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Partir dans le Sud en pleine pandémie
« Là-bas on disait presque “merci au corona(virus)” tellement on aurait pas pu vivre ça autrement! »
Au bout du fil, France Landry me raconte le voyage dans un tout-inclus à Cuba dont elle revient à peine avec sa maman de 77 ans et sa fille de 13 ans. Cette Montréalaise a allongé 489$ (taxes et avion inclu(e)s) pour une semaine de farniente au chic Playa Paraiso, un complexe quatre étoiles situé à Cayo Coco.
Sans banaliser les ravages de la COVID-19, France estime que la pandémie a contribué indirectement à ce séjour « de rêve ». « On était au total 16 dans un resort de 500 chambres. Tu ne peux pas demander mieux, on avait un traitement VIP tout le long et le montage des buffets était exceptionnel. Je ne sais pas comment ils font pour vivre avec aussi peu de monde, on a beaucoup “tippé” mettons », ajoute France.
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France, sa fille et un sympathique serveur croisé dans leur escapade
Évidemment, les trois Québécoises ont dû se soumettre à des règles sanitaires. « On a pris notre température à l’aéroport Trudeau, le masque était obligatoire dans l’avion, on a subi un test de COVID à l’arrivée, mais dès qu’on a su qu’il était négatif le lendemain, on a pu enlever le masque pour toute la semaine», raconte France, qui s’est toutefois placée en quarantaine à son retour. « Je ne regrette vraiment rien. J’ai travaillé très fort cette année et mon boss m’a autorisé à prendre un mois de vacances », résume cette employée d’un dépanneur.
Un environnement contrôlé
S’ils sont à des années-lumière de leur achalandage habituel, les agences de voyages contactées observent une reprise de l’engouement pour les voyages dans le sud. « Ça a recommencé tranquillement en avril et cette tendance s’accentue depuis août. On a maintenant des ventes tous les jours », analyse le vice-président des opérations chez Voyage Bergeron, Fabrice Bozon, estimant cependant que les activités ont repris à 10% de la normale. « Sunwing et Air Canada devraient reprendre leurs vols sous peu », relève M. Bozon, sur une note d’espoir.
À l’heure actuelle, aucune règle n’empêche les voyages à certains endroits autorisés, pourvu que les règles sanitaires du pays d’accueil et la quarantaine de 14 jours au retour soient respectées. Sans les interdire formellement, le gouvernement recommande néanmoins aux gens d’éviter les voyages jugés non essentiels.
«Les règles sanitaires sont suivies et les gens sont surtout contents d’être dans le sud. C’est plus sécuritaire là-bas que dans une soirée karaoké.»
Fabrice Bozon observe plusieurs voyageurs en télétravail et retraités parmi sa clientèle, des gens qui peuvent se permettre le « luxe» d’une quarantaine au retour. « C’est ça notre principal problème présentement. Ce n’est pas la peur d’attraper la COVID » indique M. Bozon, estimant que les complexes tout-inclus constituent un environnement contrôlé. « Les règles sanitaires sont suivies et les gens sont surtout contents d’être dans le sud. C’est plus sécuritaire là-bas que dans une soirée karaoké », ajoute M. Bozon.
À l’heure où on se demande si on devrait aller aux pommes ou non, est-ce que les gens voyagent un peu en cachette? Y a-t-il un problème éthique à le faire? « Absolument pas », croit Fabrice Bozon, insistant sur la légalité de l’escapade. « Personne n’a à se sentir mal. Ce n’est pas une position anti-masque et il n’y a rien de honteux là-dedans », tranche le VP, dont l’agence envoie présentement beaucoup de Québécois à Cancún, où l’on peut s’offrir un quatre étoiles pour 5-600$.
Une option de télétravail
De son côté, le directeur stratégique de l’agence Voyages à Rabais admet qu’il y a une sorte de statement dans le fait de prendre l’avion en pleine pandémie. « On voit présentement beaucoup de couples de 35 à 55 ans, des gens responsables qui peuvent se permettre du télétravail en quarantaine au retour », explique Kim Villeneuve, qui affirme moins encourager les gens qui partent sur un coup de tête.
Pour freiner leurs ardeurs, son agence met à la disposition de chaque client une sorte de bible des mesures sanitaires à respecter pour chaque pays.
Kim Villeneuve remarque sinon un regain depuis que les voyagistes proposent des assurances COVID, facilitant le remboursement en cas d’annulation. « Nos activités ont repris à 10% environ, donc on a une vingtaine d’employés en poste au lieu des 200 habituels », illustre M. Villeneuve, qui rêve du retour d’un semblant de normalité au début 2021.
