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Par courriel ou téléphone svp, je n’ai pas de fax

Par
Jean-Martin Aussant
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Mais qu’y a-t-il de si compliqué à ce que les partis dits souverainistes se parlent? A-t-on besoin de tant d’intermédiaires, de rassemblements d’intermédiaires et de regroupements de rassemblements d’intermédiaires?

On serait porté à croire ces temps-ci que tous les partis souverainistes ont débranché leur ligne téléphonique et déconnecté leur courriel, si bien qu’il faille que des personnes prennent l’initiative de les faire se parler entre eux. Et quand je dis initiative, je veux dire une de plus. Cela fait plus d’un an que moult collectifs tentent de faire démarrer le dialogue entre les partis qui visent officiellement à faire du Québec un pays en bonne et due forme.

Pourquoi la démarche n’a-t-elle toujours pas fonctionné? Parce que jusqu’au 4 septembre dernier, un certain parti pensait pouvoir être majoritaire sans parler aux autres. Cessons fariboles et billevesées, il n’y a pas d’autres raisons que celle-là. Est-ce que les nouvelles démarches mèneront plus loin maintenant que notre détestable système électoral a prouvé à nouveau son archaïsme? Je le souhaite sincèrement pour la cause que ces partis prétendent soutenir.

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La multiplication de mouvements et de regroupements peut être positive en soi, en ce qu’elle implique des citoyens qui veulent que ça bouge (faisons ici l’hypothèse que ces mouvements ne rassemblent pas toujours les mêmes citoyens). Même la multiplication des mouvements souverainistes n’est pas une mauvaise chose. En fait, s’il y avait un mouvement souverainiste pour chaque électeur au Québec, j’en serais ravi puisque le OUI passerait à 100%. Mais revenons dans le monde des vivants. Ce sont d’abord et avant tout les partis qui devront se parler et je pense qu’ils sont déjà bien au fait de la situation politique qui prévaut actuellement.

Tout le monde a le numéro de tout le monde. Le problème que plusieurs de ces regroupements visent à régler ne sera réellement pris de front que le jour où la chefferie d’un des partis prendra son téléphone et appellera la chefferie des autres partis. Je vous laisse le soin de déterminer quelle chefferie doit soulever le combiné. Et des discussions avec intermédiaires sont moins efficaces. Pourquoi préférer entendre la traduction d’une tierce partie plutôt que le discours direct de son interlocuteur véritable?

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Autant j’admire et remercie les citoyens qui s’impliquent dans des mouvements non partisans, ce sont les partis politiques qui mettent des faces sur des poteaux, qui sont élus et qui occupent ensuite l’Assemblée nationale où tout se décide. Les mouvements citoyens sont nécessaires à la vitalité d’une démocratie mais le pouvoir est exercé par les partis politiques en place. Le dialogue direct entre ces partis sera la seule façon de faire avancer quoi que ce soit. Du moins si on veut que ça bouge bientôt.

Pendant ce temps chez les fédéralistes, on ne semble pas avoir ce problème. Personne parmi les observateurs politiques ne souligne qu’il faudrait bien que le PLQ et la CAQADQ se parlent pour éviter de diviser leur vote. Avouons que le fédéralisme n’est pas une cause au même titre que l’accession d’un peuple à sa pleine souveraineté. Dans certains cas, comme chez nous, c’est même précisément l’inverse. Quoi qu’ils proposent et promettent, ces partis fédéralistes ne peuvent pas faire d’une idée quelconque la base de leur plateforme tant qu’on n’a pas les moyens de décider nous-mêmes de notre avenir. C’est aussi futile que de discuter d’un port qu’on veut atteindre sans se préoccuper d’acquérir un bateau.

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Et sur ce plan, on ne peut pas être d’abord une alternative de gestion provinciale et ensuite un parti souverainiste. Il faut être élu pour faire la souveraineté, sinon elle ne se fera pas. Le premier ministre Bernard Landry répétait hier encore que c’est extrêmement prenant d’être au pouvoir. Je ne l’ai pas connu directement ce pouvoir, mais je ne peux qu’abonder dans son sens avec ce que j’en ai observé de près. Quand on est envahi par la gestion quotidienne de l’État, on n’a plus le temps de penser à démarrer un immense projet comme celui de faire un pays. Il faut arriver au pouvoir avec les idées déjà bien en place et un mandat clair obtenu au cours d’une campagne tout aussi claire.

C’est la différence fondamentale entre les trois partis qui se disent souverainistes. Si on peut les croire dans leur souhait que le Québec soit un jour un pays, force est de constater que le calcul électoraliste ponctuel prend trop souvent l’avant-plan au détriment de la cause elle-même. Ce n’est pas être un pressé irréfléchi que de vouloir mettre la souveraineté de l’avant et dire qu’il faut la faire maintenant. Allez dire aux pays souverains que vous comptez leur enlever leur souveraineté, ne serait-ce que l’espace d’une semaine, et vous verrez à leur fin de non recevoir à quel point ils chérissent leur liberté de choisir.

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Une fois qu’on a conclu que le Québec doit être un pays, on n’est pas un pressé ou un pas pressé. Rien ne sert de courir il faut partir à point, dit-on. Certaines personnes partent à point en courant. Ça mène encore plus loin.

Mon téléphone est à ON (sans jeu de mots).