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Le 8 avril dernier, l’auteur et blogueur Jean Barbe s’emballait sur le site du Journal de Montréal en revenant sur l’événement Nous?, un marathon oratoire de 12 heures rassemblant des citoyens de toutes les couches, dont plusieurs « personnalités » à la Sébastien Ricard, Mathieu Bock-Côté et Yann Perreau.
Ceux-ci devaient se prononcer sur une question digne d’un référendum : «Comment rendre visible, opérante la liberté qui nous caractérise et qui nous échappe en même temps? La révéler?»
À la recherche de textes substantiels revenant sur l’événement, je me suis surpris à être choqué par la conclusion : la plupart des articles et billets de blogues abordant Nous? ne sont revenus que sur sa conclusion «pas arrangée avec le gars des vues, mais presque» digne d’un gala de la WWE : un inconnu, plus tard identifié comme étant un citoyen nommé Benjamin Huppé, est monté sur scène pour prendre la parole.
Bref, Barbe capotait ben raide : «[…] ce jeune homme était l’exemple même de ce que nous avions collectivement réclamé : la prise de parole. La responsabilité individuelle d’exprimer son appel à tous. Il était… survolté, excité, rêveur. Il était beau à voir. […] À la fin, on la voit dans la vidéo, je lui ai pris le bras. Je crois qu’il a cru un instant que je voulais l’entraîner hors de la scène. Mais c’était pour le lever en signer de victoire.»
Les commentateurs de son billet abondaient dans le même sens…
« Acte de courage et de culot »,
« [Il] a osé revendiquer et s’exprimer librement et surtout GRATUITEMENT. Je suis fier de Benjamin qui n’a fait que crier tout haut ce que tout québécois (sic) rêvent tout bas! »
« Un geste courageux porteur d’espoir, BRAVO!!! »
« Il a prit (sic) tout son courage et est monté sur la scène pour parler. Tout le monde parle et parle sans vraiment parler. Mais lui il a oser (sic) parler pour se faire entendre. POur (sic) se faire entendre, il a réussi, il fais (sic) pas mal jaser de lui et ses (sic) vraiment amusant je suis contente pour lui. »
Du côté de La Presse, Stéphane Laporte ajoutait que « L’homme au cellulaire venait de concrétiser le rêve que tous les intellectuels avaient exprimé durant les 12 heures de l’évènement Nous?. Un Québécois s’était levé. »
Bref, j’étais choqué, car, à la lecture de ces constats univoques, je me suis surpris à lancer un juron. Tiens, je le reprends ici :
« Bitches, please! On – nous, les citoyens qui ne prennent pas la parole sous les feux – se lève tout le temps! »
…
Juste le week-end dernier, les « tweeteux » québécois ont fait changer d’avis les Industries Lassonde (en plein congé de Pâques, d’ailleurs!) alors que de nombreux abonnés de Netflix annonçaient sur les réseaux sociaux qu’ils mettaient systématiquement fin à leur abonnement, alors que des médias américains révélaient que le populaire service de diffusion vidéo flirtait avec le gouvernement américain alors que ce dernier tente de relancer le controversé Stop Online Piracy Act.
Au même moment, en Floride, une poignée d’étudiants bloquait l’accès à la station de police de Stanford afin de protester contre « l’affaire Trayvon Martin ». Comment ce coup d’éclat s’est terminé? Par l’organisation d’un forum public sur la situation!
Comme si ce n’était pas assez, les Benjamin Huppé de ce monde se rassemblent aussi pour bloguer sur l’actualité. Qu’on aime ou pas le résultat final, le constat demeure le même : On prend la parole, on participe aux manifestations, on s’implique dans des comités contre le gaz de schiste et pour le retour des Nordiques.
…
Bien sûr, Nous? demeure un événement louable et l’intervention de M. Hubbé se voulait bel et bien la conclusion logique d’une telle initiative, mais de nombreuses questions demeurent : sommes-nous à ce point déconnectés des initiatives politiques et communautaires de nos concitoyens? Sommes-nous si enfoncés dans le marasme du défaitisme, du «ça ne marchera pas» et du «ils n’écouteront jamais» pour crier victoire lorsqu’un (UN SEUL!) citoyen désobéit au décorum et s’invite au micro!? Voyons don’!
Suggestion pour la prochaine édition : remplacez le point d’interrogation par un point d’exclamation. Nous! sommes présents. Nous! sommes actifs. Nous! sommes engagés. Nous! n’attendrons pas après Vous(?) pour le prouver.