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Opioïdes : la crise dans la crise

Des gestes qui aident à sauver des vies.

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Alors que les efforts sont à la lutte contre la COVID-19, une épidémie silencieuse a fait près d’une victime par jour au Québec entre janvier 2020 et mars 2021. Entre juillet 2020 et juin 2021, l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) estime que 495 décès sont attribuables à une surdose d’opioïdes ou d’autres drogues. En juillet 2020, on a compté 66 décès en un mois.

Comment doit-on réagir en cas de surdose accidentelle? On en discute avec la Dre Marie-Ève Morin, médecin de famille œuvrant en dépendance et en santé mentale à la clinique La Licorne. La Dre Morin n’a reçu aucuns honoraires pour sa participation à la rédaction du présent article.

Des opioïdes, même dans votre maison?

Les opioïdes sont une famille de médicaments habituellement prescrits pour soulager la douleur. Ils se répartissent en trois catégories : les opioïdes naturels (morphine et codéine), les opioïdes semi-synthétiques (hydromorphone ou hydrocodone) et les opioïdes synthétiques (méthadone). Ce sont tous des analgésiques utilisés pour soulager la douleur aiguë, notamment à la suite d’une fracture, ou pour soulager des douleurs chroniques, comme chez les patients atteints de cancer.

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Un médecin peut prescrire des opioïdes après une intervention chirurgicale ou une blessure importante. Il y a fort à parier que vous en avez en ce moment dans votre pharmacie, des restes de la fois où on vous a arraché les dents de sagesse.

Lorsqu’ils sont utilisés conformément aux prescriptions d’un médecin, les opioïdes peuvent traiter une douleur intense. Leur efficacité comporte toutefois certains risques. Ces médicaments se fixent sur les récepteurs opioïdes des cellules de votre cerveau, qui libèrent de l’endorphine, étouffant ainsi la perception de la douleur par vos cellules et augmentant votre sensation de plaisir . C’est ce même sentiment de plaisir, lorsqu’on consomme des opioïdes, qui les rend dangereux. Lorsque vous prenez des opioïdes pendant longtemps, votre corps ralentit sa production d’endorphines. Après un certain temps, la dose prescrite peut cesser de provoquer un fort sentiment de bien-être. C’est ce qu’on appelle la tolérance.

« Le fentanyl, c’est 40 fois plus puissant que l’héroïne, 100 fois plus que la morphine » précise Marie-Ève Morin.

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La crise des opioïdes est un problème complexe. Certaines drogues illégales sont fabriquées avec des quantités inconnues de fentanyl, causant de nombreux méfaits et décès liés aux opioïdes. Cela dit, les opioïdes d’ordonnance ont également contribué à la crise. Plus on prescrit d’opioïdes, plus il y a de personnes exposées aux risques qui y sont associés.

Cette contamination de drogues illégales augmente radicalement le risque de surdose. « Le fentanyl, c’est 40 fois plus puissant que l’héroïne, 100 fois plus que la morphine. Quand on pense consommer autre chose, il y a un réel danger de mal calculer sa dose », précise Marie-Ève Morin.

Que faire en cas de surdose accidentelle?

Une intoxication accidentelle aux opioïdes peut survenir lorsqu’une personne prend un opioïde qui ne lui est pas prescrit, lorsqu’elle en prend plus qu’une dose prescrite, lorsqu’elle mélange des opioïdes avec d’autres médicaments (par exemple, des anxiolytiques ou des somnifères) ou lorsqu’elle utilise des drogues illicites contaminées par des opioïdes. Ces exemples montrent bien qu’un empoisonnement aux opioïdes peut se produire de façon involontaire.

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« La personne cesse de respirer. L’arrêt respiratoire, c’est un des signes qu’on a affaire à une surdose, explique la Dre Morin; de plus, on constate une coloration bleutée autour de la bouche et aux extrémités. »

La Loi sur les bons samaritains offre une certaine protection juridique aux personnes qui sont victimes ou témoins d’une surdose et qui appellent le 911 ou leur numéro d’urgence local pour obtenir de l’aide.

Mais faire quoi? Évidemment, appeler le 911, sur-le-champ. Et pendant les quelques minutes que prend l’ambulance pour arriver, il faut agir avant qu’il ne soit trop tard et administrer de la naloxone.

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La naloxone est une substance antagoniste des opioïdes qu’on peut obtenir gratuitement d’un pharmacien sous forme de vaporisateur nasal ou ou sous la forme d’une injection intramusculaire. Il suffit de la demander au comptoir des ordonnances. Elle aura pour effet de renverser temporairement les effets et les symptômes d’une surdose aux opioïdes, le temps que l’aide arrive. Il se peut que dans certains cas, on ait besoin d’administrer plusieurs doses de naloxone, selon la durée d’action de l’opioïde consommé, prévient Marie-Ève Morin.

La Dre Morin insiste sur le fait que, même si la personne se réveille, il faut tout de même qu’elle aille à l’hôpital. « Les gens ont souvent peur de faire le 911 dans des cas de surdose. » La Loi sur les bons samaritains offre une certaine protection juridique aux personnes qui sont victimes ou témoins d’une surdose et qui appellent le 911 ou leur numéro d’urgence local pour obtenir de l’aide. La priorité, c’est donc d’appeler.

Que faire pour se préparer à une surdose accidentelle d’opioïdes?

«On ne sait jamais quand ça va arriver, parce qu’il y a des opioïdes partout maintenant.»

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Compte tenu de la crise actuelle des opioïdes au Québec, la Dre Morin nous enjoint à tous de garder un petit kit de naloxone sur nous, même si on ne consomme pas. « On ne sait jamais quand ça va arriver, parce qu’il y a des opioïdes partout maintenant. » Elle se rappelle avec tristesse une sortie avec ses ami.e.s au centre-ville en 2015. « J’ai vu des jeunes devant une vitrine et l’un d’eux ne respirait plus. J’ai fait les manœuvres de réanimation, et un autre passant, qui était aussi médecin, est venu m’assister. Il était trop tard quand l’ambulance est arrivée. »

Depuis 2017, la naloxone est disponible gratuitement en pharmacie pour les personnes âgées de 14 ans et plus.

La Dre Marie-Ève Morin est médecin omnipraticienne et a mis sur pied la Fondation Caméléon, un organisme qui vise à soutenir des personnes en situation de dépendances dans leur démarche de rétablissement.