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Oups! Je n’ai pas eu le temps de me matcher avant la 2e vague

Ou j'aurais dû m'inscrire à «OD Chez Nous».

Par
Laïma A. Gérald
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Ça y est: Montréal, Québec et la région de Chaudière-Appalaches (et d’autres coins du Québec) sont maintenant engloutis par la 2e vague et viennent de passer en zone rouge. Manifestement, 2020 a pas fini de nous rentrer dedans.

Bien sûr, les réactions fusent de toute part et beaucoup de gens sont lourdement affecté.e.s, chacun à leur manière.

Aujourd’hui, je me concentre sur une tranche de la population dont je fais (forever?) partie: les célibataires.

Des commentaires comme celui de Daphné Trahan-Perreault, une membre de l’équipe canadienne de karaté, j’en ai vu passer beaucoup sur les réseaux sociaux.

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Plusieurs personnes célibataires de mon entourage ont même déclaré semi-sérieusement: « J’aurais dû m’inscrire à Occupation Double, au moins j’aurais eu une chance de frencher cet automne. ».

J’avoue que lundi soir dernier, pendant le point de presse de Legault, j’ai eu un vertige à l’idée d’être confinée une deuxième fois toute seule chez moi, avec pas de coloc, pas de chat pis pas de chum.

Et je suis loin d’être la seule personne célibataire à me sentir désemparée. Mais qu’est-ce qui crée notre désarroi? J’en ai discuté avec Marion Bertrand-Huot, sexologue et directrice générale de l’organisme Les 3 sex*.

«Dans une période comme celle que l’on vit en ce moment, le fossé entre les célibataires et leurs ami.e.s en couple va avoir tendance à s’accentuer.»

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« Pour moi, la question de l’isolement est centrale, me répond Marion. La majorité des jeunes adultes célibataires de 25 à 35 ans vivent souvent seul.e.s, contrairement aux plus jeunes, qui vivent encore en colocation ou même chez leurs parents. Aussi, la tranche d’âge des 25 à 35 ans est celle où on trouve le plus de célibataires. L’enjeu, c’est qu’à cet âge-là, ceux et celles qui ne sont pas célibataires sont en couple plus sérieux, et vont avoir tendance à se refermer sur leur vie conjugale, voire leur vie de famille. Donc dans une période comme celle que l’on vit en ce moment, le fossé entre les célibataires et leurs ami.e.s en couple va avoir tendance à s’accentuer. »

Marion décrit précisément le sentiment que mes ami.e.s célibataires et moi avons eu pendant la 1re vague, au printemps. J’ai souvent eu l’impression que, malgré le confinement, mes ami.e.s en couple pouvaient combler leurs besoins sociaux à la maison avec leur chum ou leur blonde, alors que les personnes célibataires vivaient un grand sentiment d’isolement. Une chance qu’il y avait les apéros Zoom!

Mais Marion me met en garde. « Depuis le début de la 2e vague, le concept des 5@7 et des soupers virtuels est pas mal moins populaires qu’au printemps. Ça fait que les personnes célibataires se sentent réellement délaissé.e.s par leurs ami.e.s en couple. C’est vraiment pas évident, parce que les gens qui étaient célibataires pendant la 1re vague ont vu ce que c’était. Ils ont un peu retrouvé leur vie sociale cet été, mais là, le confinement et l’isolement recommencent! C’est rough! »

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«J’aurais dû me trouver un chum avant la pandémie.»

Selon les données du dernier recensement canadien de 2016, les personnes qui vivent seules représentent plus du quart des ménages. C’est pas rien! J’ajoute aussi qu’au Québec, entre 1981 et 2016, le pourcentage de célibataires est passé de 8% à 17%.

Il y a de plus en plus de gens qui s’expriment sur les avantages du célibat. Sauf que là, pour la 2e fois en quelques mois, tous ces avantages ont disparu, ce qui crée un énorme vide.

« Il y a de plus en plus de gens qui s’expriment sur les avantages du célibat, m’indique Marion. Les personnes qui affirment être célibataires par choix apprécient bien souvent la liberté qui va avec ce mode de vie. Ce sont aussi des gens qui mettent beaucoup d’énergie dans leur carrière, qui ont une vie sociale et culturelle stimulante, passent du temps avec leur famille, voyagent, socialisent au travail, datent de manière plus ou moins sérieuse, etc. Sauf que là, pour la 2e fois en quelques mois, tous ces avantages, toutes ces sphères qui composent la vie sociale des personnes célibataires ont disparu, ce qui crée un énorme vide. » Je peux bien avoir le vertige!

