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RĂ©cession sexuelle : les millĂ©niaux ne font plus l’amour

Les jeunes adultes ont peu de relations sexuelles, mais est-ce grave?

Par
Rose-Aimée Automne T. Morin
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Les millĂ©niaux se dĂ©sintĂ©ressent de la sexualitĂ©. Le journaliste Tristin Hopper va jusqu’à utiliser cette image frappante, dans The National Post : depuis l’avĂšnement de l’homo sapiens, jamais une gĂ©nĂ©ration n’a si peu fait l’amour.

ExagĂšre-t-il? Dur Ă  dire
 Bien franchement, je n’ai pas dĂ©nichĂ© l’étude qui prĂ©cise ce fait historique. Par contre, chose certaine : les jeunes adultes ont moins de relations sexuelles que ceux des deux gĂ©nĂ©rations qui les ont prĂ©cĂ©dĂ©s.

En gros : on baise moins que nos parents et que nos grands-parents.
Minimum.

Tout a commencĂ© avec la publication d’une Ă©tude dans le Archives of Sexual Behavior, en 2016. On y dĂ©couvrait que les personnes nĂ©es dans les annĂ©es ’80 et ’90 feraient moins l’amour – et ce, avec moins de personnes – que les X et les boomers. Depuis, plusieurs articles sur le sujet Ă©mergent sporadiquement, analysant chacun diffĂ©remment ce phĂ©nomĂšne.

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Telle une guide de la chute du dĂ©sir, j’ai donc entrepris de recenser les nombreuses hypothĂšses avancĂ©es pour expliquer notre manque d’enthousiasme coĂŻtal. Voyez cet article comme un WikipĂ©dia de la rĂ©cession sexuelle (et au passage, remerciez la journaliste Kate Julian pour la crĂ©ation de cette triste appellation
).

L’attirance au temps du numĂ©rique

Dans son papier, Hopper souligne d’abord un point important : les applications de rencontre offrent d’intĂ©ressantes opportunitĂ©s sexuelles aux trĂšs belles personnes, mais elles laissent les autres de cĂŽtĂ© – tsĂ©, toutes celles jugĂ©es normales selon les absurdes standards de beautĂ© imposĂ©s (soit la grande majoritĂ©)?

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C’est difficile de faire valoir notre intelligence, notre charisme, notre sens de l’humour, notre sex-appeal ou notre grande bienveillance sur des sites basĂ©s uniquement sur le paraĂźtre. Mais comme ce sont souvent ces mĂȘme outils qu’on emploie pour rencontrer, ben on se visite moins la couchette.

Sans oublier que les milléniaux seraient plus soucieux de leur apparence que les générations précédentes


Dans un fascinant article publiĂ© par The Atlantic, Kate Julian remarque que se sentir inconfortable n’est pas trĂšs bon pour la libido. Elle cite ensuite l’abolition des douches obligatoires post-cours d’éducation physique comme facteur ayant contribuĂ© Ă  notre inhibition corporelle.

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En mettant de cĂŽtĂ© les douches de vestiaires au milieu des annĂ©es ’90, peut-ĂȘtre que les institutions scolaires ont laissĂ© aux ados la porno pour seule reprĂ©sentation de nuditĂ©. Et ça, ça n’aide pas Ă  avoir confiance en soi.

ParallĂšlement, il ne faut probablement pas sous-estimer l’impact de notre Ă©poque filtrĂ©e et des insĂ©curitĂ©s qu’elle peut gĂ©nĂ©rer
 Parce que cĂŽtoyer quotidiennement une trĂąlĂ©e de corps photoshopĂ©s, ça n’encourage pas tant la nuditĂ© non plus.

Faire l’amour dans le sous-sol de nos parents

Les AmĂ©ricains dans leur jeune vingtaine ont 2,5 fois plus de chances d’ĂȘtre abstinents que les membres de la gĂ©nĂ©ration X, au mĂȘme Ăąge. Et 15% d’entre eux n’ont eu leur premiĂšre relation sexuelle qu’une fois majeurs.

À noter : un AmĂ©ricain sur trois ĂągĂ© de moins de 30 ans habite toujours chez ses parents. Le marchĂ© immobilier est rough, les salaires stagnent, on est endettĂ©s et on part donc plus tard du confortable foyer familial.

