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Non, Jean Charest ne sera pas chef conservateur
Jean Charest, de retour en politique? Jean Charest, futur chef des conservateurs à Ottawa? Jean Charest, prochain premier ministre du Canada? Non, oubliez tout ça!
Inutile de faire des cauchemars et vous lever en sueurs en pleine nuit, puisque le principal intéressé lancera la serviette et annoncera qu’il ne se présente finalement pas prochainement.
Je sais bien que le chevronné journaliste – et nouveau retraité – de La Presse, Denis Lessard, écrivait le contraire il y a à peine quelques jours. Mais les choses changent parfois cependant très vite, en politique comme ailleurs.
Selon plusieurs sources avec qui je me suis entretenu, Charest serait revenu sur terre et devra faire une croix sur son rêve.
Oh ça y tente en titi, par exemple : l’ancien chef du Parti progressiste-conservateur ne manque pas d’ambition et s’imagine PM du Canada depuis son tout jeune âge. Pour lui, le poste de PM provincial n’était qu’un prix de consolation en attendant.
L’ancien chef du Parti progressiste-conservateur ne manque pas d’ambition et s’imagine PM du Canada depuis son tout jeune âge. Pour lui, le poste de PM provincial n’était qu’un prix de consolation en attendant.
C’est pourquoi au lendemain de la démission d’Andrew Scheer, le 12 décembre dernier, l’ex-chef des libéraux à Québec aurait lui-même alimenté la machine à rumeurs en multipliant les rencontres et les appels pour tâter ses appuis. Il aurait même constitué un embryon d’équipe pour la longue course au leadership qui culminera vers le congrès du Parti conservateur, à Toronto, le 27 juin prochain.
Mais les conservateurs sont-ils prêts à voter pour un ex-premier ministre libéral québécois et ex-ministre de l’époque Mulroney, sur qui pèse des allégations criminelles?
En fait, la première question (importante quand même) que se poseraient les membres du parti va comme suit : Jean Charest est-il un conservateur ou un libéral? A-t-il voté libéral ou conservateur en octobre dernier? Pour Scheer ou pour Trudeau?
Comme l’écrivait cette semaine Mario Dumont, « cela fait plus de 20 ans que Jean Charest ne s’est pas identifié comme conservateur. Pire encore, une fois dans le fauteuil de Premier ministre du Québec, il a pris exagérément ses distances par rapport au gouvernement conservateur de Stephen Harper. »
Est-il seulement membre du Parti conservateur? A-t-il déchiré sa carte en avril 1998 pour s’en racheter une nouvelle il y a un mois?
La PCC n’est plus le même
Le problème de Jean Charest, c’est que le PCC a profondément changé entre le moment où il l’a quitté et celui où il souhaite revenir. L’ex-premier ministre, Stephen Harper, a transformé le parti. Sa décennie au pouvoir aurait d’ailleurs laissé d’excellents souvenirs aux militants conservateurs actuels. Son ascendant sur le parti est énorme. Il est même responsable de l’important PC Fund, le nerf de la guerre. C’est un secret de polichinelle qu’Harper ne voit pas l’arrivée de Charest à la direction du PCC comme une bonne nouvelle. C’est un euphémisme même, puisqu’on apprenait cette semaine qu’Harper aurait démissionné du conseil d’administration du fonds du PCC pour justement couper l’herbe sous le pieds de Jean Charest.
Depuis la fusion avec le Reform Party/Alliance canadienne en 2003, le parti s’assume de plus en plus comme un parti de droite, qui souhaite réduire la taille de l’État, les taxes et l’endettement public. Tout ce que Charest n’a pas fait pendant ses nombreuses années au pouvoir à Québec.
Les conservateurs veulent bien se donner un nouveau chef qui représente davantage le Québec et l’Ontario, qui soit plus en phase avec l’opinion des progressistes sur la question des droits des gays et lesbiennes ou de l’avortement. Cela étant dit, pratiquement personne ne veut revoir le positionnement économique du PCC.
Charest croyait pouvoir compter sur l’appui du populaire ancien ministre Peter MacKay, mais l’ancien député de son minuscule caucus conservateur en 1997 juge que son tour est lui aussi arrivé.
Et Charest qui croyait pouvoir compter sur l’appui du populaire ancien ministre Peter MacKay, mais l’ancien député de son minuscule caucus conservateur en 1997 juge que son tour est lui aussi arrivé. Mackay se présente, que Charest y aille ou non. Le vote de l’aile Mulroney plus à gauche dans le parti (red tory) se diviserait alors en deux.
L’autre épine dans le pied de Charest demeure le fait qu’il soit sous enquête de l’UPAC. Lundi dernier, le Bureau d’enquête de QMI nous apprenait que «Jean Charest est toujours la cible d’une enquête de l’Unité permanente anticorruption sur les liens entre le financement politique et l’octroi de contrats publics ».
Le PCC peut-il prendre le risque de voir son chef accusé d’abus de confiance, de fraude ou de corruption en pleine campagne électorale?
Ne me dites pas que l’UPAC est apolitique et ne pourrait jamais faire ça. J’ai coanimé une émission de radio avec Nathalie Normandeau pendant plus d’une année, jusqu’au jour de son arrestation. Comme par hasard, c’était aussi le jour du dépôt du budget du gouvernement du Québec.
Des méchants hasards vous croyez?
Un manque d’appuis
Ne sous-estimez pas l’importance de l’intégrité comme qualité essentielle pour diriger le PCC. Vous me direz qu’un politicien honnête ça n’existe pas. Certes. Mais le PCC de Harper a accédé au pouvoir notamment en jouant cette carte à fond. Les libéraux étaient embourbés dans le scandale des commandites jusqu’aux oreilles. Et Justin Trudeau vient de perdre sa majorité à la Chambre des communes justement en raison de son manque d’intégrité dans l’affaire SNC-Lavalin/Judy Wilson-Raybould.
Mais si Jean Charest abandonne aujourd’hui la course à la direction du PCC ce n’est pas parce qu’il est visé par une enquête criminelle. Ni même parce qu’il se sent plus libéral que conservateur. Si Jean Charest refuse de plonger, c’est qu’il viendrait de se rendre compte qu’il n’y a pas d’eau dans la piscine.
Jean Charest peut se consoler en restant au service d’un prestigieux bureau d’avocats, à conseiller les Huawei de ce monde et à empiler de sans doute généreux honoraires.
Pratiquement personne d’influent et de signifiant ne souhaiterait appuyer sa candidature, au Québec, comme ailleurs au Canada. Oui, des gens d’affaires ou des vieux de la vieille sont nostalgiques et disent « vas-y, mon Jean! » Le vieux loup politique qu’est Charest sait trop bien que ces appuis ne valent pas grand-chose.
Il vient sans doute de réaliser que sa campagne à la chefferie pourrait être l’exercice le plus humiliant de sa carrière. Sans même que la course ne soit officiellement commencée, avant même qu’un seul membre ait voté, le verdict est trop clair et limpide.
Jean Charest peut se consoler en restant au service d’un prestigieux bureau d’avocats, à conseiller les Huawei de ce monde et à empiler de sans doute généreux honoraires.
Triste destin. Triste fin. Snif!