J’ai un long historique avec les Trois Accords. Je suis fan de la formation depuis l’école primaire, alors que le moniteur de la garderie de l’école de St-Jude nous jouait souvent Hawaïenne à la guitare. J’ai redécouvert le band, ado, avec Grand Champion. J’ai eu une première vraie date avec une fille de St-Hilaire, alors que j’habitais à Ste-Julie, dans un de leur show à Mascouche. Pis je pourrais continuer de même encore un bout.
Pour moi, les Trois Accords avaient toujours incarné le plaisir décomplexé, la musique légère (sans être niaiseuse!) et un trip de gang. Toutefois, dernièrement, je me retrouvais moins dans leur musique. On sentait un peu moins de ce fun caractéristique, plus de volonté de passer des messages et de représenter des causes. Le band essayait des choses, avec une tangente country par bout, et si ça les a clairement aidés à s’imposer comme valables aux yeux d’un public plus mainstream, ça ne semblait pas nécessairement être quelque chose de totalement naturel pour eux.
Retour en studio
« On savait pas comment l’album allait sonner avant de l’entendre fini. On aurait pu se planter. »
Aujourd’hui, le quatuor lance son sixième album, Beaucoup de plaisir, où il renoue visiblement avec le fun et la douce folie des débuts. Question de vérifier si ma relation et mes impressions sur leur carrière étaient bonnes ou erronées, je suis allé rencontrer le groupe dans les loges du Centre Phi, où il lancera officiellement son nouvel opus ce soir. « C’est toujours excitant lancer un nouvel album. Tsé, on se met pas de pression en essayant d’anticiper les critiques de la presse. Si tout le monde l’aime, tant mieux, mais ça nous stresse pas. »
Faut dire que le groupe arrive avec une expérience assez remarquable. Gros Mammouth Album Turbo, le premier opus du désormais quatuor, est paru en 2003, et les fans n’ont pas cessé d’affluer depuis. Ceci dit, ça ne veut pas dire que les gars se sont assis sur leurs lauriers. Une des choses qui reviendra le plus régulièrement au fil de la conversation, c’est qu’ils ont un désir profond de toujours se renouveler.
Pour les Trois Accords, tomber dans la facilité et le confort, c’est non. Même la méthode de composition et le travail de studio ont été totalement transformés pour cette nouvelle parution. « Simon nous arrivait chaque matin en studio avec une nouvelle chanson qu’on allait travailler ensemble pour y ajouter des arrangements et l’enregistrer directement après. C’est weird parce qu’on avait pas de recul, on savait pas comment l’album allait sonner avant de l’entendre fini. On aurait pu se planter. » Le défi est effectivement grand. Alors que les précédents albums avaient une plus grande cohérence, sans non plus se parler d’albums concept, ce retour à une absence de barrières se révèle à mon avis plutôt payant.
De la franche camaraderie
On sent justement le plaisir du groupe à jouer ensemble et la chimie qui s’opère entre des musiciens qui ont l’habitude de travailler dans le respect des capacités et des talents de chacun. « On était obligés d’avoir une totale confiance en Simon quand ils nous livraient des nouvelles pièces parce qu’on pouvait pas trop se laisser le temps de tout remettre en question chaque fois. » Ça ne veut pas dire que ce travail n’a pas été fait, alors que les premiers doutes se sont manifestés face à la chanson Albino Trois-Quart, la quatrième enregistrée. Ces réserves ont mené à une conversation saine et nécessaire, question de se remettre en confiance face au processus de conception « toune par toune » adopté au préalable.
Le résultat garde toutefois une esthétique qui ne s’éparpille pas trop. Les chansons se suivent et se ressemblent, sans non plus tomber dans la redite. Le public cible reste le fanbase du groupe, mais on a essayé de viser un peu plus large. Avec un single comme Corinne, qui obtient d’excellentes statistiques de diffusion depuis sa parution, la réception de l’album promet.
On a hâte au lancement
Autre innovation : les Trois Accords ont décidé de remercier ceux grâce à qui ils ont pu acquérir leur première notoriété. La chanson-titre de l’opus, Beaucoup de plaisir, a en effet été offerte en diffusion exclusive aux radios étudiantes de la province. Sa sonorité plus dark, qui rappelle un peu Parquet Courts ou The Hives, témoigne ainsi de la liberté que les gars se sont permise. Et ce n’est pas la seule de l’album d’ailleurs, puisque celui-ci se décline sous un jour beaucoup plus rock que pop, mais qui pourrait en surprendre certains. Mais outre le prétexte des radios, y a-t-il d’autres raisons derrière cette sortie, à peine une semaine avant le lancement? « On avait aussi juste hâte de la sortir. C’est le fun d’avoir un single qui marche, mais on veut pas s’y restreindre. »
Je suis donc rassuré. Les Trois Accords ont encore du fun à jouer pour leur public, à composer ensemble, et se permettent justement des albums bonbons pour se faire plaisir. On est loin de réflexions existentielles qui remettent l’art en question, mais au final, la musique a-t-elle toujours besoin de le faire? Ou ne pouvons-nous pas tout simplement nous faire du fun en nous laissant posséder par le rythme?