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Parler aux abeilles pour assurer notre souveraineté alimentaire
Bien que très peu célébrée, la Journée mondiale des abeilles s’est bel et bien déroulée hier, comme tous les 20 mai depuis deux ans.
Vu les circonstances, on en a profité pour prendre des nouvelles de Marc-André Roberge, cofondateur et PDG de l’entreprise Nectar, une start-up montréalaise qui s’est donné la mission d’aider les apiculteurs à élever des abeilles saines et productives pour sécuriser notre système alimentaire à l’aide de la technologie.
Un capteur développé par Nectar permet en effet de «parler» aux abeilles afin de récolter des informations sur ce qui se passe à l’intérieur d’une ruche. Que ce soit la température, le taux d’humidité, les tendances de population et, bien évidemment, l’état de santé des abeilles.
Et à l’heure où l’autonomie alimentaire est au goût du jour et où l’on repense l’agriculture, on s’est demandé comment se portent nos abeilles et les acteurs du monde apicole?
Une crise dans la crise
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«Le monde des abeilles en soi est en crise depuis à peu près 15 ans», m’explique d’entrée de jeu Marc-André, lorsque je le questionne sur l’état des abeilles. Une question évidente à laquelle il est visiblement habitué de répondre.
L’ONU rappelle d’ailleurs que le taux d’extinction des pollinisateurs est 100 à 1000 fois plus élevé que la normale.
Les trois quarts de la production mondiale de fruits ou de graines qu’on mange est rendue possible grâce aux pollinisateurs. Panier bleu? Panier bzzz-bzzz, surtout.
À l’heure où l’on parle de souveraineté et de sécurité alimentaire, c’est pertinent de rappeler que près d’un tiers de la production agricole mondiale dépend de pollinisateurs comme les abeilles. Sans compter que les trois quarts de la production mondiale de fruits ou de graines qu’on mange est rendue possible grâce aux pollinisateurs. Panier bleu? Panier bzzz-bzzz, surtout.
Une écoute plus attentive
«La situation actuelle met en lumière la fragilité du système alimentaire qui, lui, dépend beaucoup soit de joueurs externes, voire des travailleurs temporaires, mais aussi notre dépendance aux produits chimiques et aux intrants artificiels qui nous permettent de faire pousser nos cultures», m’explique Marc-André.
«On gagnerait davantage à avoir des écosystèmes qui ont une plus grande biodiversité, qui se régularisent de manière autonome, sans nécessairement avoir besoin d’utiliser beaucoup d’intrants dont l’approvisionnement a été fragilisé par la crise de la COVID, justement», ajoute-t-il.
Mais la crise aura au moins permis de ramener l’agriculture et l’alimentation au top de la liste de priorités. Et on sent une certaine prise de conscience.
«On commence à voir les choses bouger auprès de ceux qui prennent des décisions en amont, que ce soit au niveau des différents paliers gouvernementaux que des plus grandes corporations. Je pense que tout le monde est plus à l ’écoute par rapport au fait d’investir dans la résilience de notre chaîne alimentaire puis nos sources d’alimentation.»
Survivre à la crise
Une bonne nouvelle pour Nectar, qui estime pouvoir contribuer à renforcer le maillon abeille de notre chaîne d’approvisionnement… même si la crise a aussi touché l’entreprise.
Les fermetures d’usines en Chine au début de la crise ont eu pour effet de retarder l’arrivée des composantes électroniques des capteurs de l’entreprise. Plus tard, ce fut au tour des usines d’assemblages de la province de fermer. Outre l’aspect matériel qui en prend un coup pour Nectar, le déploiement des produits est aussi impacté.
«Aujourd’hui, l’enjeu est de pouvoir desservir les apiculteurs qui sont situés en Californie ou dans l’Ouest canadien. Avec les restrictions entourant les voyages et nos frontières qui sont fermées, ça nous empêche d’aller à la rencontre de nos clients pour bien les soutenir», m’explique Marc-André.
Malgré tout, l’équipe reste positive et envisage les prochains mois avec aplomb. L’équipe travaille activement sur la recherche et le développement de leur capteur afin de continuer d’améliorer les données recueillies sur la santé des abeilles. Les déploiements internationaux devront attendre pour la start-up, mais l’équipe garde le moral sachant qu’ils peuvent aider les apiculteurs et l’agriculture à l’échelle de la province et du pays.
«D’investir en autonomie alimentaire grâce à la technologie, puis en autonomie alimentaire grâce à la biodiversité, je pense que c’est le chemin d’avenir pour assurer une bonne souveraineté alimentaire au Canada et au Québec», conclut l’entrepreneur.
Nectar faisait partie des 50 Québécois qui créent l’extraordinaire pour notre édition 2018 de notre Spécial Extraordinaires. 2018 fut une grosse année pour les abeilles. Comme quoi tout est dans tout.