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On s’aime multi-puckés

La violence romantique chantée

Par
Mélanie Couture
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I got issues de Julia Michaels, c’est une chanson que je m’époumone à chanter dans ma voiture. Ça débute avec un air qui rappelle une berceuse pour enfant, c’est bon, vraiment bon ! En gros ça dit qu’une bipolaire se matche avec un impulsif colérique qui brise tout ce qui lui tombe sur la main. Ensemble, ils s’aiment assez, sans se juger, et regroupent leurs problèmes dans un panier glorieux. En gros-gros : une mausus de bonne chanson qui dit de la belle bullshit.

C’est la passion le temps d’une portée de notes. Trois minutes de montagnes russes d’émotions qui tentent de nous convaincre que c’est le « vrai » amour. C’pas mêlant, ça donne le goût de devenir puckés pour vivre de si beaux moments.

I got issues de Julia Michaels : une mausus de bonne chanson qui dit de la belle bullshit.

Pourtant ils se polluent l’âme entre deux « je t’aime » souhaitant que trois petits mots guérissent des plaies. Ça se résume à deux personnes qui se noient et qui, avec plein de bonne volonté, se lancent mutuellement une bouée de sauvetage faite en pierre.

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Le dysfonctionnel romancé est chanté dans une trâlée de hits.
Un des plus populaires : Love the way you lie de Rihanna et Eminem qui décrit à merveille le cycle pervers de la violence conjugale. Une escalade de violence qui se rend jusqu’à la menace de mort parsemée de « je t’aime, reviens ». Le refrain : Elle tente de le quitter plus d’une fois mais aime souffrir et se faire mentir.

C’est une chanson triste qui parle de deux êtres qui souffrent mentalement. Une chanson qui devrait percuter, servir de pivot pour chavirer vers des changements plus sains, mais de façon surprenante, la dernière note se fait entendre et on veut presque qu’ils restent ensemble pour que l’amour règne dans une belle finale hollywoodienne. On rêve, quand la seule solution, c’est qu’ils se laissent et qu’ils règlent leur merde chacun de leur bord.

On ne frappe pas parce qu’on aime trop ou mal.

Pendant cinq ans, j’ai enseigné un programme de rééducation à la santé sexuelle à des femmes victimes de violences conjugales.

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On ne frappe pas parce qu’on aime trop ou mal. On frappe parce qu’on a peur. Peur de perdre le contrôle. On rabaisse car on se sent comme de la merde. On sème la terreur car on se sent faible et on préfère être faible avec quelqu’un, que faible seul. Rien ne justifie de manipuler émotivement son conjoint(e) en lui faisant subir de la violence verbale, ou de fesser dans un mur en disant : « Faut que ça sorte pis c’est mieux le mur que ta face » Et ce n’est surtout pas l’amour qui va en venir à bout.

Les femmes que j’ai rencontrées avaient tellement écopé en attendant « qu’il change » qu’elles étaient devenues incapables d’avoir des relations sexuelles à jeun avec leur conjoint. L’alcool, la drogue, les médicaments, tout pour oublier qu’elles étaient en train de payer le prix. Et lorsqu’on oublie qu’on paye le prix, on oublie aussi qui on est, ce qu’on aime et quelles sont nos limites.

Vivre un trip à trois imposé, préférer une caméra à un éclat de colère, devoir faire un copier-coller de pornographie dans son lit ou endurer son air de bœuf qui peut éclater à tout moment dans la soirée, subir des fellations violentes non désirées, avoir à choisir entre se faire traiter de pute en ouvrant les jambes ou se faire traiter de pute en mangeant un coup de pied dans l’entrejambe, devoir faire comme si c’était bon en sachant que le couteau est entre les deux matelas… Tout cela ne se fait pas longtemps à jeun et lorsqu’on entre dans les détails, ça fait ne pas des bonnes tounes non plus.

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SOS VIOLENCE CONJUGALE: 1-800-363-9010 24heures sur 24, 7 jours sur 7.

Pour lire une autre chronique de Mélanie Couture : «Jouer entre deux choix du chef»