.jpg)
Le Festival du Grilled Cheese bat son plein partout au Québec, jusqu’au 8 mai prochain. N’écoutant que mon estomac (et les consignes de ma rédactrice en chef), j’ai fait fi de mon cholestérol et me suis sacrifié pour sillonner les restos des environs, à la recherche du Saint-Graal du fromage fondant.
Il faut bien se l’avouer, le grilled cheese trône au sommet de la pyramide du comfort food, en compagnie de la poutine, du pâté chinois et des sauces à spag de nos mères.
Mais s’il est difficile d’imaginer un plus triste repas qu’un triste ordre de toast au fromage jaune, comment expliquer que le grilled cheese laisse au palais un souvenir aussi impérissable?
On prend rarement le temps de réfléchir aux éléments constitutifs du grilled cheese, à sa quintessence. Qu’est-ce qui différencie le grilled cheese de ses parents pauvres, les toasts au fromage?
D’abord, le fait que le fromage soit fondu. Souvent, un fromage ordinaire — pour ne pas dire infect — s’approchera du délice en fondant.
Ensuite, le bon grilled cheese sait être croustillant, sans être sec, grâce au corps gras appliqué avant de le faire griller. En plus de rehausser la saveur du pain, le beurre appliqué à l’extérieur crée une savoureuse croûte laquée vaguement salée rehaussant également sa texture, au point d’entendre à l’intérieur de soi un “crounch” délicat à chaque bouchée. Voilà pourquoi il est conseillé d’étendre le corps gras à l’extérieur du pain et non à l’intérieur avant de le faire griller.
En plus du positionnement du corps gras, il existe d’autres controverses agitant l’univers du grilled cheese. Par exemple, certains abonnés absents du bon goût y ajoutent de la mayonnaise, diluant ainsi le goût et la texture du fromage fondant (une très mauvaise idée).
Une autre question d’intérêt sera celle de savoir si on doit prendre du pain brun ou du pain blanc. Il n’existe pas de bonne réponse à cette question; puisque même un mélange de Singles Kraft fondu et de pain tranché Weston blanc grillé pourra atteindre l’excellence, à condition d’être préparé dans les règles de l’art. Ça dépendra de l’humeur du moment. Une chose est certaine, il faut vraiment bouder son plaisir pour snober la simplicité réconfortante d’un sandwich à base de pain Weston grillé et de fromage jaune-orange salé.
Ça ne veut pas dire qu’il faille non plus dédaigner les sandwichs grillés sur pain intégral ou multigrains de boulangerie fancé au Gouda fumé ou au fromage Amsterdam saupoudré de grains de poivre fraichement moulus. Nenon, ça veut juste dire qu’il y a un temps pour chaque chose.
Un autre débat qui revient souvent est de savoir si le grilled cheese doit être aplati pendant la cuisson. Encore là, il n’existe pas de bonne réponse à cette question. Ça dépendra d’abord du pain utilisé. Si on emploie un pain de type commercial, il est recommandé d’écraser le grilled cheese le plus possible; ce qui conférera la texture optimale au sandwich.
Par contre, si on préfère un pain épais à la miche moelleuse, il pourra être intéressant de le griller sans l’aplatir, afin de susciter un contraste de texture à chaque bouchée entre l’extérieur croquant et l’intérieur moelleux. Également, les grilled cheese pimpés à l’aide de viandes et de condiments peuvent être plus difficiles à aplatir sans que l’enveloppe extérieure du pain ne s’endommage. Sur cette question, il faut donc privilégier une approche individuelle; chaque grilled cheese étant unique.
Voilà pour la théorie du grilled cheese.
Passons maintenant aux choses pratiques avec un compte-rendu de certains plats offert à l’occasion du Festival du grilled cheese :
Les brasseurs de Montréal
J’ai débuté mon marathon de dégustation de grilled cheese au resto-pub Brasseur de Montréal, dans Griffintown, dimanche soir dernier. Il offre un grilled cheese appelé Le poire caramel, garni de poires caramélisées à la bière Rebelle (brassée sur place), porc braisé et fromage Raclette Oka, sur pain à l’érable.
.jpg)
Ce grilled cheese atteint un équilibre délicat puisque l’équipe des cuisines du Brasseur a réussi à le pimper, sans le dénaturer. Bien que le concept de cuisine sucrée salée ait été légèrement galvaudé ces dernières années, ça demeure néanmoins une recette gagnante lorsque bien exécuté. Ici, le sucré de la poire caramélisée et le porc braisé se marient parfaitement au goût salé de la Raclette Oka fondue.
