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Ça a résonné dans ma tête et sous mon crâne qui portait encore et toujours une casquette ce jour-là. Comme si je venais de découvrir tout ce que je devais réellement à toutes les casquettes de ma vie qui se sont succédées, tant bien que mal, sur mon crâne de mes 3 ans jusqu’à maintenant.
À vrai dire, j’ai eu des hauts et des bas avec ces différents couvre-chefs qui avaient aussi le mérite de cacher mon fameux “épi de milieu de crâne” (help). Jusqu’à l’adolescence et l’éclosion de mon premier bouton d’acné, tout se passait plutôt bien, je portais diverses casquettes quasiment en tout temps, pour le fun et pour le style. Pour mettre mon regard à l’abri aussi, maintenant que j’y réfléchis. Pour me sentir moi-même, tout simplement. C’est une casquette qui m’a d’ailleurs permis de réaliser qu’on me prenait pour un « garçon manqué »… parce que j’en portais une (souvent à l’envers). Je me souviens surtout m’en foutre royalement de ces dénominations qu’on me trouvait. J’étais juste bien dans mes baskets (des Air Max, oui).
Et puis, arrivée au lycée avec son lot de normes genrées à respecter (au risque d’en chier), j’ai eu de plus en plus de mal à arborer fièrement une casquette sur mes (trop) longs cheveux blonds. Phénomène paradoxal puisque c’est le moment où j’en aurais pourtant eu le plus besoin. Ne serait-ce que pour cacher un excès de sébum, mes yeux dans le vide en cours de maths/économie/géographie, ma passion secrète pour telle camarade, etc. Mais non, à cette époque, difficile d’assumer la moindre extravagance, ne serait-ce qu’une simple casquette. C’était sortir du lot, faire des vagues, bref, trop exister.
Et puis l’eau a coulé sous les ponts, les moeurs n’ont pas beaucoup évolué mais, peu à peu, j’ai appris à sortir du lot sans trop me faire remarquer. Jusqu’à ce rendez-vous chez le coiffeur où, sur un coup de tête (sans mauvais jeu de mots), j’ai demandé à la coiffeuse qu’elle me rase la moitié du crâne. Option radicale, certes, mais nécessaire pour tenter de m’affirmer, de m’afficher sans nécessairement en avoir conscience d’ailleurs. Sans parler du blond platine sur les cheveux “longs” qui me restaient. Bref, pire option possible pour passer inaperçue.
Tout ça pour dire que l’achat d’une casquette me paraissait, tout à coup, bien moins extravagant. Ça devenait une protection. « Cachez ce crâne rasé qu’on ne saurait voir. Et cette allure de lesbienne pas du tout refoulée. » Petit à petit, j’ai donc renoué avec mes premiers amours : les casquettes. Mais cette fois, elles m’aidaient clairement à passer incognito, à me faufiler dans les mailles/failles de la société. À me faire passer pour ce que je n’étais pas mais qui me garantissait qu’on me laisse tranquille. Surtout avec la capuche sur la casquette.
C’est en arrivant au Canada que mon âme d’enfant s’est réveillé, que mon rapport aux casquettes est redevenu ce qu’il aurait toujours dû être : fun et stylé. J’avais enfin le droit d’en porter juste pour moi, parce que j’aime ça, pas pour me protéger ni pour exprimer une éventuelle masculinité. Parce que je me préfère en casquette. Parce que ça me rassure. Parce que je me sens plus « moi ». Plus neutre. Ou comme l’a écrit Claude Cahun : « Neutre est le seul genre qui me convienne toujours. » Mes casquettes me neutralisent. Et me politisent, certainement.
Je me souviens encore la première fois qu’une de mes boss canadiennes m’a fait savoir que mon port de casquette sur mon lieu de travail ne posait aucun problème. Je lui ai fait répéter, au cas où. Comme la fois où elle m’a demandé quel pronom j’utilisais. Sensation d’extrême bienveillance inexplicable.
Morale de cette chronique s’il y en a une : une casquette, pour certaines personnes, c’est bien plus qu’un accessoire, c’est un allié. C’est ce genre de petit détail qui n’a l’air de rien mais qui change tout au quotidien. C’est un accélérateur de confiance en soi et un joli pied de nez à cette partie de la société qui ne porte pas assez souvent de casquettes. Sans rancune.