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Objectif : une ferme d’élevage de bisons avant d’avoir 30 ans

Entrevue avec Anouk Caron, étudiante passionnée en agriculture.

Par
Stéphanie Forcier
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À l’approche de la journée Portes ouvertes sur les fermes du Québec, URBANIA et l’UPA s’unissent pour vous faire découvrir l’avenir de l’agriculture au Québec.

Il y a certainement d’autres facteurs à l’oeuvre, mais huit saisons de L’amour est dans le pré plus tard, force est de constater que l’engouement pour le secteur agricole est aussi réel que la recrudescence de la rougeole.

Les bancs d’école des établissements scolaires offrant de la formation agricole n’ont jamais été aussi convoités, et nombre de futurs entrepreneurs rêvent de devenir le prochain Joel Salatin, ou de posséder un endroit bucolique peuplé d’ânes et parsemé de gisements d’huiles essentielles comme chez Jacynthe René.

Certains croient que pour consacrer ses années d’étude à un programme agricole, il faut soit :

  1. 1 avoir grandi là-dedans,
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  1. 2 avoir été refusé dans tous les autres programmes y compris danse moderne,
  1. 3 avoir brûlé le VHS de Babe, le cochon à force de l’avoir visionné,
  1. 4 être en amour avec Jean-Martin Fortier.

MAIS NON! Il y a aussi d’autres histoires, comme celle d’Anouk Caron.

En compagnie de Patmol le veau. Oui oui, une référence à Harry Potter.

Retour sur une rencontre avec une jeune femme déterminée qui, au moment où nous écrivions ces lignes, était en train de finir de déshydrater de la dinde et de remplir son sac à dos pour partir en trip de rando dans le Sentier international des Appalaches pendant 42 jours. Seule.

Anouk, ASV stp?

J’ai 24 ans. Je suis originaire de Coaticook, en Estrie, et je ne proviens pas du milieu agricole : mes parents sont copropriétaires d’une compagnie d’échangeurs de chaleur industriels à Coaticook.

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Mais, jeune, j’allais à des pyjama parties chez mes amis qui habitaient dans des fermes. Après la traite des vaches, on rentrait dans l’étable pour aller voir les veaux.

Je détiens un baccalauréat en agronomie avec majeure en production animale ainsi qu’une maîtrise en sciences animales qui porte sur le développement mammaire chez le porc.

Bref, une thématique qui s’insère bien dans un souper de Noël. « C’tu du porc haché qu’y’a dans la tourtière de matante Jocelyne? Ah, et parlant de porc : saviez-vous que bien que les truies aient plus de porcelets par portée, elles ne donnent pas plus de lait? Hey! C’est donc ben beau tes cheveux, Sylvie! »

Que s’est-il passé dans ton enfance, à part les pyjama parties dans des fermes, pour que tu te diriges en agriculture? (Tentative de ma part, ici, de créer un safe space.)

En fait, je voulais étudier en médecine vétérinaire et me spécialiser en traitement des grands animaux. Malheureusement, je n’avais pas les notes requises et, à la place, je me suis inscrite en biologie marine à l’Université de Rimouski. C’était en 2014. Tsé, l’année des coupures du gouvernement fédéral dans la recherche… les chercheurs n’avaient plus d’argent pour engager des étudiants…

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C’est donc dire que c’est un peu à cause de Stephen Harper que t’es en agriculture et que des baleines meurent en ce moment?

(Rires.) Un peu. Cette même année-là, une amie qui étudiait en agronomie à l’Université Laval m’a convaincue de m’inscrire à ce programme pour venir la rejoindre. Ce que j’ai fait.

Ce qui a aussi été très déterminant dans mon choix de carrière a été un stage dans une ferme laitière biologique de Compton. En fait, ça a été un gros coup de cœur de côtoyer, l’espace d’un été, des gens passionnés.

D’ailleurs, après ma maîtrise, je me suis inscrite au doctorat, mais j’ai finalement décidé de lâcher la recherche parce que je n’avais plus de contact avec les producteurs, et ce contact est super important pour moi, parce que ce sont des gens qui ont les mêmes valeurs que moi, soit la passion et l’authenticité!

Ce serait quoi, ton souhait pour le Québec agricole de demain?

Qu’on réussisse à fixer un prix plafond sur les terres et qu’on ait une politique de souveraineté alimentaire. Qu’on légifère pour obliger le secteur HRI (hôtellerie, restauration, institutionnel) à s’approvisionner en produits locaux. Et, qu’il y ait un cours au secondaire sur l’agriculture avec des visites de fermes en réalité virtuelle. Puisqu’il y a un enjeu de biosécurité dans les fermes en production animale qui contribue à accroître le fossé existant entre les consommateurs et les citoyens, la réalité virtuelle permettrait de pallier ça.

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Ah! Et qu’il n’y ait plus de désinformation dans les médias sociaux!

À ce sujet, j’ai été étonnée de constater durant mes années à l’université que certaines personnes se dirigent en agronomie pour confirmer ou infirmer des perceptions. Il y avait même une végane à la maîtrise en sciences animales!

As-tu envie de démarrer une ferme?

Oui! Une ferme agrotouristique d’élevage de bisons, de sangliers et de cerfs rouges. Dans environ cinq ans : le temps de ramasser du capital pour lancer mon projet et de trouver une terre située pas trop loin de routes achalandées pour que le volet agrotouristique puisse bien fonctionner.

J’ai visité une ferme d’élevage de bisons à Saint-Jean-Port-Joli et c’est à ce moment que j’ai su que je voulais faire ça!

Fun facts : le bisonneau naît orangé, et le bison peut vivre jusqu’à 90 ans en captivité (presque l’équivalent de la durée du remboursement d’un prêt étudiant).

Qu’est-ce que tes parents pensent de ton projet?

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(Rire suivi d’un silence – pas trop long, mais assez pour que je détecte que ses géniteurs ont sûrement dû avertir leur face qu’ils étaient contents quand elle le leur a annoncé.)

Ah ouin, tant que ça?

Ben, ils sont sceptiques… étant donné que c’est très marginal comme secteur de production. Je vais m’arranger pour que ça fonctionne.

***

Je vous avais dit qu’elle était déterminée, hein?

Donc, dans cinq ans, je m’attends à me rendre dans une des 20 fermes d’élevage de bisons du Québec, plus précisément dans la vallée de la Coaticook, du Patrick Bruel plein les oreilles.

On s’est donné rendez-vous dans cinq ans, même jour, même bison, même heure.

*****

Partez à la rencontre de centaines d’autres passionnés d’agriculture lors de la journée Portes ouvertes sur les fermes du Québec organisée par l’Union des producteurs agricoles, le dimanche 8 septembre prochain, sur plus de 100 fermes partout au Québec et à Montréal. Pour en savoir plus, c’est ici.

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