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En fin de semaine, la page Facebook I fucking love science a publié une photo qui a, comme toutes celles publiées par cette page, été abondamment repartagée. On y voit un serpent se mordre la queue. C’est bien drôle.
Je ne sais pas trop ce qu’avait en tête Elise Andrews (la créatrice de la page en question) en publiant cette photo, mais elle m’a fait tout de suite penser à cet étrange écosystème qui nous tient lieu de web, ici comme ailleurs.
L’ouroboros. Ce serpent qui se mort la queue, symbole mythique de l’éternel recommencement. Mais aussi, par les temps qui courent, symbole de cette étrange obsession qu’ont plusieurs personnes — principalement actives sur le web — face à ce qu’ils appellent la « culture du web ».
Comme si le fait qu’une clique de gens évoluant dans un même milieu partageaient automatiquement une certaine culture commune, au-delà du plus plat niveau qu’est le désir (ou est-ce un besoin?) de s’exprimer de toutes les manières possibles. Désir qu’on voit d’ailleurs le plus souvent reflété par la publication intempestive de statuts et de commentaires sur ceux-ci.
La culture du web se résume de plus en plus aux cinq mots suivants:
Les gens sont terriblement désagréables.
Et par là, je ne veux pas parler de cyberintimidation, des trolls, des vicieux personnages qui tirent plaisir (et parfois carrière) de leur méchanceté ou de leurs coups de gueule. Je veux parler des gens ordinaires, des quidams. De l’internaute moyen.
Juste l’autre soir: une jeune femme de ma connaissance racontait sur Facebook qu’elle avait été surprise d’entendre deux jeunes sur la rue qui parlaient des vertus de deux types de potages. « Seulement sur le Plateau! » s’exclamait-elle. Une autre jeune femme n’a pas perdu de temps à sauter tout de suite dans les commentaires pour la ramener à l’ordre: « Désolée, mais c’est de l’idéalisation du Plateau; j’ai déjà entendu quelque chose de similaire ailleurs. »
J’aimerais m’asseoir avec cette jeune femme, celle du commentaire, pour essayer de comprendre. Pour savoir si elle est du genre, quand une amie ayant accouché récemment lui raconte que son bébé est « vraiment un ange », à répondre que les anges n’existent pas et que de toute façon, son bébé n’a même pas d’ailes, franchement. C’est peut-être anodin, mais ça ne me semble pas moins représentatif.
Et je suis bien le premier à m’être rendu coupable de ce genre de comportement. Bien sûr. On ne devient pas chroniqueur (encore moins chroniqueur chez Urbania!) sans être au moins un peu grande gueule. Et j’ai souvent joué, bien volontairement, le rôle du gars désagréable. Jusqu’à ce que je me demande pourquoi je faisais ça, et que je ne trouve aucune réponse.
J’aimerais savoir ce qui pousse les gens sur le web à s’ostiner — que dis-je, à s’arracher les cheveux — pour des bâtard de niaiseries. À tenir tellement fort à un point qu’on en vient souvent à s’insulter, personnellement.
Évidemment, il n’y a rien de révolutionnaire dans ce que je dis ici. Mais à force de trop s’attarder aux méchants (les intimidateurs, les trolls, les haters, les polémistes), on oublie de parler aussi du plus profond fléau qu’a permis l’arrivée des réseaux sociaux: la simple bêtise. Celle qui est sans malice, sans volonté de blesser.
Et c’est bien elle qui use, qui donne envie de sacrer le camp, qui finit par rendre misanthrope même le plus optimiste.
Alors quand on me parle de culture du web, au-delà de l’autoréflexivité et de tout ce beau discours méta, je pense surtout à ce que ce média a fini par accomplir en donnant la parole à tout un chacun : faire ressortir au grand jour tout ce qu’il y a de moins intéressant chez l’être humain occidental moyen. Il est carrément impossible pour quiconque de raconter la plus banale anecdote sans instantanément se voir relancé par des commentaires de gens dont l’enfant a fait un lapsus encore plus adorable, qui ont eu des vacances encore meilleures ou dont le souper était, ma foi, certainement plus délicieux.
De la belle idée de village global annoncé par les précurseurs du web, on en est venus finalement à ne globaliser que les absurdes rivalités entre voisins: ma tondeuse est plus belle que la tienne, ton abri Tempo déborde sur mon terrain.
Le web est devenu un beau, grand Brossard qui se mord la queue.
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