Un de mes concerts les plus mémorables de VICTIME remonte à début 2017. Au beau milieu d’une nuit complète de musique dans un sous-sol d’église chapeauté par l’étiquette Jeunesse Cosmique, le band se faisait aller le punk déconstruit qu’on lui connaît. Outre les textures gratte-tympans de guitare de Simon Provencher et les rythmiques pointillistes de Samuel Gougoux, l’espièglerie de Laurence Gauthier-Brown m’allait droit dans le sourire.
Autant dans son playing incisif de basse que dans ses exhortations vocales, la frontwoman trouvait les notes et les mots justes pour me faire bouger. « Pliez les genoux, pliez les genoux. Levez les bras, levez les bras », s’entêtait-elle à lancer à un public définitivement conquis, mais peu enclin à suivre ses indications.
Fast-forward début 2019. Le EP Mi-tronc Mi-jambe s’apprête à sortir sur Michel Records. « Bouge pas, surtout pas, détends-toi », nous lance-t-elle sur Diego, une sorte de Launderette moderne (d’une Vivien Goldman qui aurait grandi en banlieue de Québec dans les années 90). Tout au long de sa pétillante discographie, VICTIME semble avoir une fixation sur le corps et ses possibilités. Des paroles dignes de routine de work-out, des titres de chanson comme Fatigue ou Brocher un doigt et finalement un nom de EP tout à fait à point me poussent à leur poser quelques questions sur nos amis les organes.
Si vous aviez à faire un top 5 des parties du corps humain, ça serait quoi?
Simon : C’est certain que les yeux sont dans le top 5. J’ai beaucoup de respect pour nos fans aveugles et jamais je ne voudrais les offenser, mais une des choses que je voudrais le moins perdre, c’est ma vue.
Laurence : En même temps, devenir sourd c’est la pire affaire pour un musicien, donc on met les oreilles dans le top 5. Même si on joue sans bouchons.
Simon : En fait j’utilise la bonne vieille technique du papier de toilette. Mais là j’y pense, pis pas avoir de pied pour un musicien, ça peut-être vraiment poche. Après une sale débarque en sortant de l’autobus l’autre jour, je me suis demandé comment je jouerais sans jambes. J’imaginais une manière d’activer les effets de mes pédales avec mes coudes. Mais les coudes sont pas si importants. En tout cas pas autant que les mains.
Laurence : En même temps le drummer de Def Leppard a juste un bras.
OK, mais parlant de pieds et de jambes, à quel point c’est important pour vous de faire danser votre public?
Simon : les gens sont plutôt stoïques à nos spectacles, mais on aimerait ça. Dans ma tête, VICTIME c’est dansant. En réalité, ce l’est pas tant. On veut quand même aller là avec le prochain matériel.
Laurence : Je dirais que le public a levé les bras et plié les genoux peut-être à deux reprises. Mais celle-là on ne la fait plus en show.
Simon : On est en train de plancher sur deux nouvelles tounes pour un projet mystère. La direction est vraiment plus funk.
Laurence : Ou pas nécessairement plus funk, mais plus groovy.
Simon : Plus comme le côté funky du post punk à la Liquid Liquid, ou A Certain Ratio. Avec des riffs minimaux.
Laurence : Pendant notre dernière tournée en France on a écouté beaucoup de Talking Heads, spécifiquement deux ou trois albums. On s’est dit qu’on aimerait aller piger dans cette ambiance-là. En fait, on aimerait faire un album tropical. À suivre.
Puis si on revient au top 5 des parties du corps, on en serait rendu où?
Laurence : Quand j’étais à l’université, il y avait un étudiant en contrebasse qui s’est fait assurer ses mains. Faut vraiment que tu penses que t’es hot pour t’assurer les mains.
Simon : Hey, mais les poumons aussi c’est important.
Laurence : Les poumons.
Simon : Fuck.
