On a jasé avec une astrologue pour comprendre c’est quoi l’affaire avec Mercure rétrograde?

« Les gens répondent donc bien pas à mes courriels aujourd’hui! », que je me suis exclamé plus souvent qu’à mon tour, depuis le milieu de la semaine. « Je pense que je vais devoir changer de sujet, ou revoir mon angle d’approche, parce que ça va pas du tout. »

Mon collègue François, assis à plusieurs mètres de moi, me lance: « Hey, moi aussi je trouve que c’est un peu le bordel cette semaine! »

Je le fixe avec mon regard le plus sérieux et witchy: « C’est normal: Mercure rétrograde! »

Si François avait pu rouler des yeux plus que ça, je pense qu’il aurait perdu à tout jamais le sens de la vue. Il me demande, le plus simplement du monde: « OK, mais c’est quoi l’affaire avec Mercure rétrograde, là? Il me semble que tout le monde parle de ça. Même Marie-Louise Arsenault (l’animatrice de Plus on est de fous, plus on lit et Dans les médias) a fait un statut Facebook là-dessus cette semaine! »

Je prends la question de François comme une véritable mission: j’appelle une astrologue, Mademoiselle Lili.

« La rétrogradation d’une planète, c’est une illusion d’optique, m’explique d’emblée Mademoiselle Lili. Il fut une époque où l’on croyait que la Terre était au centre de l’univers, et que les autres planètes tournaient autour d’elle. Quand on dit qu’une planète rétrograde, c’est quand on a l’impression que sa trajectoire ralentit et même qu’elle recule, du point de vue de la Terre. Pour être plus précise, la Terre fait le tour du soleil en 365 jours, alors que Mercure le fait en 88 jours. Donc, trois fois par année, pendant environ trois semaines, Mercure nous donne l’impression de ralentir puis de reculer. »

L’astrologue illustre le phénomène en utilisant la métaphore d’un train: « Tu sais quand on est dans une auto en marche et qu’on dépasse un train, pendant quelques instants, on a l’impression que le train recule. Mais c’est seulement parce que son mouvement est plus lent que le nôtre. C’est la même chose avec les planètes. »

Maintenant que je saisis mieux le phénomène d’un point de vue pragmatique, qu’en est-il de l’influence de Mercure en rétrograde sur notre quotidien? « Mercure, c’est la planète qu’on associe aux communications, affirme l’astrologue. Quand elle est en phase rétrograde, ça a une influence sur le commerce, les transactions, les courriels, les conversations, les contrats, bref tout ce qui touche à la sphère communicationnelle. On observe des bugs, des affaires qui marchent pas, des e-mails qui se rendent pas, des discussions qui virent tout croche, des problèmes avec internet, avec le son, etc. »

J’éclate de rire et je raconte à Lili que ce matin-là, la première chose que j’ai entendue en allumant la radio, c’est Patrick Masbourian, à son émission Tout un matin, dire: « Allô? Allô? Philippe-Audrey Larrue-St-Jacques… m’entendez-vous? Allô? Bon, il semblerait que notre collaborateur ne soit pas au bout du fil! »

« C’est exactement, le genre de choses qui se produit fréquemment quand Mercure rétrograde. Regarde, même Twitter a été en panne mondiale pendant deux heures hier (le jeudi 15 octobre)! », me fait remarquer Mademoiselle Lili.

Elle ajoute également que Mercure sera en rétrograde jusqu’au 3 novembre, et que la planète se trouve actuellement dans le signe du Scorpion. Selon l’astrologue, si vous avez un contrat à signer, un gros achats à faire, une discussion importante ou délicate à avoir, c’est peut-être mieux d’attendre après cette date-là. « Le signe du Scorpion représente l’inconscient, le pouvoir personnel, les pulsions, les secrets. En plus, en ce moment, Uranus, la planète associée aux choses qui arrivent subitement, est en opposition à Mercure, dans le signe du Taureau. Donc on a Mercure qui crie “Allô, allô, je m’exprime!” face à Uranus qui répond “Salut, je vais tout changer sans que tu t’y attendes!”. C’est pas mal électrisant comme énergie. Donc, laisse-moi te dire que les élections américaines, qui ont lieu pile le 3 novembre, ça va être un beau shit show! » Quand les astres rencontrent la politique!

En discutant avec Mademoiselle Lili, je réalise que, ayant fait partie de différentes équipes de travail dans différents médias dans les dernières années, le concept de Mercure rétrograde fait vraiment partie de mon imaginaire. « C’est normal, tu travailles dans les médias, donc dans les communications au sens large », me lance Lili.