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Plus je discute avec Marion plus je me rends compte d’une chose terrible: le confinement supprime tous ce qui me fait apprécier mon célibat pour ne laisser que les inconvénients, c’est-à-dire être isolée et parfois, me sentir seule au quotidien. Je trouve ça assez difficile comme constat.

https://www.instagram.com/p/CFsmqu2HSfq/

Mieux vaut être seul.e que mal accompagné.e?

Marion ajoute aussi que l’état d’esprit des personnes qui disent qu’ «elles auraient du se trouver un.e partenaire pour passer au travers de la 2e vague » révèle surtout un besoin de ne pas être seul.e, dans un contexte où le dating et les activités sociales sont suspendus. « Comme quoi le couple, ça a encore une fonction utilitaire, servant à briser la solitude», affirme la sexologue.

Et il y a d’autres aspects à considérer. Comme m’a confié une de mes bonnes amies célibataires: « Dans la vie normale, je suis heureuse seule. Mais je préfère vivre ma vie en sachant que j’ai la possibilité de faire une rencontre qui pourrait changer mon quotidien. On dirait que le confinement, ça anéantit cette possibilité-là pour un temps, pis c’est ça que je trouve tough sur le moral. » Je me reconnais vraiment dans cette réflexion.

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Mon amie me confie également que même si elle comprend les raisons qui poussent la Santé publique à limiter les contacts entre les gens, elle a l’impression qu’on lui « vole » un temps précieux. « J’ai 32 ans, pas 22 ans. J’ai l’impression qu’on va devoir se contenter des applications de rencontres pour un bon bout, pour rencontrer des dates potentielles. La pandémie change vraiment le monde du dating. »

« Personne exclusive pour les 28 prochains jours recherchée. »

Mercredi dernier, juste avant que la ville n’entre en zone rouge, cette même amie m’envoie ceci:

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Je trouve l’idée absolument géniale: la période de 28 jours (minimum) de confinement commence dans 48h. Les personnes qui vivent seules n’ont droit qu’à un.e seul.e visiteur.euse. Vite, il FAUT se trouver une date steady pour passer au travers.

Je n’ai pas pu m’empêcher de contacter l’idéateur de ce template, Thomas B. Martin, un designer montréalais de 32 ans, également célibataire. « J’ai vraiment fait ça au 2e degré, me confie Thomas. Je trouve ça drôle et un peu absurde de sentir qu’il nous reste 48h pour choisir UNE personne à voir pendant le prochain mois, et qu’en plus, elle est supposée combler le plus de besoins possible. Je trouvais que le processus pouvait ressembler à un recrutement professionnel, donc j’ai poussé la blague et j’ai fait un “template officiel”! ».

Estimant que son initiative est parfaite, j’ai décidé de remplir le tout et de le partager en story sur Instagram parce que YOLO:

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Et si la société n’était pas faite pour les personnes seules?

Si au printemps, le gouvernement n’avait pas statué sur la situation des personnes vivant seules, cette fois-ci, on nous permet officiellement d’avoir « un.e seul.e. visiteur.euse. ».

« Si ils.elles veulent respecter les consignes de la Santé publique, ça oblige les gens qui vivent seuls à choisir parmi les différentes sphères de leur vie: la vie sentimentale, la famille ou les ami.e.s, me fait remarquer Marion Bertrand-Huot. Et si on choisit la vie sentimentale, on constate que le gouvernement nous demande d’être assez conventionnel, en choisissant un.e seul.e partenaire. Ce n’est pas la réalité ni la volonté de tout le monde, en temps normal. Selon moi ça révèle, au-delà des mesures sanitaires en place, qu’on vit dans une société qui a encore une perception traditionnelle, normative et monogame des relations. »

«Ce n’est pas la réalité ni la volonté de tout le monde, en temps normal. Selon moi ça révèle, au-delà des mesures sanitaires en place, qu’on vit dans une société qui a encore une perception traditionnelle, normative et monogame des relations.»

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Comme m’a dit Thomas B. Martin, c’est une énorme pression que de devoir choisir une seule personne avec qui être en contact pendant la 2e vague. Et concernant l’envie de trouver ma perle rare full exclusive avec qui me confiner 28 jours, je l’ai pas encore trouvée… mais je ne suis pas sûre que je la cherche non plus. Parce que tant qu’à me matcher pour me matcher en vitesse, j’aime mieux me confiner avec une amie qui veut écouter OD tous les soirs à 18h30, qui aime manger de la crème glacée pour souper et discuter jusqu’aux petites heures. Dit comme ça, c’est même pas tant un sacrifice!