Au fond, peut-ĂȘtre qu’on ne trippe juste pas Ă  faire l’amour dans le sous-sol de nos parents


On s’aime moins longtemps

Selon la sociologue Lisa Wade, rencontrĂ©e par Kate Julian, les jeunes adultes ont davantage de relations sexuelles lorsqu’ils sont dans une relation Ă  long terme. Or, plus que jamais, les adolescents sont invitĂ©s Ă  se concentrer sur eux-mĂȘmes : leur rĂ©ussite scolaire, professionnelle, personnelle. Bref, ils s’engagent moins rapidement.

Et ça, ce n’est pas si nĂ©gatif, quand on y pense.

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On baise moins par contrainte

Parlant de positif : on ne se sent peut-ĂȘtre juste plus obligĂ©(e) Ă  la sexualitĂ©. C’est du moins l’idĂ©e qu’avancent certain(e)s expert(e)s. On parle aujourd’hui beaucoup plus de consentement, de fluiditĂ© sexuelle et d’asexualitĂ©. Ce qui aurait autrefois Ă©tĂ© une relation sexuelle s’arrĂȘte parfois maintenant Ă  un baiser, un texto ou un « non ». Et c’est parfait.

On commence peut-ĂȘtre simplement Ă  se respecter


On gĂšre moins le risque

L’économiste Allison Schrager a pour sa part une toute autre thĂ©orie. Dans un article du Independent, on apprend que selon elle, la baisse de sexualitĂ© des millĂ©niaux pourrait s’expliquer par une piĂštre gestion du risque.

Elle avance que Notre gĂ©nĂ©ration a davantage peur du risque que les prĂ©cĂ©dentes et que la meilleure option pour ne pas croiser le moindre danger, c’est de rester chez soi.

Ça tombe bien, la technologie nous le permet!

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On peut regarder Netflix, liker, commenter ou jouer en ligne autant qu’on veut, tout en ayant l’impression de rĂ©pondre Ă  nos besoins sociaux sans croiser rĂ©ellement grand-monde. Dans ce contexte, fourrer devient bien secondaire, non?

On se masturbe davantage

C’est un fait : on se touche plus. Entre 1992 et 2014, le nombre d’AmĂ©ricains qui se masturbent hebdomadairement a doublĂ©. Il y a la porno, les vibrateurs, nos doigts, les pĂȘches sans noyau
 Bref, on a tout ce qu’il faut sans recourir Ă  l’aide de qui que ce soit.

Pratique, et peu engageant.

Mes deux cennes

Je n’ai pas de formation particuliĂšrement pertinente pour me prononcer sur cet enjeu, or quand vient le temps de parler de fesses, j’ai bien de la misĂšre Ă  me retenir de donner mon opinion. Voici donc : moi, ce que je me demande, c’est si Ă  une Ă©poque oĂč on tente ardemment de redĂ©finir l’intimitĂ©, ce n’est pas normal de peser sur le brake.

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J’ai rarement eu aussi peu de libido qu’à l’éclosion de scandales sexuels. Je n’ai pas la moindre pulsion quand je revis mes #metoo, quand je vois mes consoeurs perdre leur droit Ă  l’avortement, quand je lis que des politiciens canadiens n’écarteraient pas la possibilitĂ© de s’immiscer dans mon corps, quand on me rappelle que la violence domestique fait des ravages partout dans le monde ou encore qu’un gĂ©nocide de femmes autochtones se dĂ©ploie ici mĂȘme.

Je pourrais continuer cette liste longtemps, mais j’imagine que vous comprenez ce que je veux dire.

Dans une Ă©poque d’attention accrue – et nĂ©cessaire – sur les violences de l’intime, ça peut ĂȘtre rassurant de se tourner vers le self-care. Et ce, jusque dans nos culottes.

Peut-ĂȘtre que la confiance n’est pas Ă  son top.

Peut-ĂȘtre qu’une sexualitĂ© Ă  plusieurs, ça se gagne.

Peut-ĂȘtre qu’aujourd’hui, elle est plus difficile Ă  mĂ©riter


Qui sait?

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