Laurence : La respiration est très inspirante dans VICTIME *Simon inspire pour souligner le jeu de mots*. J’ai dû apprendre à chanter différemment parce que je rote sans arrêt sinon. D’ailleurs les dernières chansons sont plus difficiles à chanter parce qu’on va à la limite de ce qu’on est capable de jouer. C’est juste le fun. Je sais pas encore si je peux chanter les parts des deux tounes mystères et jouer ma basse en même temps. En studio je finis par avoir le souffle court. En enregistrant mon vocal sur une des nouvelles chansons, je suis tombée par terre en manquant d’air.
Simon : Fuck off, tu refais la take.
*rires*
D’ailleurs, comment ça se passe la composition, l’enregistrement, etc.? Est-ce que VICTIME est un projet jammé?
Simon : Je n’utiliserais pas le terme jammé. Plutôt « composé avec les instruments dans les mains ». Souvent on trouve un premier riff à la guit. Des itérations ensuite avec Samuel au drum.
Laurence : Et là je trouve une bonne ligne de basse et les boys changent leurs parts pour s’adapter à moi. J’écris les paroles sul’ fly en studio.
Est-ce qu’on parle ici d’écriture automatique?
Laurence : Écriture automatique, oui et non. En mode automatique, je trouve deux bons termes qui fittent bien ensemble et le reste vient rapidement. Il n’y a pas de sens profond.
Simon : Toute la musique est composée avant, ce qui fait que l’instrumental est tout fini et que pendant que je fais des mixes, Laurence écrit les paroles.
Laurence : Dans les toilettes du Pantoum.
Simon : Le même jour où on enregistre les voix. Pour Mi-tronc mi-jambe, en une semaine le EP était fait.
Laurence : Un avant-midi, une toune.
Simon : Notre façon de faire est finalement contre-intuitive quand on se compare aux autres bands/projets. Mathieu Arseneault (de Technical Kidman, entre autres) a déjà collaboré avec nous et il était frustré qu’on se tape le même riff pendant 30 minutes.
Mais depuis vos débuts, outre le niveau de difficulté, qu’est-ce qui a changé?
Laurence : Les influences et ce qu’on veut faire de notre musique. À nos débuts on aimait ça plus harsh noise rock nineties. Shellac, Sonic Youth, le mouvement Riot Grrrl. C’est encore là, mais VICTIME est définitivement moins noise rock. En live c’est fort. On fait nos tounes plus fortes et plus fuzzy live mais elles sont composées plus groovy, elles sont plus techniques, plus extrêmes.
Simon : Il faut dire que la poussée pour faire ça vient de projets récents. Le nouvel album de Fet.nat.
Laurence : Vraiment bon.
Simon : Il y a aussi Crack Cloud et Guerilla Toss (NDLR : j’avais d’abord compris Gary Latos et j’ai vraiment longtemps cherché sur Google). C’est rien de nouveau. Des idées des années 80 qui ont été mises de côté sans être explorées jusqu’au bout et qui reviennent, cette fois plus en profondeur. Disons qu’on est retournés dans le passé pour mieux se souvenir du présent. *Simon est vraiment fier de sa phrase*.
Laurence : Mono No Aware, à Montréal, est un autre exemple de ça.
Pis si on revient à notre fameux top 5 de parties du corps, on dit quoi?
Laurence : Que si les poumons vont pas, crisse que tu vas pas.
Simon : Mais le cœur, lui?
Laurence : Le cœur, okkk, mais si y’arrête de battre, au final tu t’en rends pas trop compte. Pareil pour le cerveau.
Simon et Laurence:
1.OREILLES
2.MAINS
3.YEUX
4.PIEDS
5. POUMONS
Simon : Et on parlera pas de la fêlure de côtes de Laurence.
Laurence : Ni de l’histoire de l’anus de Simon, avec l’entonnoir.
Simon : Oh non, ma mère serait pas fière.
Le prochain EP de VICTIME, Mi-Tronc mi-jambe, sortira le 8 mars 2019 sous Michel Records au Canada et October Tone en France. Lancement le 21 mars à la Brasserie Beaubien et le 23 mars au Pantoum.
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