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Un opéra pour bébés: une bonne idée ?
Le Metropolitan Opera de New York présente dès la fin du mois une série de dix représentations de BambinO, un opéra… pour bébés.
En lisant ça, on peut difficilement s’empêcher d’imaginer une gang de bébés qui pleurent pendant que, sur scène, une chanteuse hurle du Wagner.
Heureusement, le concept est bien différent. Premièrement, l’histoire racontée est simple : c’est celle d’une mère oiseau qui découvre un œuf magique, duquel sortira un poussin géant à qui elle fera découvrir le monde (on est loin d’un drame qui traverse 10 générations). Deuxièmement, le format est allégé : l’opéra dure 40 minutes, il n’y a que deux chanteurs et deux musiciens (multi-instrumentistes). Troisièmement, et c’est peut-être le plus important, les poupons pourront se promener dans la pièce où se déroule l’opéra, réagir pendant des moments de silence et même interagir avec les artistes.
Cette bande-annonce du spectacle le démontre bien : l’ambiance est plus du type « chiller dans des coussins avec les chanteurs » que « UN PEU DE DÉCORUM S’IL VOUS PLAÎT! »
Rajeunir son public ou se faire de la pub?
Avec ce spectacle, auquel environ 25 bébés accompagnés d’autant d’adultes pourront assister lors de chaque représentation, le Met a affirmé vouloir rajeunir son public. Certes, la moyenne d’âge va prendre une drop ces journées-là, mais est-ce que ça contribuera vraiment à faire connaître l’opéra aux jeunes générations?
Peut-être; après tout, l’opéra c’est une forme d’art somme toute assez peu présente dans l’espace public (on ne voit pas de festival d’opéra avec spectacles gratuits en plein centre-ville, par exemple). Plus d’exposition pourrait difficilement nuire.
Mais en attendant que ces 250 bébés new-yorkais aillent assister au spectacle, et que les chercheurs qui les observeront en tirent des conclusions, on peut se demander si c’est vrai que la musique aide au développement des enfants. Cet opéra ne serait-il qu’un coup de pub?
Pour mieux comprendre, on a demandé à Guylaine Vaillancourt, professeure en musicothérapie à l’Université de Concordia, de quelle façon l’exposition à la musique – et plus particulièrement à l’opéra – pouvait influencer le développement d’un jeune enfant.
De la musique accessible
Tout d’abord, un peu comme on ne lirait pas Les Misérables de Victor Hugo à un groupe de poupons, il faut commencer avec de la musique qui leur sera accessible. « Il faut doser l’intensité en fonction du stade de développement. En éveil musical, on commence avec des mélodies simples – comme dans le folklore traditionnel –, pas trop de dissonances, des rythmes simples et évidemment on privilégie des pièces courtes; on ne pourrait pas les exposer à un opéra de trois heures » donne en exemple la spécialiste.
Comme les enfants sont très visuels, la forme de l’opéra est intéressante. « Ça inclut tous les arts! Les costumes, les expressions, les paroles et évidemment la musique peuvent être très intéressants pour des enfants », poursuit celle qui est aussi l’auteure du livre Musique, musicothérapie et développement de l’enfant aux Éditions du CHU Sainte — Justine.
«Il faut doser l’intensité en fonction du stade de développement. En éveil musical, on commence avec des mélodies simples – comme dans le folklore traditionnel –, pas trop de dissonances, des rythmes simples et évidemment on privilégie des pièces courtes; on ne pourrait pas les exposer à un opéra de trois heures.»
Et ce qui est bien, explique Guylaine Vaillancourt, c’est que l’exposition à la musique ne fait pas juste « passer le temps »; elle permet à l’enfant de se développer dans plusieurs sphères. En bougeant et se synchronisant avec la musique, il perfectionne sa coordination. En écoutant les mots d’une chanson et en mémorisant les rythmes, du travail se fait au niveau cognitif. En associant des mélodies avec des émotions et des moments – comme la berceuse et l’heure du sommeil –, il développe son côté émotionnel. Quand il commence à faire un peu de musique en groupe, il doit travailler son écoute et ses interactions. La liste est longue!
« Le but avec l’éveil musical, ce n’est pas de faire de tous les enfants des musiciens. C’est comme quand ils étudient les maths; ce n’est pas pour qu’ils deviennent mathématiciens! Depuis Bach, et même avant, la musique est une matière de synthèse. On sait que quand les enfants font de la musique tôt, ils développent des capacités qui peuvent être transférées dans d’autres matières. »
En attendant l’opéra pour bébés au Québec
En attendant qu’un opéra pour bébés soit présenté à Montréal, que peut-on faire pour initier des enfants un peu plus vieux à la musique (et la culture qui va avec)?
Déjà, l’Orchestre symphonique de Montréal organise des spectacles destinés aux familles, tout comme celui de Québec, celui de Sherbrooke, celui de Trois-Rivières… bref, vous comprenez l’idée; il y a plusieurs spectacles du genre qui s’adresse aux enfants.
En vidéo, certaines pièces, comme Pierre et le loup de Prokofiev, sont souvent adaptées pour les enfants avec narration et images. Fantasia de Walt Disney est aussi évidemment une belle introduction.
« Mais on peut aussi demander aux écoles d’avoir des programmes de musique, d’arrêter de les couper. Ça contribue tellement au développement des enfants et à leur joie de vivre », dit Guylaine Vaillancourt.
Et vous, vous amèneriez un enfant à l’opéra?
Et tant qu’à poser des questions… vous allez, vous, à l’opéra?