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Papa, c’est quoi Facebook?

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Ma fille aura six ans dans quelques mois. Elle fait partie de cette nouvelle génération dont l’entièreté de l’existence se fond à celle de Facebook.

La génération Zuckerberg — ou les Z peut-être?

Facebook et les médias sociaux font partie de sa vie, mais en périphérie seulement. Elle y existe parce que je le veux bien. Des photos d’elle s’y trouvent depuis le jour 1 de sa vie, une réalité qui, décontextualisée, est un brin effrayante. Documenter la venue au monde d’un enfant est quelque chose d’impensable pour nos parents. À part un petit trophée plaqué or cheapette avec le poids, le nom et l’heure de naissance, on limitait pas mal l’histoire de la naissance à un album photo qu’on sortait à Noël.

De nos jours, l’existence est numérique, voire virtuelle.

C’est dans l’ère du temps, elle utilisera les médias sociaux de son plein gré plus tôt que tard. La question à venir est inévitable.

“Papa, c’est quoi Facebook?”

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Au quotidien, j’utilise la raison d’être des choses pour les justifier. Par exemple, elle doit bien s’essuyer les fesses pour que ça reste propre et pour ne pas que ça pique. Elle doit se brosser les dents et bien se laver pour chasser les microbes, manger pour donner de l’énergie à son corps et ainsi de suite.

La réponse est dans le bien-fondé des choses. Avec Facebook et les médias sociaux… c’est différent.

“Facebook, c’est une façon de rester en contact avec tes amis.”

“Facebook, c’est une façon d’espionner à distance une personne que tu veux voir nue dans la même pièce que toi.”

“Facebook, c’est une façon de te projeter dans le regard de l’autre en contrôlant le message, la perception. Être en tant qu’être version iPhone.”

“Facebook, c’est pour jouer à Candy Crush en te vendant des frites pis des gogosses.”

“Facebook c’est l’Big Brother d’Orwell — non pas la télé-réalité avec du monde en costume de bain — l’affaire qui sait tout de toi tout le temps.”

J’ai des dizaines de tentatives de réponses à la question et elles ne sont que des fragments de la réalité.

Dans ma logique d’expliquer les choses par leur utilité, Facebook et les médias sociaux tombent dans une crevasse.

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Qu’ossa donne l’hyperproximité avec des étrangers? Connaître la vie d’une personne que tu ne reconnaîtrais pas dans la rue? Se projeter dans la vie des autres en boxer sur son divan avec une main dans les culottes?

Le Qu’ossa donne est omniprésent parce qu’il freine la réponse, la justification, le bien-fondé.

“Papa, c’est quoi Facebook?”

“C’est ton pire ennemi à cause des morons qui t’enverront des photos de leur pénis sans que tu l’demandes et c’est aussi ton meilleur ami parce que tu pourras y rencontrer des personnes dont tu auras envie de voir leurs parties génitales en photos.”

Parce que c’est une belle chose Facebook même si elle est utilisée par des idiots. Beaucoup d’idiots. Un océan d’idiots à la remarque raciste et à l’intolérance débordante au bout des doigts.

Le Facebook que ma fille connaîtra sera aussi ça — la voix du changement, de la différence, mais aussi de l’indifférence et de la violence.

Une voix, plusieurs voix, toutes les voix à la fois.

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On manquerait quelque chose de toutes les éteindre les voix, même si certaines d’entre elles sont particulièrement insignifiantes. Pour laisser rentrer le beau, faut s’attendre à ce qu’un peu de boue suive.

Il est là mon dilemme. Je ne pourrais jamais détester Facebook et les médias sociaux parce qu’à la base c’était une belle chose, une initiative populaire. Avant que les marques, les industries et les pubs croquent dedans, c’était une chouette façon de rencontrer des humains avec les mêmes intérêts que toi.

“Papa, c’est quoi les médias sociaux?”

“C’est là où papa et maman se sont rencontrés. Sans ça, tu ne serais peut-être pas ici mon amour.”

Un jour, ma fille utilisera Facebook. Elle rencontrera peut-être la personne avec qui elle partagera sa vie. Ce n’est sûrement pas la réponse qu’elle souhaite, beaucoup de suppositions, mais c’est le mieux que je peux faire.

“Facebook c’est la vie dans laquelle tu es venue au monde, pour le meilleur et pour le pire.”

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