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Paris Podcast Festival : nos coups de coeur franco-québécois
J’écris ces lignes l’air hagard, le regard vide et l’œil aussi vitreux que celui d’une morue un dimanche au marché. Une intraveineuse relie ma Bialetti à mon organisme abimé de trop d’excès, sur fond de Rage Against the Machine pour la pseudo-stimulation cardio-cérébrale. Je me sens comme Charles Bukowski, pâteuse, à la seule exception que le whisky et les Marlboro Lights n’ont rien à voir ici.
Non, je n’ai pas péché… j’ai bindge-watché. Enfin, bindge-listené si je peux dire, puisque ce sont bel et bien des podcasts qui m’ont tenue réveillée. Je vois votre tête : moi non plus, je ne croyais pas ça possible.
Le Paris Podcast Festival (PPF) s’installe à la Gaité lyrique du 20 au 23 octobre, avec comme particularité d’accueillir comme pays invité ce Canada qu’on aime tant (preuve en est des affiches ventant le pays à coup de traineaux à chien dans le métro parisien). En professionnelle que je suis, j’ai étudié mon sujet en plongeant oreille première dans quelques propositions de ce festival qui présente ici sa 5e édition.
Un peu de contexte quand même, avant de raconter mes écarts auditifs, sur ce rendez-vous renouvelé qui témoigne d’un intérêt du podcast dont la popularité mondiale explose (420 millions de podcasteux et podcasteuses en 2022 contre 275 millions en 2019*).
Si la première édition avait particulièrement résonné auprès des avisé.e.s, ce rendez-vous automnal s’est démocratisé, attirant, en plus des early adopters, médias, curieux.euses et familles. Car oui, le podcast jeunesse existe… Parents, vous voici informés!
À propos de parents, j’ai discuté avec Thibaut de Saint-Maurice, « écouteur » de podcast avéré et directeur du Festival.
Pluralité de l’offre
Lorsque je demande à Thibault pourquoi le Paris Podcast Festival a été créé à la base, il m’explique que c’était « pour partager cette passion et cette culture de l’écoute, tout simplement ».
« Ce format festival permet les rencontres entre le grand public et les créateurs, en plus d’attirer l’attention sur des propositions où les gens ne vont pas spontanément, poursuit-il. Le grand problème du podcast natif, c’est d’arriver à trouver son public. La qualité et la création y sont, mais pour beaucoup, le seul problème, c’est d’arriver à savoir quoi écouter et comment l’écouter. »
Ainsi, je ne suis pas seule à me perdre dans les méandres qui mènent à la touche « play ». La pluralité de l’offre combinée à la fragmentation des plateformes de diffusion représente un réel enjeu pour trouver son podcast. S’ajoute, comme me le fait remarquer Thibaut, la rareté en matière de journalistes et de critiques qui recommandent tel ou tel podcast, comme c’est le cas en cinéma, littérature ou série télé. Soulagement : il est normal de se sentir, devant l’offre, aussi paumé.e que devant les yaourts chez Carrefour.
Tel un phare dans la nuit, le Paris Podcast Festival a ainsi une mission éducative et informative pour nous aider à trouver notre voix. Mais pas que, puisque l’engouement du médium se traduit forcément dans l’offre à disposition, que je pourrais traduire par : « Pars-toi un podcast. »
Simplicité technique, besoin de s’exprimer, facilité de diffusion : l’idée de créer son propre podcast en titille plus d’un.e. Évitez les 30 300 000 résultats de Google à la question « Comment créer son podcast » et passez une tête au festival pour recueillir les trucs du métier de vrais routiers. Classes de maîtres ou ateliers sur les stratégies éditoriales, les nouveaux formats, ou l’art du pitch : les béabas sont là pour permettre à quiconque de se lancer en étant bien outillé.e.
Et le Canada dans tout ça?
Chaque année depuis 2018, le Festival propose une compétition ouverte à tous et à toutes où s’opposent des créations qui concourent dans huit catégories : Docu, Jeunesse, Fiction, etc. – dont la catégorie Francophone.
« Nous étions intéressés par la manière dont le podcast, probablement plus que n’importe quel média, unit par la langue, indique Thibault de Saint-Maurice. On peut écouter des podcasts francophones de Tunisie, de Suisse, du Sénégal. L’idée est donc d’inviter des oreilles françaises à écouter des podcast québécois ou canadiens, et ainsi favoriser les échanges. Le Canada est également le voisin des États-Unis, pays le plus avancé en matière de podcast. Le phénomène du true crime, c’est eux. Nous sommes intéressés à ce que le Canada nous raconte comment faire des podcasts avec d’un côté un voisin difficile à détrôner, et de l’autre, l’Europe, avec un modèle alternatif. »
Thibault me confie aussi que la façon dont le podcast est utilisé pour faire entendre les voix des populations autochtones, sorte de reconnaissance pour cette population, a également attiré leur attention. Ainsi le Canada sera présent par quelques créations à découvrir, mais également par ses productrices et producteurs venus causer « métier ».
