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Odeur de Subway et marketing olfactif

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Aller manger au Subway en cachette, c’est impossible. Vous aurez beau raconter que vous avez été dans cette mignonne boulangerie indépendante chercher un sandwich, votre odeur vous trahira : il émanera de vous des effluves de pain et de levure très caractéristiques… et vous allez “sentir le Subway”.

J’ai questionné mon entourage : cette odeur est à double tranchant.

Alors qu’elle “donne l’eau à la bouche” à certains et que d’autres confessent même qu’elle leur donnerait envie de manger un six pouces steak et fromage dans un Home Depot à 9h le matin, pas mal de monde dit plutôt la détester, tout particulièrement ceux qui y ont déjà travaillé. “J’avais une brassière dédiée à être utilisée lorsque je travaillais au Subway, étant donné qu’elle en conservait l’odeur…” nous confie même une courageuse qui fut sandwich artist pendant trois ans.

Cette odeur, comme tout phénomène un brin notable, alimente nombre de théories conspirationnistes. On prétend que des ventilateurs la diffusent à des endroits stratégiques dans la ville pour attirer la clientèle, ou encore qu’il s’agit en fait de l’odeur de l’âme de Jared (cette énumération mérite de se terminer ici).

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La compagnie soutient toutefois qu’il ne s’agit que du pain qui cuit, ce qui est, convenons-en, quand même crédible. Il est assez normal qu’il flotte dans les boulangeries, les restaurants, les cafés ou encore les boutiques de parfum et de savon l’odeur des produits vendus.

Mais qu’en est-il des endroits qui vendent des services qui n’ont aucune odeur? Sont-ils automatiquement privés du pouvoir de séduire leurs potentiels acheteurs par le nez?

Que nenni. Déjà fort bien développé en Europe et en Asie, le marketing olfactif gagne de plus en plus de terrain au Québec. “Il a été prouvé que les odeurs ont un grand impact sur le consommateur, ainsi que sur ses émotions”, souligne d’ailleurs Jonathan Rasier, propriétaire de l’agence ISens Canada, compagnie basée à Laval qui réussit à vivre exclusivement du marketing olfactif. “On est un peu en retard au Québec, mais en Europe, par exemple, toutes les boutiques ont leur odeur, leur logo olfactif, ça fait partie de leur emblème.”

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C’est cette signature olfactive que l’agence de marketing se charge de créer, avec une équipe de parfumeurs spécialistes, toujours en tenant compte des clients de l’endroit. “Par exemple, notre client l’hôtel Ritz-Carlton a une clientèle qui n’est pas particulièrement jeune, et qui est régulière depuis des années. C’est aussi un emblème de Montréal, on veut une identité qui reflète cela.”

Et comment ça se traduit ça, en odeur?

Difficile à dire pour le quidam moyen. Les spécialistes ont tranché : thé blanc et gingembre!

Hôtels, institutions financières, compagnies aériennes, magasins ou encore centres de conditionnement physique font partie des clients sur lesquels peut compter une agence de marketing olfactif. Ce n’est pas pour rien : les recherches récentes qui démontrent l’efficacité du marketing olfactif sont nombreuses, et dénotent des hausses des ventes, une impression d’avoir passé moins de temps dans le magasin ainsi qu’une meilleure conception de l’image de la compagnie.

Mais je pense à mon frère qui me racontait l’autre jour à quel point sa visite au David’s Tea pour acheter une jolie tasse à sa copine relevait d’un acte de bravoure, puisqu’il avait dû affronter l’odeur “nauséabonde” (selon lui) de la boutique. Plusieurs magasins semblent effectivement avoir une relation olfactive “amour ou haine” avec leurs consommateurs, tout dépendant de ceux-ci. Le David’s Tea ou le Subway en sont de bons exemples, mais les magasins de parfums ou les quincailleries divisent aussi la population.

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Les compagnies “sans odeur” n’ont-elles donc pas peur de développer involontairement des effluves qui feraient fuir la clientèle?

“Il y a environ 2 % de chances que vous tombiez sur des personnes qui n’aiment pas l’odeur. Les goûts, ce n’est pas à discuter. Mais il faut faire attention aussi d’emmener l’odeur de façon subtile. On ne veut pas être comme un rayon de parfums qui frappe dès l’entrée, on veut que les gens cherchent d’où l’odeur vient. Il faut respecter l’air, pas le saturer”, nuance Jonathan Rasier.

Adieu le swing et la friture

Pour certaines compagnies, la principale préoccupation est surtout de ne pas puer. “Il y a un gros marché pour ce qu’on appelle les neutralisants. Les gens appellent parce qu’ils ont des problèmes d’odeurs, par exemple avec la friture dans un restaurant ou avec l’odeur de la sueur dans les vestiaires d’un gymnase”, explique Pascal Desjardins, coordonnateur multimédia pour le système Aromaestro.

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Ce diffuseur d’odeurs (parfumées ou neutralisantes) permet à son propriétaire de régler la diffusion à distance, sur internet. Il pourra ainsi l’allumer, l’éteindre ou encore augmenter le débit, peu importe où il se trouve. Dans les prochaines années, on aimerait aussi pouvoir faire en sorte qu’une même machine puisse gérer plus d’une odeur. “Certaines entreprises veulent par exemple le matin une odeur de pain frais et de café, et plus tard en journée de la menthe et du basilic, quelque chose de plus herbal…” poursuit Pascal Desjardins.

L’Aromaestro, qui envoie un courriel lorsque la cartouche olfactive est sur le bord d’être vidée, est pas mal techno. Il faut dire que les innovations ne manquent pas en termes de marketing olfactif.

De la microencapsulation pour rendre les cartes d’affaires ou le courrier odorant, de l’eau de toilette pour les hôtesses de l’air d’une compagnie aérienne, des clés USB qui diffusent des odeurs, un téléphone mobile qui émet des signaux olfactifs à la réception d’un message texte… les exemples sont nombreux.

Ces stratégies nous semblent toutefois un peu étrangères.

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“Au Canada, il y a beaucoup d’éducation à faire, les gens ont des a priori”, souligne d’ailleurs Pascal Desjardins. “Par exemple, certaines femmes enceintes ont peur de l’impact des odeurs sur le développement de leur bébé, d’autres ont peur que ça leur donne mal à la tête…” énumère-t-il avant de préciser que son entreprise suit les normes de l’International Fragrance Association.

Si la tendance se maintient, on devrait convoiter de plus en plus nos jolis nez, que l’on s’en rende compte ou non.

Fausse représentation?

Un hôtel qui sent bon, c’est bien chouette. Mais vous sentiriez-vous floué si vous saviez que l’odeur de pain frais de votre boulangerie préférée est fabriquée en laboratoire, et que le pain usiné et préemballé qu’on vous vend n’a rien à voir avec celle-ci?

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Si vous avez répondu oui, vous avez bien raison, car il s’agit de fausse représentation, ce qui est d’ailleurs proscrit par la loi. “On ne rentre pas dans ce type de marketing, parce que ça peut induire en erreur le client. Si une poissonnerie sent le poisson frais grâce à une odeur synthétique, on croira que le poisson est frais alors qu’il ne l’est pas nécessairement. On ne joue pas avec ça”, précise d’ailleurs Jonathan Rasier.

C’est bon à savoir. Après tout, au palmarès des odeurs désagréables, celle de la supercherie ne cède pas sa place…

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