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Nostalgie baby

Par
Marie Darsigny
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Après la fête du Travail, on peut dire que l’été est définitivement fini. Le piscine Jarry est fermée, les étudiants de l’UQAM sont back les fesses sur leurs chaises grises, et même si la canicule des derniers jours semble dire le contraire, on s’approche de l’automne à grands pas. Mais je suis nostalgique.

“Homesickness is just a state of mind for me. I’m always missing someone or someplace or something, I’m always trying to get back to some imaginary somewhere. My life has been one long longing.” -Elizabeth Wurtzel

Une collection de cassettes de Mitsou. Une pouliche rose qui sent la cerise. Un crayon pousse-mine aux couleurs de l’arc-en-ciel. Un presse-patate en métal pour faire des patates en riz. Mes souvenirs se cachent dans des objets d’apparence anodine, mais qui ont le pouvoir de me catapulter au creux d’une vague de nostalgie sans fin et sans fond.

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Je suis nostalgique des gens, des époques, des situations.

J’ai 7 ans. Je saute en bas du divan de France et je me cogne la tête sur le coin de la table de salon en verre fumé. Je me relève et continue de chanter Coeur de Loup. Toute la garderie se pratique pour le spectacle de Noël et je veux être bonne, je veux être la meilleure, je veux être autre chose que celle qui porte des pantalons en coton ouaté rose fuschia trop courts. La maison de France sent le Kraft Dinner, le spray net, le chlore en été quand France nous oblige à se baigner. Je suis une voleuse. Dans la salle de bain de France, nu-bas sur le carrelage noir et blanc, je me regarde dans le miroir. Je prends une barrette en forme de caniche frisé lilas et je la place dans mes cheveux. J’enlève la barrette, la place dans ma poche, referme le tiroir de la salle de bain. Je retourne au sous-sol. En passant devant la chambre de France, je me tords le cou pour voir sa déco qui me rappelle les clips qui passent à Musique Plus à l’heure où je devrais être couchée. France m’appelle pour aller manger. Je m’assois au comptoir et je prends mon bol de soupe Lipton. “T’as pas dit merci”, France me dit. Je sais que j’ai dit merci, j’ai dit merci à travers mes dents, j’ai dit merci pour le lunch, pour la barrette, pour ma vie ici qui ressemble à une scène de Watatow. France m’enlève mon bol. J’attends en regardant l’heure verte qui flashe sur le micro-onde, la bouche pincée, la main dans ma poche qui ouvre la barrette, ferme la barrette. Les minutes passent et France me garroche le bol de soupe froide: “Tête de cochon”. Je trempe mon petit doigt dans la croûte huileuse. Le soir, ma mère me demande ce que France nous a cuisiné pour diner. Je ne réponds pas. Ma main dans ma poche joue avec la barrette: ouvre, ferme, ouvre, ferme. Je suis une voleuse, mais au moins je connais les paroles de Coeur de Loup par coeur.

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C’est épuisant de vivre dans sa tête, de passer son temps à ouvrir et fermer des tiroirs qui débordent de souvenirs hétéroclites. Parce que vivre de nostalgie telle une Lana Del Rey high su’a beach, ça implique toujours analyser ce qui aurait pu être. Je me rejoue mes scénarios dans ma tête: et si j’avais eu la réplique plus assassine? Le ton moins assuré? La répartie plus facile? Si seulement je pouvais retourner en arrière et changer les choses, tout irait mieux. Je serais différente, ma vie serait meilleure, mon futur serait bright et shiny comme le jewel case d’un CD de No Doubt reçu à Noël 1996.

Normalement, on considère le passé comme étant derrière nous, et l’avenir comme étant devant nous. J’ai déjà entendu dire que dans certaines cultures, c’est le contraire: le passé est devant nous, puisqu’on le voit et on le connait, alors que l’avenir est derrière nous, dans notre dos, impossible à voir dans le présent. C’est logique, je trouve. Un peu poétique. Si on se fie à cette image, je dirais que personnellement, oui, j’ai le passé en avant de moi. Il est même tout juste en avant, au bout de mon nez. J’ai crissement la face collée dedans.

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Me suggériez-vous de lire Le Présent? De faire de la méditation pleine conscience? D’obéir aux quatre Accords toltèques ou autres concepts pseudo-scientifiques et/ou semi-spirituels?

J’ai le passé qui me brasse comme un cycle d’essorage de machine à laver déréglée. Les souvenirs m’aveuglent comme des spots de pick-up dans la nuit sur la 202 à Hemmingford. Peut-être qu’il n’y a pas de solution. Peut-être que les spécialistes s’entendraient pour me dire que c’est juste de la nostalgie, baby.

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