C’est ici où j’ai perdu pied. Curieuse de découvrir ces créations canadiennes, j’avais pour (naïve) intention de me lancer dans l’écoute d’un ou deux épisodes en mode « je couvre mon sujet juste assez ». Et voici ce qui s’est passé.
Le Village : meurtres, combats et fierté (Québec)
J’ai candidement lancé Le Village en direct du tapis roulant au gym. Bonne nouvelle pour moi puisque j’y ai fait péter le nombre de calories brulées, trop absorbée que j‘étais par ce récit à la croisée de l’enquête policière, du docu historique et de l ’analyse sociale.
En racontant la série de meurtres – 17 – qui a frappé exclusivement des hommes gais dans les années 90, archives et témoignages nous replongent dans ce Québec de l’époque qui me semble – heureusement – à des années-lumière de la réalité actuelle.
Émergence du sida, crise d’Oka, escouade de la moralité, fêtes clandestines ou secrets de familles, l’homosexualité de l’époque y est racontée sans filtre, par le beau et le laid, par ceux qui y étaient, et par un prisme tout aussi dérangeant qu’émouvant. On rit, on pleure, on hait. On appuie surtout sur « prochain épisode » pour tenter de comprendre l’incompréhensible.
Mentions spéciales au travail de recherche – colossal – et aux accents présents, si représentatifs de ce Québec bicéphale –pardon – bilingue. Les sept épisodes se dévorent le temps d’un gym, d’une sauce à spag et d’un début de casse-tête 1000 pièces.
SynthèseS 3 – Le cas Catherine Daviaut (Québec)
J’ai commencé Synthèses alors que je terminais le pourtour de mon puzzle 1000 pièces vers 19 h… pour finalement retrouver mon lit, et mon fiancé courroucé d’être abandonné, vers 3 h du matin. Les saisons 1 et 3 y sont passées. J’ai bien terminé mon puzzle, mais c’est le cœur au bord des lèvres que je me suis blottie en boule sur le fiancé.
Pour cause, Synthèse rouvre les dossiers de réels féminicides de Québécoises non élucidés (Louise Chaput – 2001, Valérie Leblanc – 2011, Catherine Daviaut – 2008) avec profusion de détails glauques auxquels nous, public, sommes rarement exposés. À la manière d’une enquête indépendante, les animateurs-inspecteurs interrogent avec pudeur ou aplomb ces policiers, familles et témoins oubliés dans l’espoir que le temps délie les langues ou révèle de nouveaux éléments.
À l’instar des saisons 1 et 2 portées par Julien Morissette et Steven Boivin, le cas Catherine Daviaut – 3e de la série – est piloté par la réalisatrice Maude Pétel-Légaré et la journaliste Claudia Larochelle. Anecdote : cette dernière habitait la même rue que la victime. Comme le titre le 6e épisode, Catherine Daviaut, c’est toutes les femmes. À écouter les portes fermées.
1 euro la minute (France)
Mon appétit de true crime généreusement sustenté par ces deux découvertes québécoises, j’eus envie d’un peu de légèreté en ce lendemain de petite nuit. Sans hésiter, j’ai craqué pour 1 euro la minute, qui fait tant fait jaser depuis son lancement estival. Peut-être parce qu’il y est question de sexe?
Le pitch : Juliette, quarantenaire, fait le bilan de sa vie. Boulot de m*rde (animatrice de supermarché), mariée depuis 20 ans (une petite cuillère tous les dimanches matins, c’est elle qui le dit) et deux gosses (pardon, trois, elle oublie toujours le dernier non désiré), elle a pour ainsi dire envie d’autre chose. Tout bascule lorsqu’elle accepte la proposition incongrue de faire dans le téléphone rose, ces lignes érotiques qui donnent du bon temps. Du bonbon drôle et joué si justement qu’on s’y croirait. Peut-être parce que pas si loin de certaines réalités.
Eh oui, trois suggestions SEULEMENT sur la pléthore à découvrir au Paris Podcast Festival. Juste assez pour vous donner envie de continuer par vous-même…
On va au PPF pour étoffer sa playlist, assister à des enregistrements en direct, et pourquoi pas se lancer! La programmation est ici et ça débute ce jeudi 20 octobre à la Gaité lyrique à Paris, jusqu’au dimanche 23 octobre. Foncez.
Pour en savoir plus…
PODCAST NATIF : À la différence du podcast de radio qui permet de rattraper une émission que l’on n’a pas pu écouter lors de sa diffusion, un podcast natif est un contenu sonore conçu, produit et diffusé exclusivement en ligne et auquel chacun.e peut accéder grâce à une application quand il ou elle le souhaite. Quand on écoute un podcast natif, on écoute ce que l’on n’entend pas à la radio : des voix, des histoires et des conversations qui sont de nouvelles manières de raconter le monde et de captiver l’attention.
TRUE CRIME : Le true crime (littéralement la « criminalité réelle », les « histoires criminelles vraies »), est un genre de documentaire originaire des États-Unis. Initialement littéraire, ce genre est aujourd’hui largement diffusé à la tél évision, au cinéma et en baladodiffusion. Il vise à dépeindre la réalité des crimes et des criminel.le.s qui ont réellement existé.
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Ce texte a d’abord été publié sur urbania.fr
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