.jpg)
Parler sans détour des ravages du sexisme et du racisme
Impertinent, révolté et lyrique, le recueil de poèmes mis sur pied par la journaliste Elisabeth Massicolli «Nos plumes comme des armes/Our words as weapons» aborde les thématiques du sexisme et du racisme. Dans ce projet bilingue et inclusif, les femmes ne s’excusent pas, elles tempêtent, dénoncent et s’indignent.
Parfois ce sont des cris de désespoir, parfois des cris du cœur optimistes.
C’est quelques heures après les attentats à la mosquée de Québec, qu’Elisabeth décide qu’elle se doit de faire autre chose qu’un souper spaghetti avec ses chums de filles pour panser les plaies et refaire le monde. Fâchée d’errer au sein d’une société patriarcale qui flirte avec la xénophobie, elle se part un groupe Facebook, ajoute une petite image, et lance un appel à contribution. Aussi simplement que ça! En trois jours, presque 400 femmes rejoignent le groupe et commencent à soumettre leurs mots et leurs dessins.
Au total, 35 textes et 20 illustrations ont été sélectionnés, et toutes les auteures de cet ouvrage collaboratif s’accordent sur une chose: elles sont tannées du climat actuel. «Il y a de la colère. Mais pas une colère violente. Parfois ce sont des cris de désespoir, parfois des cris du cœur optimistes».
La jeune femme qui n’a pas pour habitude d’être à la place de l’interviewée s’est confiée à moi sur son projet. Elle porte la fierté d’avoir réussi à pass the mic à des femmes issues des différentes minorités.
***
C’est ton idée au départ, mais as-tu été aidé pour l’élaboration de ce recueil?
Oui, j’en ai rapidement parlé à mes amies Théo Dupuis-Carbonneau, qui est journaliste, et Gabrielle Dumais, qui est traductrice et rédactrice, et elles ont immédiatement embarqué. Ce qui m’a touché c’est aussi qu’à la seconde où j’avais besoin de quelque chose, les filles du groupe étaient vraiment très réactives et solidaires dans les commentaires.
Lorsque j’ai dû choisir les textes, je me suis d’ailleurs dit «coudon je suis qui moi pour choisir ce qui est bon et pas bon?». Au début je voulais même choisir au hasard, mais j’ai laissé parler la démocratie et après avoir créé un sondage auprès des collaboratrices, la grande majorité était pour que je choisisse subjectivement.
Certaines femmes me confiaient ne jamais avoir écrit de poème, mais elles avaient vraiment envie d’essayer.
Pourquoi choisir la poésie comme moyen de se fâcher collectivement? Me semble que c’est une façon très douce, non?
Parce que c’est une manière d’exprimer des idées d’une façon moins violente et plus artistique qu’un texte d’opinion. Il en pleut des textes d’opinions au Québec, et pas toujours provenant des bonnes personnes! Certaines femmes me confiaient ne jamais avoir écrit de poème, mais elles avaient vraiment envie d’essayer. Selon moi, la poésie est plus inclusive, elle part du cœur, c’est beaucoup de liberté. Je voulais que les femmes s’expriment et ça a pogné!
Tu sembles avoir tout de suite pensé faire de ce recueil un projet féministe…
Je suis certaine que les hommes auraient eu des choses à dire… Mais les hommes on les entend partout! Cette fois-ci je me suis dit que ce serait la voix des femmes qu’on entendrait. C’est surtout elles qui subissent de plein fouet ce qui se passe. Y’a quand même une culture antiféministe qui plane, on le voit avec les Donald Trump de ce monde, puis là c’est assez, c’est notre bout de papier! Sans parler des femmes racisées, qu’on entend encore moins souvent.
Avais-tu donc en tête de publier un nombre précis d’auteures issues de minorités?
Oui, et c’est vraiment un processus très honnête depuis le départ. Moi je suis une femme blanche, Québécoise de souche, hétérosexuelle, cisgenre… j’ai pas mal pigé dans le sac des privilèges. Les premières dans le groupe Facebook, c’était des femmes qui me ressemblaient, et je me suis rendue compte à quel point on a du mal à sortir de notre réseau organique…
On devient toujours une meilleure féministe si on prend la peine d’écouter et de s’informer.
Mais je n’aurais pas publié le recueil s’il n’y avait pas eu au moins 60% de femmes issues de minorités qui écrivaient ou illustraient.
Je n’avais pas envie qu’une gang de jeunes blanches viennent dire «hey c’est dont plate le racisme!». On ne peut pas parler de xénophobie lorsqu’on n’en vivra jamais… On s’entend que dans le climat actuel c’est eux qui l’ont rough. On devient toujours une meilleure féministe si on prend la peine d’écouter et de s’informer.
***
Ce qu’Elisabeth pensait devenir un zine broché rapidement dans son salon, s’apprête à bientôt voir le jour et sera tiré à 900 exemplaires (avec une jolie couverture, même pas brochée vite fait mal fait en plus!). Les profits issus de la vente des recueils seront reversés à trois associations luttant contre l’intolérance: HELEM Montréal, Actions Réfugiés Montréal et le Centre Multiethnique de Québec.
Une soirée de lancement est prévue le 14 juin à partir de 17h à l’Appartement 200.
On vous dévoile quelques extraits de poèmes en primeur pour patienter d’ici là!
***
Tour de peau d’ivoire
Par Myriam Daigneault-Roy
Écran de mensonges.
Vomis chez Radio X.
Facebook régurgite.
Des petits mottons tout blancs.
On avale.
Les zombies sont blêmes.
Mon «peuple».
Leurs mots comme des tanks.
Ils ne voient rien.
Du haut de leurs tours.
Les crisser en bas.
Pour cesser la haine.
Mon peuple, c’est nous.
***
La politique de nos corps (extrait)
Par L’Ange Noir
Je n’étais qu’une fillette lorsque j’ai pris conscience
Que le privé est politique
Que mon corps est politique
Que mon corps racisé est politique
Qu’il était à la fois source de dégoût et de curiosité malsaine
Qu’il était à la fois méprisé et scruté de manière hautaine
L’ambivalence et l’hésitation des hommes qui s’aventurent en terrain inconnu
Tout ça, je le sais, pour moi c’est du déjà vu.
Pour lire un autre texte de Claire-Marine Beha: «Photographier les montréalais dans leur habitat naturel».
.jpg)
.jpg)
.jpg)
.jpg)
.jpg)
.jpg)