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Ces orphelins qu’on aime tant
Il en a eu de la chance, Wolverine. Pas de parents sur le dos pour lui dire de ramasser sa chambre ou de finir ses devoirs de maths… Et ce superhéros de X-Men est loin d’être le seul à jouir d’une telle liberté/solitude. En fait, de nombreux personnages orphelins peuplent la culture populaire. Pourquoi nous intriguent-ils tant ? On a questionné Jean-Michel Berthiaume, assistant de recherche pour Pop-en-stock et doctorant en sémiologie.
Pourquoi y a-t-il autant de héros orphelins dans les œuvres de fiction ?
L’orphelin, c’est la figure d’essai-erreur par excellence. Inévitablement, il commet de grosses bévues, il se met souvent dans le pétrin. Il n’a pas de parents pour l’empêcher de se brûler la main sur les ronds de poêle. Il doit tout apprendre par lui-même, donc ça fait de lui un modèle pédagogique extrêmement intéressant. Et pour nous, le public, ça accroît notre sentiment de sympathie par procuration. Même Lobo – un biker de l’espace de DC Comics tellement agressif qu’il s’est lui-même fait orphelin en éliminant toute sa race – a réussi à s’attirer la sympathie des lecteurs.
Méchant pas fin, ce Lobo ! Il devait avoir de maudites belles qualités pour toucher les gens… D’ailleurs, qu’est-ce qui nous les rend si attachants, ces héros?
Ce sont leurs récits, parce qu’ils font écho au fantasme de l’absence de répression parentale. Ils n’ont pas de balises ni de comptes à rendre. Ce n’est pas un hasard que ces fictions soient généralement écrites pour un public adolescent, en pleine renégociation de leurs valeurs et rébellion face au monde. C’est un moment où l’on souhaite se distancer de notre éducation. Alors ça répond au fantasme de suspendre l’acquis pour ne voir que l’inné, la force interne. Bon, évidemment, ça ne correspond pas du tout à la réalité des orphelins dans la vraie vie.
Ça aide le développement du récit, qu’un héros n’ait pas de parents dans les pattes ?
Oui, à différents niveaux. Dans les contes de fées, l’absence de parents sert à créer une situation de danger. Dans d’autres cas – comme ceux de certaines bandes dessinées -, il est primordial que le superhéros soit orphelin pour assurer la cohérence même du récit. Penses-tu que Bruce Wayne aurait pu aller s’entraîner au Tibet avec des ninjas sous supervision parentale ? L’absence de parents dans la fiction donne au héros la possibilité de s’exalter dans les plus grandes folies.
Et parce qu’on adore les grandes folies, on vous présente en rafale six héros orphelins qui ont bercé notre enfance et celle de nos parents.
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Rémi
Arraché à sa mère adoptive, puis vendu à un saltimbanque pour 40 francs (même pas 10 $) par son tuteur – qui est devenu violent, pauvre et invalide après un accident de travail –, Rémi aurait toutes les raisons du monde de passer les 51 épisodes du dessin animé japonais éponyme à brailler sur son sort. Au contraire ! Frappé par la foudre de la résilience, Rémi chante plutôt sa condition d’orphelin avec fierté dans un jingle aux rythmes naïfs et enthousiastes («Je suis sans famiiiiille, je m’appelle Rémi»), à la limite du supportable. Ne faut-il pas une prédisposition au bonheur exceptionnelle pour se réjouir d’arpenter la France en présentant des spectacles de rue avec son chien ? Heureusement, comme dans le roman français ayant inspiré la série, Rémi retrouve ses mères adoptive et biologique dans une finale qui, dit-on, a longtemps rendu jaloux les producteurs des « Spéciales retrouvailles » de Claire Lamarche.
