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J’ai toujours été fasciné par l’Everest… Non c’est pas vrai, mais l’autre jour, j’ai regardé Everest sur Netflix parce que Jake Gyllenhaal joue dedans et que ce gars-là est tellement choupi que je boirais volontiers une infusion de ses slips. La seule chose que j’ai constaté en regardant le film, outre le fait que Gyllenhaal est sexy même avec de la fausse glace sur le visage, c’est que ça l’air d’être vraiment la merde, monter l’Everest.
Je voulais quand même en apprendre davantage sur le sujet et j’ai donc décidé d’en parler avec François-Guy Thivierge, un expert en la matière. François-Guy est déter comme personne. Il a atteint les 7 sommets du monde, soit les montagnes les plus élevées de chacun des sept continents (dont l’Everest) ainsi qu’exploré les deux pôles et reçu la Médaille d’honneur de l’Assemblée nationale du Québec, en plus de s’occuper de son centre d’escalade, le Roc Gyms à Québec, d’avoir écrit un livre et donné de nombreuses conférences. Pas plus surmené que ça, le mec.
Francois-Guy, merci beaucoup de prendre le temps de répondre à mes questions, c’est gentil ! Pour commencer, combien de temps a duré ton périple sur l’Everest ?
72 jours, dont 53 en montagne.
Et ça coûte combien, monter l’Everest ?
Autour de 65 000 $ US. Tu peux le faire pour moins cher si tu passes directement par une agence du Népal.
Y a-t-il des tests physiques à passer, ou bien n’importe qui avec un gros chéquier peut y aller ?
Il n’y a pas de tests physiques obligatoires, n’importe qui avec du cash peut y aller. Par contre, les compagnies sérieuses qui ne veulent pas de mort sur la conscience vont prendre la peine de te faire remplir un questionnaire.
Tu apportes quoi sur l’Everest ? Est-ce que votre équipement est réglementé et inspecté ?
Non, pas réglementé. La première douzaine de jours, tu fais ce qu’on appelle une marche d’approche. Ça consiste à t’acclimater au manque d’oxygène et ça te permet de transporter tout ce que tu auras besoin jusqu’au camp de base, situé à 5300 mètres d’altitude. Tu y apportes conserves, bouffe déshydratée, poches de riz, tentes, bonbonne d’oxygène, etc.
65 000 balles et tu passes tes 12 premiers jours à transporter des poches de riz ?
Haha ! Faut prendre le temps de s’acclimater avant de monter trop haut de toute façon. Et puis ce n’est pas nous qui transportons la majorité des choses. C’est plutôt des yaks, un genre de gros bœuf poilu.
Qu’est-ce qui arrive si tu montes trop vite sur l’Everest ?
Oui, tu vois parfois des cadavres.
Tu risques de faire un œdème pulmonaire ou même un œdème cérébral, qui fait en sorte que ton cerveau enfle. Tu peux en mourir.
En parlant de mourir, est-ce que c’est vrai qu’une personne sur 10 meurt sur l’Everest ?
Non. Je dirais plus autour d’une sur 500. La recette du succès pour une ascension a pas mal été testée et ajustée d’année en année. On connait maintenant les meilleurs moments pour y aller et les meilleures façons.
Est-ce vrai par contre qu’en montant, on voit parfois des corps gelés qui sont restés là ou bien quelqu’un est chargé de venir les chercher ?
Oui, tu vois parfois des cadavres. C’est sûr que personne ne fait exprès de laisser un corps là, mais tu es tellement haut, tu as un masque d’oxygène, tu as déjà du mal à te traîner toi-même, tu n’as pas l’énergie pour traîner le corps de quelqu’un d’autre. Les Népalais ne vont pas nécessairement les chercher non plus. Ils sont assez spirituels et ne semblent pas vouloir côtoyer la mort de près donc oui, il y a des corps qui restent. Ça fait réfléchir quand tu vois un cadavre. Ça te fait réaliser que c’est sérieux comme aventure et que tu peux en mourir.
Est-ce que c’est vrai qu’il y a des déchets partout sur l’Everest ?
Non. Personnellement, ça ne m’a pas choqué. Il y a des opérations nettoyage. Je suis retourné au camp de base l’an passé et il n’y avait pas de déchets. Plus tu montes en montagne, plus il risque d’y en avoir parce que c’est moins accessible pour aller nettoyer, mais ce n’est pas si sale.
Est-ce qu’il y a des animaux sur l’Everest ?
Seulement des oiseaux, je dirais. Ils picorent justement les cadavres humains, parfois.
Ah, c’est… mignon. En parlant de se faire grignoter par des oiseaux, est-ce vrai que vous brûlez autour de 10 000 calories par jour ? Si c’est le cas, il me semble que votre petite soupe Lipton doit pas vous soutenir bien longtemps.
En effet. On brûle beaucoup plus de calories qu’on en consomme. Moi j’ai perdu 14 kilos durant mon ascension.
Ah ouais, quand même. Hey, François-Guy, c’est quoi la température, sur l’Everest ?
Au sommet, dans des conditions idéales, je dirais autour de -35 degrés Celsius. Mais il peut faire plus froid et venteux, tu peux ressentir jusqu’à -50 ou même -60 degrés Celsius.
Vous faites caca où, sur l’Everest ?
Au camp de base, ils mettent un gros baril en plastique dans des roches. On chie là-dedans. Quand il est plein, ils mettent un couvercle et le font redescendre par un yak. Ils vont vider ça dans une crevasse, loin de notre source d’eau potable.
Okay, mais admettons que tu es en montagne, pas au camp de base ?
Finalement, peut-être que monter l’Everest, c’est plus que seulement se peler le cul dans la neige pendant 2 mois sans pouvoir chier en paix.
Tu chies n’importe où. Tu te trouves un spot dans la neige. Sur certaines montagnes, il y a des règles à suivre. Tu dois par exemple mettre ton étron dans un petit sac, sinon tu as une amende. Mais pas sur l’Everest.
Portez-vous les mêmes sous-vêtements pendant 2 mois ? Parce que là, à moins qu’il y ait des bidets et puis du PQ triple épaisseur un peu partout sur la montagne, ça doit être un sacré bordel, votre affaire.
Haha ! On peut faire du « lavage » au camp de base. On lave à la main et on fait sécher au soleil. On se lave aussi au camp de base. Il y a un genre de douche dans une tente avec de l’eau qu’on peut faire bouillir.
Ouf. Hey François-Guy, c’était comment, arriver au sommet de l’Everest ? Moi dans la vie, quand le moment que j’attends depuis longtemps arrive enfin, mon cerveau se débranche juste pour me faire chier et je ressens rien. Toi, tu l’as kiffé, ton sommet ? Tu te sentais comment ?
Je me sentais soulagé, je te dirais. J’avais du mal à croire que j’étais là, que ça s’était concrétisé. C’est une grande satisfaction intérieure, mais c’est une joie lente, une joie qui s’apprécie pendant des jours et des années et qui te donne une belle confiance en toi.
Finalement, peut-être que monter l’Everest, c’est plus que seulement se peler le cul dans la neige pendant 2 mois sans pouvoir chier en paix. C’est toujours chouette, se prouver qu’on est capable d’accomplir des choses. Quelle que soit notre petite montagne personnelle, ça doit être très cool d’arriver au sommet. À chacun son Everest, comme le dit si bien François-Guy Thivierge.
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Texte original adapté pour URBANIA France