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Dulce de Leche, c’est le nom d’une chanson de l’album Sous les étoiles de Tryo. Pour le percussionniste du groupe, Daniel Bravo, né à Santiago du Chili en 1973, en plein coup d’état, cette pièce est plus qu’un hommage au pot de caramel en vente chez Provigo. De passage au Québec, il nous raconte l’histoire de sa chanson.
« Dulce de Leche est une chanson qui me tient particulièrement à cœur. C’est Christophe Mali (chanteur et musicien de Tryo) qui l’a écrite, à propos de mon exil du Chili. C’était un cadeau de sa part. Quand je l’ai reçu, j’ai été très ému. Cette chanson m’émeut toujours d’ailleurs, parce qu’elle parle de mon enfance.
Pour l’écrire, il s’est inspiré des conversations que j’ai eues avec lui sur mon exil.
Souvent, je lui parlais de mes souvenirs, comme le dulce de leche, la fameuse confiture de lait. Faut dire que j’ai peu de souvenirs du Chili : j’étais jeune quand j’ai vu mes premières manifestations et mes premiers actes de répression. Ce que je connais du pays, je l’ai surtout découvert à travers mes grands frères.
Quand ma famille et moi avons quitté le pays, ça été dur. C’est là que la vraie rupture s’est produite. On a tout laissé derrière et on a vendu tout ce que nous avions pour déménager en France. Il y a deux de mes six frères qui sont restés au Chili.
J’avais neuf ans quand je suis arrivé en France. Mon adaptation n’a pas été évidente. J’habitais à Bobigny en banlieue de Paris, je ne parlais pas français et je ne me sentais pas vraiment à ma place. Avec le recul, je peux dire que cette expérience a forgé mon caractère et que j’ai trouvé ma place au fur et à mesure. Aujourd’hui, je suis à la fois du Chili et de la France.
Cette histoire ressemble à celle de beaucoup d’autres immigrants. C’est pourquoi le but de la chanson Dulce de Leche n’est pas forcément de parler de moi, mais de parler des sans-papier et des problèmes qu’ils peuvent rencontrer. Lorsqu’on l’a enregistrée en studio, on a fait appel à Vincent Ségal, un violoncelliste qui a collaboré avec Sting. Il a eu la bonne idée de faire appel au trompettiste Ibrahim Maalouf.
Le printemps dernier, on est allé jouer en Amérique du sud et on a terminé la tourné au Chili. C’était un retour à la maison après 27 ans, un retour chez moi, l’aboutissement d’un vieux rêve. Ça a été un moment très fort en émotions. On ne s’attendait pas à avoir un tel accueil : les salles étaient complètes partout. Le public chantait les chansons, il y avait beaucoup d’amour. On a joué Dulce de Leche. Les gens de là-bas connaissaient et comprenaient les paroles. Chaque mot prenait encore plus de sens.
En terminant la tournée à Santiago, on l’a chanté devant mes parents qui sont retournés vivre au Chili depuis.
La boucle était enfin bouclée. »