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On peut dire que l’Américain Adam Colton voyage à hauteur de rue : il pratique le skate longue distance et a roulé tant sur les crêtes de la Cordillère des Andes que sur les routes du Maroc, de la Nouvelle-Zélande et de la Patagonie. Il nous donne ici les grandes lignes (sinueuses et en altitude) de son voyage au Tibet.
Ce texte est extrait du Spécial RUE, en kiosque dès maintenant ou disponible en version PDF sur la Boutique Urbania
Je suis parti sur les chapeaux de roue après un vol de 25 heures de Los Angeles à Xining, en Chine, qui se trouve à une altitude d’environ 2 135 mètres. J’étais scrap, et je savais que le voyage allait être long et difficile. C’était comme se réveiller après une nuit blanche, sauter du lit et se lancer dans un marathon sans s’être entraîné ni même échauffé.
Le premier jour, à la sortie de l’avion, j’ai embarqué sur ma planche. Et là, le choc! Les gros camions, les gaz d’échappement et les routes sinueuses à escalader ont mis mes poumons à rude épreuve. À la fin de la journée, j’étais tellement fatigué que j’ai trouvé refuge à l’abri des regards en installant ma tente dans un caniveau, sur le côté de la route. Quand tu es fatigué et que tu veux dormir, même les caniveaux sont confortables.
La nuit est tombée, mon assurance aussi. Et je me les gelais! Quel cave j’ai été d’oublier mon sac de couchage. Chaque soir, je devais enfiler tous mes vêtements, et je ne pouvais dormir que sur le côté et le ventre afin de garder le plus de chaleur corporelle possible. Quand même pas si cave que ça, j’avais mis tous les sacs étanches, pochettes et autre tissu disponible que j’avais sous moi, espérant que ça m’apporte de la chaleur, ou au moins un peu de réconfort.
Chaque matin, je me réveillais dans une tente qui ressemblait à un cube de glace, ma respiration nocturne s’étant matérialisée en frost sur les parois. Attendre qu’une tente congelée dégèle, ça prend trop de temps, mais plier un cube de glace, ça fait très mal aux doigts. Un moment que je redoutais quotidiennement. Encore fallait-il trouver une technique pour faire sécher la tente avant la tombée de la nuit suivante…
Pout pout, câlisse
Mais je progressais. Sauf que plus j’avançais dans les montagnes, plus les klaxons incessants m’agressaient.
Ici, les mœurs au volant sont différentes de celles en Amérique: si tu es en voiture et que tu dépasses une personne sur la route, admettons un planchiste – je donne un exemple au hasard –, tu le klaxonnes, c’est la façon de faire. Faut dire que les automobilistes conduisent comme des malades et s’ils ne klaxonnaient pas, les gens se feraient frapper sans arrêt.
Certains jours, les klaxons redoublaient de vigueur, à un point tel que je me disais parfois: « Oh boy, ce gars-là est vraiment pas content », je levais la tête et je voyais le conducteur me sourire et me faire un signe de la main en passant à côté de moi (et en me déchirant les tympans au passage). Une semi-remorque qui te klaxonne directement dans les oreilles peut suffire à te donner envie de casser des gueules, surtout quand tu es de mauvaise humeur.
Pour moi, l’essentiel en skate longue distance, c’est d’oublier que je suis en train de faire du skate longue distance – go figure! Ça aide de ne pas être conscient que tu roules sur une planche de bois pas très solide, à une vitesse de marche, avec un sac à dos sur les épaules, sur une très haute montagne, avec des voitures qui te frôlent de très près.
Pourquoi ne pas se laisser aller à penser à des choses plus agréables comme ta blonde, à quel point tu pouvais être cave au secondaire ou rêver de ta future famille et à la manière dont tu élèverais tes enfants?
Or le problème, c’est que tous ces coups de klaxon m’empêchaient de faire le vide. Je ne pouvais jamais rester dans the zone bien longtemps, car j’étais toujours tiré de ma bulle par un klaxon qui me hurlait dans les oreilles. Ça me mettait en colère pendant un moment, mais je me disais : « Relaxe, Adam, reste zen… » et… un autre klaxon prenait le relais. C’était sans fin. En y repensant, je me suis même demandé pourquoi je n’étais pas devenu complètement fou
… ou peut-être que je le suis devenu?!
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Traduction: Chloé Gire
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