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Non, on n’outera personne
C’est fou, l’effet «téléphone arabe». Un jour, tu dis à Patrick Lagacé que tu essaies de joindre une personnalité publique pour qu’elle t’explique, anonymement, pourquoi elle ne veut pas faire son coming out, trois jours plus tard, on te soupçonne de vouloir sortir les gens de force de la garde-robe. Tout ça a l’air d’une belle grosse campagne de bullying professionnel, mais il n’en est rien, je vous assure. À Urbania, on est gentils. Je le dis, même si ma patronne haït ça quand je parle au «on».
Ma patronne haït ça aussi quand on parle des sujets de nos articles qui seront publiés dans trois mois. Ça brûle le punch, dit-elle, avec raison. C’est pourquoi même si j’en ai long à dire sur le coming out des personnalités publiques et la sortie de Rick Mercer, je vais garder tout mon bon matériel pour le prochain numéro d’Urbania. Je vais donc me rabattre sur l’effet «téléphone arabe», les idées et leurs nuances.
Vous souvenez-vous de Brigitte?
J’avais commis un billet que je regrette en partie (j’en aurais aussi long à écrire au sujet des regrets, ce sera pour une autre fois), sur cette ex-lesbienne convertie par l’église. Je regrette le manque de nuance, le manque d’ouverture sur les idées dissidentes (ma pensée a évolué en observant la fille qui manifeste seule pacifiquement pour le droit à l’avortement, entourée des manifestants contre l’avortement, devant la clinique Morgentaler), mais surtout, je regrette de ne pas avoir tenu compte de l’effet «téléphone arabe».
«Judith, tu es journaliste, tu es bien placée pour savoir qu’un article est un résumé en 750 mots d’une conversation nuancée de trois heures! m’a rappelé Brigitte. T’aurais pu m’appeler».
Je vous rappelle que Brigitte et moi nous connaissons, et que mon billet sur elle se terminait par une invitation à prendre un café. C’est ce que nous avons fait.
Cette rencontre a changé ma vie. Depuis, je crois en Dieu et j’ai commencé à remettre en question mon orientation sexuelle. Ben non. C’t’une joke.
Ce qui a changé, depuis, c’est ma façon de penser. J’avais oublié que les gens font la guerre depuis des millénaires parce qu’ils ne croient pas à la même chose. Pour moi, il est évident que l’homosexualité est une chose acceptable, tout comme le droit de se faire avorter. Pour Brigitte, non. Avec quelques nuances, bien sûr. Pour elle, la société dans laquelle elle vit accepte que l’on tue des êtres vivants, chaque jour, au nom du libre choix. Si je partageais les croyances de Brigitte, je capoterais. Je ne voudrais plus appartenir à la race humaine. Ou, je prierais en faisant des allers-retours devant la clinique Morgentaler.
Et là, comme je n’ai dit que quelques mots sur le sujet, il y en aura pour penser que je suis maintenant contre l’avortement et que je vais aller prier devant la clinique Morgentaler cet après-midi. Comme me disait ma patronne, hier, «les gens comprennent bien ce qu’ils veulent». C’est comme ça que ça marche, le téléphone arabe.