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Ouvrir son coeur à Occupation Double

Voici pourquoi faire comme 1,4 millions de Québécois le dimanche soir.

Par
Judith Lussier
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Fut un temps où la guerre télévisuelle du dimanche soir ne me concernait pas. J’étais radio-canadienne, et sans jamais remettre en question l’ordre des choses, je regardais, comme toutes les personnes de ma famille, Tout le monde en parle le dimanche soir.

J’étais loin de me douter que des gens comme JoÈve, Mike d’Occupation Double, ou Athéna, ça existait. Moi, j’étais dans le camp du million-quelque qui écoutait Tout le monde en parle, et je faisais complètement fi du million-quelque qui écoutait une obscure télé-réalité mettant en vedette des gens sûrement moins intelligent qui veulent gagner une maison Bonneville.

En fait, j’avais des œillères.

Ces œillères me rendaient incapable de comprendre des manifestations populaires comme l’élection de Jean Charest, le succès de Francis Martin ou, ex-æquo, la popularité des tatouages tribaux et de la Poule aux œufs d’or. Il s’agissait pour moi de grands mystères inexplicables. Comment des québécois comme moi pouvaient-il faire des choix si différents des miens?

Je me sentais extraterrestre.

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Pour comprendre la société dans laquelle j’évoluais, je devais sortir de ma zone de confort, regarder la vérité en face, et jeter enfin un regard lucide sur le monde. On dit que pour comprendre un peuple, il faut connaître sa culture populaire. Pour moi, ce tour de force passait par la syntonisation de TVA le dimanche soir.

Depuis, par où commencer?

Déjà, ça m’a pris six jours pour me remettre d’Athéna. Trois pour la fois où elle m’a fait douter du caractère péjoratif de l’expression «douchebag», deux à analyser les raisons qui peuvent pousser réellement une fille comme elle à vouloir quitter l’aventure, et un pour le diagnostic : faible estime de soi. Voyez, j’embarque déjà. Je pourrais aussi parler du beau Dave, qui m’impressionne parce qu’il est propriétaire d’une boutique de ski à 23 ans et que, franchement, moi, à 23 ans, qu’est-ce que j’avais accompli? Je pourrais vous dire que, dans tout ça, je trouve Pierre-Yves Lord fantastique, d’animer ainsi la joute de la séduction sans jamais porter de jugement de valeurs, et partager avec vous mon espoir de voir les bons gars l’emporter sur les méchants.

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Bien sûr, vous me direz que ces dix-sept échantillons de la race humaine ne sont pas représentatifs de la société québécoise, et que les 1 400 000 personnes qui syntonisent Occupation Double chaque dimanche le font pour rire des cobayes qu’on a torpillés au Portugal. Évidemment, il s’agit là de divertissement. Du fichu bon divertissement. Entre ça et un poisson rouge dans un bocal, le poisson rouge n’a aucune chance.

J’étais satisfaite d’avoir enfin découvert ce sur quoi se penchait un sixième de mes concitoyens le dimanche soir, mais pour en revenir à cette idée selon laquelle on comprend un peuple par sa culture populaire, je restais sur ma faim. Je savais que nous n’étions pas mieux ou pire que nos parents, qui eux se bidonnaient sur Les Tannants, ou que d’autres sociétés, qui, avec des budgets quatre fois plus importants, créent des téléréalités somme toutes assez semblables.

J’avais besoin d’aller plus loin. J’ai scruté l’audimat d’Occupation Double à la loupe. J’ai même été jusqu’à liker la page Facebook de l’émission. Je vous laisse sur cet autre échantillon de la société québécoise, celui-là pigé parmi les 205 000 fans d’Occupation Double sur Facebook.

Ça donne un autre élément d’information pour comprendre la culture dans laquelle j’évolue. Un jour, c’est promis, je m’attarderai à un autre pan de la société québécoise : les 3-4 millions qui n’écoutent pas la télé le dimanche soir.

Et pour les nostalgiques d’une télévision rassembleuse faite pour nous, les jeunes de notre génération, voici, gratuitement, un générique d’ouverture qui en dit beaucoup sur l’époque d’où nous venons.

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