Les épreuves se sont succédé dans la vie de Safia Nolin, comme une constante dont témoignent ses chansons qui nous plongent toujours plus loin dans la mélancolie. Et pourtant, l’auteure-compositrice-interprète respire la bonne humeur et la santé.
Même si l’artiste se dévoile déjà amplement dans ses chansons, la discussion captée dans ce nouvel épisode des Bajada Dialogues nous ouvre une fenêtre de plus sur l’ancienne Limouloise, en particulier sur sa jeunesse à Québec.
« J’ai déménagé énormément dans ma vie. Genre vraiment beaucoup. » confie la chanteuse. Et pourquoi donc? « Je sais pas, ma classe sociale peut-être? Des parents qui avaient plus de misère. Essayer de survivre. En tout cas, moi je veux pus déménager ».
Cette situation familiale complexe a poussé Safia à passer une partie de sa jeunesse dans ses valises. Pendant ce temps, à l’école, ce sont plutôt ses origines étrangères qui lui posent problème :
« J’ose jamais dissé Québec trop fort, mais c’est sur que j’ai vécu des trucs là-bas que jamais je vivrais à Montréal. En fait peut-être que je les aurais vécus. À l’école surtout, beaucoup d’intimidations. Beaucoup de racisme aussi. Parce que mon père est Algérien et j’avais un nom algérien jusqu’à récemment. Parce que j’ai changé pour celui de ma mère. »
Ce sont ces petits et gros malheurs que l’artiste a chantés dans son premier album, et qu’elle fouille encore plus avec son deuxième opus Dans le noir, disponible depuis le 5 octobre dernier. Reconnue pour ses textes empreints de tristesse, la discussion bifurque : sera-t-elle capable un jour de créer un album heureux?
Safia : « J’ai une obsession pour les chansons tristes. Genre je pense pas que je pourrai ever faire de la musique pas triste. »
Jason : « Même si ça va bien? »
Safia : « En fait c’est à cause de ça que ça va bien. »
Parce que pour la compositrice, la musique reste une manière d’attaquer les problèmes, d’exorciser les démons. La vérité c’est que, par moment, Safia cherche en quelque sorte ce malheur qu’elle pourra ensuite mettre dans ses chansons, comme lorsqu’elle confie son fantasme de vivre une peine d’amour. Fantasme qu’elle idéalisait, jusqu’à ce qu’il lui arrive en vrai :
« C’est vraiment rough un break up. J’avais jamais vécu ça et j’ai vraiment pogné de quoi. J’tais comme “What the fuck man.” Ça fait 25 ans de ma vie que je regardais ça en me disant « mergh, ça l’air tough mais tsé… » Mais ça fait des criss de bonnes tounes ».
Des criss de bonnes tounes en effet. Affronter la laideur en face, pour la sortir de nous, c’est ce qu’elle a continué à faire avec son nouvel album :
« Avant je regardais beaucoup de côté, pas direct dans les yeux, mes problèmes. Et là je leur fais vraiment face depuis trois ans. Et je me sens vraiment en contrôle avec ma tête et où je veux aller avec mon cerveau. Des affaires genre « OK ça fait 13 ans que je parle pus à mon père, là je vais aller drette là-dedans ». J’ai même pas parlé de ça sur mon premier album, même si c’est quelque chose qui m’affecte depuis 13 ans. »
À coup de confessions (et de chansons), Safia a donc dit au revoir à certaines angoisses en reprenant le contrôle sur sa vie.
« J’ai arrêté de fumer, j’ai arrêté de boire, depuis 3 ans. »
Un énorme progrès, surtout lorsqu’on compare l’état de son anxiété de la Safia enfant : « Au début je pensais juste que j’étais folle, ou que tout le monde vivait ça aussi. Mettons je passais tous mes étés à Mégantic quand j’avais 8-9 ans et je pouvais pas regarder le soleil se coucher parce que j’avais peur qu’il explose. Fallait que ma mère me garde à l’intérieur quand le soleil se couchait. »
Invincible, elle a tout de même mis K.O. un après l’autre les défis qui se sont présentés sur son chemin. L’ancienne décrocheuse a maintenant deux albums en poche… et un Vitamix dans sa cuisine!
On peut le dire : tout ira bien. Et au pire, ça fera de bonnes chansons.
Pour entendre Safia Nolin et Jason Bajada parler de weed, de sa performance avec Éric Lapointe à la Voix et de smoothies, ça se passe juste ici, dans le tout nouvel épisode des Bajada Dialogues.