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Superman
Pour éviter que leur fils ne périsse avec eux avec l’explosion de la planète Krypton, Jor-El et Lara ont eu la présence d’esprit d’enrouler le petit Kal-El dans une cape et de le faire monter à bord d’un vaisseau spatial en direction de la Terre. C’est à Smallville, au Kansas, que l’extraterrestre est rebaptisé Clark par sa famille d’adoption, qu’il apprend la vérité sur sa véritable identité et découvre le gel pour les cheveux. Son legs génétique kryptonien est à l’origine de ses superpouvoirs, qui lui vaudront le surnom d’Homme d’acier. Contrairement à la croyance populaire, il n’a aucun lien de parenté avec Margaret Thatcher, la Dame de fer.
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Tit-Coq
À l’instar de Batman, Tit-Coq, le héros québécois par excellence imaginé par Gratien Gélinas, était doté d’une force physique inouïe. Mais contrairement à l’homme chauve-souris, qui défendait Gotham contre les ennemis de l’humanité, Tit-Coq cassait des gueules dans les rangs de l’armée, et spécialement celle de quiconque osait le traiter de bâtard. Malgré tout, son franc-parler a séduit la belle Marie-Ange, qui avait promis de l’attendre le temps de son service militaire en Angleterre. Mais alors que Tit-Coq essaie de jouer à Batman pendant le débarquement de Normandie, le Padre convainc Marie-Ange de le « flusher » pour un homme de bonne famille. D’abord présentée au théâtre en 1948, puis produite au cinéma en 1953, l’histoire aura non seulement laissé poindre le début de la Révolution tranquille en questionnant l’influence du clergé, mais surtout, elle aura inspiré une poignée de rôtisseurs locaux.
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Harry Potter
Il y a peu de départs plus pénibles dans la vie que de voir ses parents assassinés à l’âge de quinze mois le soir de l’Halloween par le Seigneur des Ténèbres, pour ensuite se faire élever par une famille de vils banlieusards anglais aux côtés d’un cousin tortionnaire. Comprenons donc Harry Potter d’avoir sauté sur l’occasion de fuir le 4, Privet Drive en compagnie de Hagrid, une version géante de Claude Robinson, pour entrer à l’école des sorciers. Aussi tragique soit-il, le décès de Lily et James Potter aura tout de même engendré quelques événements heureux. Comme l’invention des dragées surprises et l’ascension d’Emma Watson au cinéma.
Anne (celle de la maison aux pignons verts)
La surprise qu’ont eue les Prince-Édouardiens Matthew et Marilla Cuthbert lorsqu’ils ont rencontré pour la première fois leur enfant adoptif à la gare de Bright River ! Le garçon qu’ils avaient commandé pour épauler Matthew avec les travaux de la ferme était en fait Anne Shirley, une gamine rousse sortie de l’imaginaire de la romancière canadienne Lucy Maud Montgomery. Au lieu de céder à la tentation de rembarquer la petite dans le premier train avec la mention « Retour à l’expéditeur », les propriétaires de la fameuse baraque aux pignons verts ont choisi de la garder, sans doute attendris par son irrésistible pigment roux. En tout cas, si cette erreur de commande là s’était produite en 2017, Amazon se serait fait « troller » sur un méchant temps.
Cendrillon
Quand la relation qui vous unit à la vermine de votre demeure est moins trouble que celle que vous entretenez avec votre belle-mère et vos deux demi-sœurs, vous avez vraiment expérimenté la solitude. C’est le cas de Cendrillon, qui a perdu sa mère à la naissance, avant que son père ne passe l’arme à gauche quelques années plus tard. Votre méchante belle-mère vous oblige vous aussi à torcher la maison à quatre pattes sur le plancher, tout(e) de gris vêtu(e), et à tirer un trait sur votre héritage familial ? Gardez la foi. Perrault, les frères Grimm et Disney vous assurent qu’il y a une fée marraine qui vous guette. En temps et lieu, elle vous mettra une robe de designer sur le dos pour vous faire faire un tour de citrouille. Mais trouvez-vous quand même un plan B, au cas où…
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