été m’a appris beaucoup sur moi, mais pas nécessairement de la façon dont je m’y attendais », explique-t-elle. Beuverie, pertes de mémoire, drogue, quelques cerises par-ci par-là, énumère la jeune backpackeuse.

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Puis, elle ajoute : beaucoup de honte. En lui parlant, je me rends compte que ce qui est le rite initiatique d’une personne est le traumatisme de l’autre. Et que parfois, certaines histoires wild ne sont pas particulièrement agréables à raconter. « Tu me fais réaliser que je n’ai pas encore fait la paix avec le mal que je me suis fait là-bas », me dit-elle simplement, sans trop donner de détails.

Ça aura pris un an et demi d’exploration avant qu’elle se rende compte que la vie de nomade était excitante, mais pas un bon fit pour elle. « J’ai réalisé que j’avais le droit de vivre avec un peu plus de structure, de stabilité ». Et ce, sans être une sold out capitaliste, dans ses mots.

Mountain Lion, lui, se visitait lui-même

Bon. J’imagine que pour parler d’un tel sujet, je n’ai pas trop le choix de partager une de mes histoires, et de rire un peu de moi. Je l’ai fait, le trip « je veux changer de vie » dans l’Ouest (deux fois plutôt qu’une).

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Quand je plantais des arbres (ceux qui me connaissent sont tannés d’en entendre parler), j’ai côtoyé un gars qui s’appelait Mountain Lion. Genre, pour de vrai, papiers officiels et tout.

Disons qu’il était coloré, mais il avait une forme de sagesse. Pas nécessairement une sagesse pratico-pratique (il ne mangeait que du miel durant la journée), mais une sagesse quand même.

Une fois, alors que je pratiquais le small talk avec lui (une mission périlleuse), je lui ai demandé s’il voyageait le reste de l’année.

« No », me répond-il. Non? « I only travel… *moment de regard intense* IN THE MIND ».

Si changer de décor peut parfois aider, il reste que c’est le dedans qu’il faut revisiter.

Alors, prenez ça comme vous voulez. Probablement qu’il faisait allusion à dropper du LSD dans son salon, mais j’aime croire qu’il pensait plutôt à la notion de voyage intérieur en général. Vous commencez à comprendre la morale à deux cennes que j’essaie de dégager : si changer de décor peut parfois aider, il reste que c’est le dedans qu’il faut revisiter.

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Et que si jamais changer de décor, ça ne marche pas pour toi, c’est correct. Les beaux jours vont quand même arriver.

Tu as besoin d’aide? Par ici.

*Ce nom a été changé afin de préserver l’anonymat de la personne.