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On rencontre des policiers du Québec en renfort aux Jeux olympiques
Bonjour, je cherche les policiers québécois?
Laurent m’avait pourtant bien dit à droite après l’entrée principale, mais je suis évidemment partie sur la gauche. J’accuse la chaleur qui nous assaille : 32 degrés sous un soleil de plomb pour un ressenti de 78 dans cette gare aux allures de verrière où l’on m’a donné rendez-vous.
C’est peut-être la chaleur, mon accent ou la candeur de ma question, les cinq policiers aux allures de durs à qui je m’adresse éclatent de rire.
-Ah, les cousiiiiins?, répond tout sourire le plus grand, soudainement un peu trop de bonne humeur.
Les quatre autres hochent la tête comme des bobbleheads, et cinq bras se lèvent simultanément, tout doigt devant.
-Faut aller de l’autre côté de la gare, à droite à côté de l’entrée principale.
Ben oui, maudit. À droite.
Je sacre (en québécois) dans ma tête et traverse le hall gigantesque de cette gare-fourmilière vers les « cousins » qui figurent parmi les 44 forces policières étrangères venues en renfort assurer la sécurité pendant les Jeux olympiques de Paris. Pas que la France ne soit pas équipée – on parle quand même d’un dispositif de 35 000 policiers et gendarmes en plus de 18 000 militaires déployés à travers la capitale – mais les autorités ont fait de la sécurité une obsession en cette période olympique tenue dans un contexte politique passablement tendu.
Ils sont donc 1800 policiers venus d’Espagne, des États-Unis, du Qatar même, réunis dans une coopération internationale sans précédent afin d’assurer la sécurité des quelques 15 millions de visiteurs attendus. Parmi eux, des Canadiens de la GRC, ainsi que 12 Québécois, dont une femme.
Opportunité de carrière
J’aperçois au loin les deux colosses qui discutent avec un citoyen.
Laurent (Sûreté du Québec autoroutier Nord) et Gabriel (Sûreté du Québec à Drummondville) ont répondu à l’appel au titre évocateur diffusé aux quatre coins du globe quelques mois plus tôt : Opportunité de carrière – Jeux olympiques de Paris. « J’ai déjà participé aux Jeux olympiques de Vancouver et à certains évènements sensibles comme le G9 et le G7 ; on m’a demandé de venir en raison de mon expérience », m’explique Laurent qui, malgré son air sympathique, pourrait certainement me mettre au tapis en un clignement des yeux.
Bien sûr, on ne débarque pas chez l’hôte des Jeux olympiques, fusil à la ceinture, sans une préparation au préalable. Comme chaque corps policier étranger venu en support, le duo a dû se plier à une mise à niveau en plusieurs chapitres.
« Nous avons suivi différentes formations », ajoute Laurent.
« Par exemple, la procédure diffère en fonction des pays, en ce qui a trait aux armes à feu et au cadre légal d’intervention. Puis, on a aussi suivi une formation sur le contexte d’une gare comme celle-ci, puisque nous n’avons pas l’habitude de patrouiller dans ces environnements, au Québec. »
Parce qu’il faut savoir qu’en France, le rapport au train est bien différent qu’en sol québécois. D’ailleurs, par gare, on est loin de Bonaventure ou Amqui, disons. Ici, on prend le train comme on va au dépanneur et la gare de Lyon, construite pour l’Exposition universelle de 1900, est la deuxième en France en matière de fréquentation avec 110 millions de voyageurs qui la traversent chaque année. À titre de comparaison, c’est l’équivalent de la population de Gatineau qui y passe tous les jours.
Ainsi, dépêcher des policiers pour la surveiller, tout comme dans les huit autres gares de Paris, c’est une maudite bonne idée, surtout quand on sait que la menace d’attentat caracole à son niveau maximal depuis déjà quelques mois.
Collaboration internationale
Par chance, le périmètre d’intervention du tandem québécois n’a que très peu de similitudes avec le quotidien de Jason Bourne. Tout comme l’ensemble des policiers internationaux déployés, Laurent et Gabriel sont surtout là pour assister les forces locales et procéder à des interpellations, à du contrôle de foule, à des arrestations pour possession de stupéfiants, l’évacuation de la gare, etc.
« Nous travaillons systématiquement en binôme avec des équipes françaises. On fait de la protection et surtout de la police de proximité. Ici, la relation entre les gens et la police est un peu différente ; nous sommes là pour aider, être à l’écoute. Il y a moins le côté répressif, disons. »
Un côté empathique commandité par ce concept de police de proximité déployé au Québec dans les années 2000, concept par lequel on vise à rapprocher l’institution policière de la population. À ce titre, Gabriel et Laurent ont pu voir ce principe en marche lorsque des milliers de voyageurs ont vu leurs trains annulés en raison d’orages violents. « Il y avait du désespoir dans les yeux des gens. Une demoiselle est venue pleurer devant moi. Nous étions là pour les accompagner à trouver une solution. »
Laurent me confie aussi avec un clin d’œil amusé être appelé en renfort sur des missions qu’il n’avait pas anticipées : « Les collègues français nous demandent aussi parfois de les aider en anglais. »
Du coup!
Même si on réserve les honneurs à ces policiers de passage – rencontres avec l’ambassadeur du Canada Stéphane Dion, soirée avec la ministre des Sports du Québec Isabelle Charest – le tandem évoque surtout les retours du public comme élément marquant de leur expérience.
« La relation que nous avons avec le public est extraordinaire. Ils sont tellement intrigués par notre accent, c’est incroyable. »
Avant de conclure notre rencontre, Laurent m’apprend qu’il prendra bientôt sa retraite et raccrochera sa veste verte après 29 années de loyaux services.
Du coup, c’est un tabarouette de belle fin de carrière.