Logo

On ne devrait pas avoir à stresser pour se loger

Quelques témoignages qui démontrent que la crise du logement n'est pas seulement une question de chiffres.

Par
Élisabeth Labelle
Publicité

L’autrice est une locataire engagée et l’instigatrice de Maison en deuil, une initiative de partage qui vise à humaniser la crise du logement et son impact sur la santé mentale.

***

On soulignait cette semaine la Journée mondiale de la santé mentale et suivant cela, j’avais envie qu’on s’attarde à la détresse psychologique engendrée par la crise du logement.

La semaine dernière, un regroupement de 25 médecins sonnait l’alarme en raison des répercussions de la crise sur la santé physique et mentale de leurs patients et patientes.

Ne pas avoir assez d’argent pour ses médicaments à cause d’un loyer trop cher. Avoir des infections respiratoires à répétition à cause d’un logement insalubre. Souffrir d’anxiété généralisée.

Au sein de la population québécoise, cette anxiété est souvent généralisée. Je la vois autour de moi. Je la ressens moi-même. Depuis la création de Maison en deuil, j’ai reçu une centaine de témoignages qui confirment que la détresse est réelle, et qu’elle est partout. Dans toutes les régions du Québec, chez les plus vulnérables et la classe moyenne.

Publicité

J’aimerais me servir de cette tribune pour en partager quelques-uns avec vous.

Quand on parle d’habitation, on parle souvent de chiffres. Mais derrière ces chiffres, il y a des drames humains.

Il y a des deuils : d’une maison, d’un logement abordable, d’un quartier. Et, bien souvent, ce sont les femmes qui sont les plus durement touchées.

Manon* de Lanaudière a été sans adresse fixe pendant plusieurs années, choisissant de vivre en camping l’été pour économiser quelques mois de loyer. Maintenant dans la soixantaine, elle anticipe de se retrouver à la rue ou de devoir dépendre de quelqu’un pour l’accueillir.

Julie* de Montréal n’a pas les moyens de se séparer. La trentenaire ne subit pas de violence, mais il n’y a plus de joie ou d’amour au sein de son couple. Pour le moment, elle et son partenaire vivent encore sous le même toit parce qu’ils ne peuvent pas se permettre d’avoir chacun un logement assez grand pour deux enfants.

Publicité

Alejandra* de Chaudière-Appalaches planifiait fonder une famille et travailler de la maison dans le petit nid qu’elle avait créé, mais son propriétaire en a décidé autrement. Une reprise de logement l’a forcée à devoir quitter son 5 ½ alors qu’elle était enceinte. Son déménagement est prévu pour sa 36e semaine de grossesse.

Charlotte* de Montréal est en arrêt de travail depuis quatre mois parce qu’elle souffre de dépression en raison de problèmes que lui font subir ses propriétaires. Il y a un an, elle parlait à ses filles d’une petite maison avec un jardin. Maintenant, elle doit trouver les bons mots pour laisser présager qu’elles vivront dans beaucoup plus petit et qu’elles auront à partager la même chambre.

Joëlle* des Îles-de-la-Madeleine est exaspérée par la situation du logement dans sa région. Il est très difficile de s’y loger à l’année en raison de la saison estivale. La population insulaire quadruple avec l’arrivée des touristes et beaucoup de locataires doivent alors quitter leur logement.

Publicité

Émilie* de Montréal a peur de contacter son propriétaire qui a un tempérament agressif et imprévisible. Il n’est pas très heureux du bail qu’elle a repris. Malgré des problèmes importants, comme une fuite d’eau dans son appartement, il la laisse souvent sans réponse. La trentenaire aimerait bien déménager, mais son salaire d’enseignante ne lui permet pas de se reloger dans le même quartier.

Si vous ressentez de l’anxiété, de la peur, de l’anticipation, de l’exaspération, de la colère, de la tristesse ou du rejet à cause de votre situation en matière de logement, sachez que vous n’êtes pas seul.e. Maison en deuil est un lieu de partage et de soutien, mais d’autres avenues existent pour obtenir de l’aide psychologique et communautaire.

En attendant que les décideurs se décident, on prend soin de sa santé mentale comme on peut.

*Prénoms fictifs pour protéger l’anonymat des témoignages.