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Où est le boeuf?

Par
Judith Lussier
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“Si tu me demandes aujourd’hui si on va servir des hamburgers éprouvettes, je dirais non, mais tsé, ça fait 20 ans que je travaille chez Dilallo et si tu m’avais demandé y a 20 ans si on aurait un hamburger végétarien un jour, j’aurais dit non. Aujourd’hui, en 2013, on a un hamburger végétarien”, confiait hier au Téléjournal Joe Maselli, copropriétaire du Dilallo, une institution du hamburger à Montréal.

Évidemment, en 2013, l’idée de manger du bœuf élevé en éprouvette est juste susceptible de vous donner envie de vomir. On va en rire, en rire, en rire encore, jusqu’à ce qu’on réalise que ce n’est pas si fou que ça, en fait, du bœuf qui s’élève tout seul, qui n’a pas besoin de consommer des tonnes de céréales, des litres de d’eau à l’infini, et qui ne pète pas. Parce que le problème du bœuf est réel. Il consomme, il prend de la place, il pollue. Alors que la voiture électrique vient d’atteindre un point tournant, au niveau des perceptions, manger un steak pourrait devenir l’équivalent écologique de conduire un VUS, dans l’esprit de bien des gens. Le nouvel ennemi no. 1 de l’environnementaliste.

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Évidemment, entre bobos du plateau, on se dira plutôt que l’avenir est dans les lentilles, le tempeh et les formes alternatives de protéines (après avoir maîtrisé l’élevage des poules en milieu urbain, vous pourrez dorénavant cultiver vos grillons). On s’entendra qu’il vaut mieux réduire sa consommation de viande que d’essayer d’en fabriquer coûte que coûte. Si vous vous trouvez dans un cercle un peu plus radical, on ira même jusqu’à comparer votre consommation de viande (aussi bio et élevée en liberté soit-elle), à une certaine forme de cannibalisme qui, si elle a déjà été utile à la survie de l’homme, n’a plus sa raison d’être en 2013. C’est, en gros, la thèse d’Aymeric Caron, auteur de No Steak.

Mais allez dire de remplacer sa boulette de steak haché par des lentilles à un habitué du Heart Attack Grill, pour voir. Il préférera encore manger ce qu’il est maintenant convenu d’appeler un Frankenburger.

Rendu-là, il ne se rendra peut-être même pas compte qu’il est en train de manger du bœuf synthétique. Savez-vous combien d’aliments contenant des organismes modifiés génétiquement vous avez ingéré cette semaine? Faut-il rappeler que dans les années 1990, c’est aux tomates génétiquement modifiées que l’on a attribué le sympathique surnom de Frankenfood? Et on continue d’en manger. En fait, l’histoire alimentaire nous porte à croire qu’au delà du dégoût que peuvent susciter en premier lieu les manipulations génétiques et autres manufactures en laboratoires, ce qui compte réellement, pour le consommateur, c’est le coût des aliments.

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D’ici dix ans, le mangeur de viande lambda (pas celui qui a déjà la conscience de s’approvisionner auprès d’une ferme qui prétend donner de meilleures conditions de vie à votre future viande qu’à votre chien) se réjouira seulement de pouvoir continuer à payer son hamburger 3,69$.

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