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Occupation Double, c’est un pays libre!
Attention: si vous n’êtes pas à jour dans OD Chez Nous, sachez que cet article contient des spoilers. Si ce n’est pas déjà fait, allez regarder les épisodes que vous avez manqués, et revenez lire ces lignes tout de suite après.
Je ne passerai pas par quatre chemins: j’ai de la peine que Marjo et Cintia se soient faites éliminées jeudi soir, j’ai pleuré en regardant leur entrevue à La semaine des quatre Julie et si elles étaient allées jusqu’en finale, j’aurais voté pour elles, sans aucune hésitation.
Maintenant que mes allégeances sont claires: retour sur le parcours tumultueux du premier couple de même sexe à Occupation Double.
La bisexualité, ça existe-tu?
« C’est stratégique. », « Je ne crois pas en leur relation », « Leur couple est trop récent, je ne suis pas convaincue. » : les commentaires remettant en cause la légitimité de l’histoire d’amour entre Marjorie et Cintia se sont multipliés dans les derniers épisodes d’OD. Naadei se sent niaisée, Vincent demande des explications, Kevin affirme que « leur relation est aussi fake que leurs poitrines. » et j’en passe.
«C’est assez courant de voir des gens qui croient que la bisexualité est un jeu, une phase ou même qu’elle n’existe tout simplement pas.»
« Cette narrative-là, c’est un reflet assez représentatif de la manière dont beaucoup de gens perçoivent encore la bisexualité et les relations entre femmes dans notre société, explique Morag Bosom, chercheure et candidate au doctorat en sexologie. En effet, c’est assez courant de voir des gens qui croient que la bisexualité est un jeu, une phase ou même qu’elle n’existe tout simplement pas, alors que c’est une orientation sexuelle à part entière. Toutes ces croyances, ce sont des biais que l’on appelle “biphobie”.»
La chercheuse (et fan incontestée d’Occupation Double) me fait remarquer qu’en ce sens, la conversation entre Vincent, Marjorie et Cintia, diffusée plus tôt cette semaine, est intéressante: « Vincent demande des comptes aux deux femmes, il cherche à être convaincu de leurs sentiments et conteste la validité de leur union. Les autres candidat.e.s n’ont jamais eu à se justifier à ce point-là. J’ai aussi remarqué que Vincent mettait beaucoup l’accent sur le début de leur histoire, en parlant de « leurs niaiseries dans les toilettes », en faisant référence aux premières fois qu’elles se sont embrassées. Ça révèle à merveille la représentation hétéronormée et sexualisée des relations entre femmes, et de l’image du Girl on girl véhiculée par la porno mainstream. Donc pour se sortir de cette image et combattre les préjugés, les femmes doivent travailler deux fois plus fort pour être prises au sérieux. », souligne Morag Bosom.
Pour sa part, Noémie n’a pas caché son appui et sa joie sincère de voir Cintia et Marjorie assumer leur relation, une prise de parole qui a soufflé un vent de féminisme et d’ouverture d’esprit sur la Montagne Coupée.
Le sacro-saint coming out
« Contrairement à Jessie Nadeau d’OD Bali, Marjorie et Cintia ne se sont pas présentées à la base comme étant ouvertes aux femmes. Jessie, elle, revendiquait sa pansexualité, elle en parlait même dans sa présentation, rappelle Morag Bosom. Donc dans un jeu (et une société complète) régi par l’hétéronormativité, tout le monde a présumé de l’hétérosexualité de Marjo et Cintia. »
« Marjorie et Cintia sont d’abord entrées en contact et ont créé un lien par le jeu, la légèreté, en s’embrassant dans les partys.»
Selon la chercheure en sexologie, ce n’est pas surprenant que les deux femmes, malgré leur orientation fluide, aient commencé l’aventure en approchant des hommes, ce qui leur a été par la suite reproché pour invalider la légitimité de leur relation. « Marjo et Cintia sont d’abord entrées en contact et ont créé un lien par le jeu, la légèreté, en s’embrassant dans les partys, mais en maintenant des rapports de séduction avec les gars. C’était les règles du jeu, à la base. Mais dès qu’elles en ont eu l’occasion, leur attirance physique s’est transformée en quelque chose de plus profond et intime. », avance Morag. Comme dirait Marjorie « OD, c’est un pays libre! »
Quand on y pense, dès l’arrivée de Cintia dans les maisons, les deux femmes ont explicitement parlé de leur attirance et de leur intérêt mutuel. Marjo ne s’est pas cachée de placer Cintia dans son top, la gagnante d’OD Espagne a affirmé être “ouverte” et attirée par les femmes, et toutes les deux ont parlé de leurs expériences lesbiennes. La relation s’est développée lentement, sous les yeux du public et des candidat.e.s. Pourquoi leur reproche-t-on alors leur authenticité, pour employer un mot à la mode?
« La société hétéronormative s’attend à ce que les personnes non hétéros fassent un coming out clair, net et précis, affirme Morag. Et comme les deux femmes ont d’abord été perçues comme hétéros et qu’elles ont joué le jeu comme tel, on doute de leur franchise et on les accuse d’être stratégiques. Pourtant, OD est un jeu de stratégie pour tout le monde. En plus, il y a assez peu de couples qui survivent après l’émission, et je ne suis pas sûre que de se matcher en deux semaines (comme d’autres couples) soit un gage de succès, comme semblent le penser plusieurs candidat.e.s. »
Une discussion qui résonne au-delà de la Montagne Coupée
Une des choses que je préfère d’OD, c’est le prétexte qu’offre l’émission d’avoir des discussions sur des enjeux sociaux. Diversité culturelle, diversité corporelle, masculinité toxique, orientation sexuelle, identité de genre: les sujets se multiplient.
«Jeudi soir, j’ai regardé le passage de Marjorie et Cintia à La semaine des quatre Julie et je n’ai pas pu retenir mes larmes.»
« Je pense que l’histoire entre Cintia et Marjorie va faire réfléchir plein de monde et ouvrir un dialogue sur la bisexualité. Le jeu d’OD et la société sont essentiellement gouvernés par l’hétéronormativité, donc le fait d’assister à la naissance d’une histoire (érotique, amoureuse ou les deux) sur nos écrans, c’est très positif selon moi. Ça multiplie les modèles et c’est très bien», croit la candidate au doctorat en sexologie.
Jeudi soir, j’ai regardé le passage de Marjorie et Cintia à La semaine des quatre Julie et je n’ai pas pu retenir mes larmes. Rayonnantes, sereines et visiblement très complices, les deux femmes semblent avoir vécu un magnifique séjour dans la maison des exclus et se projeter dans une belle histoire. Le summum de mon émotion? Le message de Coeur de Pirate, qui leur témoigne son amour et leur envoie du courage pour assumer leur relation dans une société pas toujours hospitalière aux personnes queers.
Marjorie, Cintia, je ne vous connais pas dans la vraie vie, mais moi aussi, je vous envoie du love et vous dis merci pour la lumière multicolore que vous jetez par-delà la Montagne Coupée.