C’est vrai que quand un.e invité.e annule une entrevue au dernier moment, que personne ne répond à nos appels ou nos courriels, que rien ne va comme on veut, c’est assez fréquent d’entendre quelqu’un lancer « Maudite Mercure! ». C’est exactement ce que j’ai reproduit avec mon collègue François. Et je ne suis pas la seule à propager la nouvelle astrologique. Selon mes sources, c’est Sébastien Cantin qui aurait été un des premiers à parler des effets sournois de Mercure rétrograde dans la tour de Radio-Canada.

« Il y a 8 ou 10 ans, c’était vraiment une tendance répandue d’invoquer l’influence de Mercure sur notre travail et notre quotidien, me confie Sébastien Cantin, recherchiste pour l’émission Tout le monde en parle. Je sais qu’il n’y a rien de scientifique là-dedans, mais c’est vrai qu’on remarquait que les choses accrochaient plus pendant ces périodes-là: de la difficulté à joindre des invité.e.s, des dé-bookings à la dernière minute, de la confusion, des communications ardues, des bugs techniques de toutes sortes. Depuis, l’équipe de TLMEP a changé et on en parle moins aujourd’hui, mais c’est vrai que plusieurs équipes de travail à Radio-Canada accordent une certaine importance au mythe de Mercure. Elle devient une sorte de bouc émissaire quand les choses ne vont pas comme on voudrait! », me raconte Sébastien, qui a lui-même consulté des astrologues à quelques reprises.

Je confirme: pour avoir moi-même travaillé à Radio-Canada, c’est quelque chose que j’ai entendu souvent. L’ancienne équipe de Christiane Charette est d’ailleurs connue pour son côté witchy et son penchant pour l’ésotérisme. Et il y a quelques mois, sur le plateau de l’émission Bonsoir bonsoir, à Radio-Canada, Véronique Cloutier a lancé à Jean-Philippe Wauthier: « Mercure ralentit sa trajectoire trois semaines, trois fois par année et ça a un impact sur nous ».

Depuis quelques années, l’astrologie est absolument partout: les réseaux sociaux croulent sous les mèmes et les comptes consacrés à l’horoscope. Co-Star, une application d’astrologie extrêmement populaire auprès des millénariaux, a été téléchargée plus de trois millions de fois depuis sa création en 2017 (3 millions + 1 depuis jeudi midi, parce que j’ai convaincu François d’installer l’appli) et je remarque de plus en plus de gens qui indiquent leur lune et leur ascendant dans leur bio Tinder et Instagram. Comment ça?

Merde! J’ai oublié de poser cette question-là à Mademoiselle Lili. Je la rappelle!

« Tu as oublié une question tout à l’heure? Classique Mercure! », me lance Lili en riant, en répondant au téléphone pour la deuxième fois. Elle poursuit: « Selon moi, l’astrologie, ça donne un sens. Je trouve qu’il faut être courageux pour croire en rien. Quand on y pense, d’un point de vue philosophique, le fait qu’on soit vivant, sur Terre, ça n’a pas de sens. Donc les planètes, l’astrologie, la magie, ce sont des guides, qui peuvent nous aider à nous positionner et nous donner des clés d’introspection. »

La fin de ma (deuxième) discussion avec Mademoiselle Lili me rappelle ma conversation de jeudi midi avec le toujours sceptique « François-Bélier-ascendant-Balance-lune-en-Cancer », alors que je m’amusais à lui lire et à analyser sa chart sur Co-Star: « Le fait de croire ou de pas croire à l’astrologie, c’est pas ça qui est important selon moi. Ce que je trouve intéressant, c’est qu’on vient de passer 10 minutes à parler de toi, tu t’es positionné face à ta personnalité, à savoir que oui, tu te considères comme quelqu’un qui a besoin de sécurité, mais que non, tu n’as pas l’impression d’être passif-agressif. On vient de créer un espace d’introspection, c’est beau, non? », que je lui dit, pleine d’assurance avec ma pointe d’ironie de femme scorpion.

C’est la même chose pour Sébastien Cantin, le recherchiste de Tout le monde en parle: « Qu’on croit ou non aux influences réelles de Mercure rétrograde, quand j’étais entouré de gens qui en parlaient régulièrement, ça créait souvent des moments d’échange sur nos méthodes de travail, sur nos projets, nos pratiques, nos aspirations, etc. »

Je ne sais pas si je serais prête à jurer que les effets de Mercure sont bien réels, que c’est ma lune en Taureau qui me rend loyale envers mes ami.e.s et que je ne serais pas game de signer un contrat d’ici au 3 novembre. Mais si tout ça me donne l’occasion de faire des introspections, de réfléchir à ma place dans le monde et d’avoir des conversations intimes avec les personnes de mon entourage, je continuerai volontiers d’avoir la tête dans les étoiles.

Bon Mercure rétrograde!