Quelques bémols, j’aurais aimé un pain un peu plus laqué et légèrement plus écrasé pendant la cuisson, de même qu’un fromage plus fondu. Rendu à la croûte, les bouchées étaient plus difficiles à prendre, trop épaisses et croustillantes. Ceci dit, Le poire caramel demeure un bon grilled cheese, ce qui lui vaut la note de 8,0/10.
Maintenant, je m’en voudrais de passer sous silence le fait que le restaurant en question a bien voulu me servir une gigantesque poutine en accompagnement de mon grilled cheese. Cette poutine est nappée d’une sauce à l’amertume caractéristique de la bière brassée sur place. Son fromage est tout à fait adéquat et les frites minces démontrent une résilience hors du commun, si bien que le mastodonte poutinesque conserve sa texture tout au long de la dégustation. Cette poutine se mérite une note de 8,75/10; ce qui confère à mon passage au Brasseur la note de 8,375/10.
.jpg)
Les torchés
Je me suis pointé à la taverne Les torchés, lundi soir dernier. La place était vraiment paquetée pour un lundi soir! Avant d’aller plus loin, je dois dire un mot sur le staff qui était vraiment attentionné, sympathique et souriant (ce qui n’est pas évident quand les clients sont aussi nombreux et bruyants).
Quand j’ai vu la composition du monstrueux Tiers de verge, sur le site web du Festival, j’ai décidé de skipper mon souper et de me présenter sur place à 21h00, question de me créer de l’espace dans l’estomac pour absorber la bête composée de pain Torchés, beaucoup de beurre, cheddar à poutine, fromage Vacherin, d’épaule de porc effilochée et de bacon tranché 1/2 pouce, dans une assiette décorée de pousses de légumes, de pickles et de confiture Torchés.
Je me suis présenté au bar, l’eau à la bouche. J’avais tellement faim que j’avais l’impression que j’étais en train de me manger de l’intérieur. Quand le monstre est arrivé à ma table, je me suis garroché dedans sans autre cérémonie. Il y avait des ustensiles à la table, mais j’ai préféré attaquer le monstre à main nue. Dans certaines circonstances, il ne faut pas avoir peur de se salir les mains!
.jpg)
Ce grilled cheese peut être décrit en un seul mot : DÉ-CA-DENT. J’ai dévoré la moitié du sandwich en quelques minutes. Le fromage coulait partout, c’était sale et bon. Quand j’avais le bonheur de tomber sur les épaisses tranches de bacon salé parsemant le sandwich, j’avais l’impression de vivre une véritable jouissance culinaire, un peu comme on en voit dans les émissions du Guide resto Voir.
Après avoir englouti la première moitié, j’ai pris une décision qui a eu un impact considérable sur le reste de ma semaine : j’ai tenté de finir le grilled cheese tout seul. Bouchée par bouchée, j’en ai mangé un autre quart. L’overdose de fromage, le gras tartiné à l’extérieur du pain, la saveur caractéristique du pulled pork et tous les éléments qui m’avaient émerveillé en début d’expérience commençaient désormais à me tomber sur le cœur. J’avais l’impression de mourir par où j’avais péché. Mais pour une raison que j’ignore, je continuais mon entreprise d’auto-destruction, tentant désespérément de terminer le sandwich (ce qui n’a jamais été réussi par un seul homme, selon le barman de la place).
Rendu au trois quarts du sandwich, j’ai dû m’avouer vaincu, par knock-out.
J’accorde à ce grilled cheese la note de 8,5/10, en enjoignant à quiconque de ne pas essayer de le manger seul, car je suis ressorti ébranlé de l’expérience. Un peu à l’image d’un ado de 14 ans qui prend sa première brosse en calant un 40 onces de Jack, la simple pensée de manger un grilled cheese me donne présentement la nausée.
Ma semaine du grilled cheese a donc pris fin de manière abrupte, devant un adversaire trop fort pour moi.
Je vous invite néanmoins à profiter des quatre jours qui restent au Festival du grilled cheese, tout en paraphrasant les paroles d’Astor le robot (mon idole de jeunesse) pour vous dire de manger prudemment.
***
Pour lire une autre critique culinaire de Rémi Bourget : “L’amour inconditionnel de la poutine Ashton”