Il relève toutefois déjà un changement de mentalité chez sa clientèle, en lien notamment avec la popularité du télétravail durant la pandémie. « On remarque plus de séjours de longue durée et c’est un phénomène qui risque de rester. J’ai déjà des réservations pour des 30-45 jours l’an prochain. »
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« C’est vraiment un autre monde »
C’est justement le télétravail qui a amené Jean-François à s’installer deux semaines à Puerto Vallarta sur la côte pacifique mexicaine en affrontant d’autres sortes de vagues. « L’air est chaud et humide et il fait soleil tous les jours », raconte Jean-François, avant de m’envoyer une photo de son espace de travail mexicain. « Ce qui est marquant, c’est que tout se déroule comme si de rien n’était, c’est vraiment un autre monde », admet Jean-François, étonné de voir à quel point personne là-bas ou presque ne parle de la COVID. « Je garde mon masque, mais je suis souvent le seul. Il n’y a pas de bilan quotidien des autorités et les médias n’en parlent que dans une optique économique », explique Jean-François, qui considère avoir pris un risque calculé. « On prend notre température à l’entrée des bars et restaurants, mais il n’y a aucune distanciation », ajoute Jean-François, qui profite sinon du soleil au maximum. « Même s’il y a une espèce d’épée de Damoclès au-dessus de notre tête, ça fait du bien, ne serait-ce que pour la luminothérapie », tranche Jean-François.
«Tant qu’à pas voir ma famille…»
Robert Bélanger tient une petite auberge et offre des tours guidés à Playa del Carmen depuis maintenant onze ans.
Sans être devin, il s’attend à voir les snowbirds québécois débarquer massivement cette année, une tendance d’ailleurs en hausse depuis quelques années.
Et comme la pandémie empêche plusieurs retraités de voir leurs proches, les destinations soleil à long terme deviennent soudainement très attrayantes. « Il y a en ce moment une grosse demande de locations de condos pour les retraités qui peuvent se permettre la quarantaine au retour. Il y a justement un groupe de Québécois qui débarque en novembre pour quatre mois », raconte Robert Bélanger, un pompier à la retraite.
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Robert et sa blonde.
Il raconte avoir lui-même durement vécu son récent séjour au Québec, ce qui l’a conforté dans sa décision de retrouver le sable brûlant au plus sacrant. « Je ne pouvais pas voir mes enfants ni mes petits-enfants et comme je n’ai plus de maison, j’ai dû passer deux semaines dans une roulotte. Au Walmart, je me suis fait chicaner parce que je ne suivais pas les flèches. Je me sentais un intrus dans ma propre province », peste Robert. « Tant qu’à être confiné sans voir ta famille, aussi bien profiter des bars, restaurants et plages », résume-t-il, ajoutant que les règles sanitaires en place sont moins contraignantes. « La distanciation physique est importante, on prend la température dans les bars et restaurants, mais c’est vraiment la nuit et le jour avec le Québec. »
«Tant qu’à être confiné sans voir ta famille, aussi bien profiter des bars, restaurants et plages», résume-t-il.
Robert souligne que selon lui, les Mexicains prennent la COVID au sérieux, mais qu’ils en ont vu d’autres. « Le peuple mexicain en est un de résilience, qui a subi les conquêtes et les ouragans. Ils se disent que la propagation est moins pire dehors et ils sont toujours à l’extérieur. »
Vendre les Rocheuses
Mais il n’y a pas que les plages qui attirent les voyageurs pandémiques. Certains misent sur le tourisme local, constate Jean-Michel Gendron, le directeur de l’agence Gendron. « Les voyages de ski à Whistler, Banff, Lake Louise commencent déjà à se réserver. Les golfeurs étaient nombreux cet été à l’île de Victoria aussi, de même qu’à Niagara Falls », explique M. Gendron, ajoutant que son agence est partenaire du programme Explore Québec, offrant des rabais aux voyageurs optant pour des destinations d’un océan à l’autre. « Notre destination numéro 1 c’est les Îles de la Madeleine, même pour l’été prochain. On ne publicise pas encore les voyages à l’étranger », résume M. Gendron, dont l’agence fonctionne à 20% du roulement habituel.
Entre questionnements éthiques, respect des règles sanitaires et possibilité de s’évader, les photos de déplacements « non recommandés sans être interdits » sont-elles sur le point d’envahir nos fils IG?